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Les constructeurs automobiles face au matching

1. Matching et conception de la gamme

1.2 Offre de variété et arbitrage des consommateurs

a)- Une problématique de matching ?

La variété de la gamme Megane II est donc conçue avec la gamme de prix correspondante. En effet, la conception a pour objectif de discriminer les clients et doit donc prendre en compte l’arbitrage différenciation / prix des consommateurs. Mais la conception de la gamme prend-elle en compte les contraintes qui pèsent sur la rencontre entre la variété offerte et les consommateurs ? C’est-à-dire la conception incorpore-t-elle l’optimisation du matching ? Selon M. Emmanuel Aouad, Direction Marketing gamme M1, la contrainte majeure dans la mise en œuvre de cette variété accrue est la contrainte informationnelle, c’est-à-dire la capacité imparfaite des vendeurs à présenter cette large variété aux consommateurs dans les points de vente. En effet, devant la complexité croissante de la gamme intra-modèle, le vendeur, selon M. Aouad, ne vend plus des versions en petit nombre, mais doit vendre « ce qu’il y a dans la voiture ». Il devra donc guider le consommateur dans cette gamme combinatoire, ou simplifier la gamme en fonction des besoins du consommateur, afin de lui offrir le choix entre un petit nombre de variantes. Cette contrainte informationnelle est ainsi prise en compte dans l’édition des catalogues, et dans la mise en place de postes de vente informatisés dans les concessions, pour aider le vendeur dans la présentation de la gamme et la recherche des prix de vente correspondant. Mais elle ne joue pas directement dans la détermination de la largeur de la variété offerte.

Par ailleurs, au moment de la conception de la gamme, le constructeur est confronté à une incertitude sur la demande future pour les variantes de la gamme. Cette incertitude pèse sur les prévisions de volume et de marge du constructeur32. Mais il s’agit essentiellement d’une incertitude capacitaire : quels moyens de production réserver ou créer pour produire la

prochaine gamme ? Or, la capacité de répondre aux besoins de clients hétérogènes par la combinatoire d’une variété industrielle existante réduit cette incertitude capacitaire33.

Cette incertitude sur l’utilisation future des moyens de production réservés ne porte donc pas sur les décisions de production réelles des variantes une fois le produit lancé. Elle ne pèse donc pas directement sur le matching. La disponibilité des variantes pour le consommateur final n’est donc pas traitée comme une contrainte spécifique dans le processus d’élaboration de la gamme.

b)- Retour sur la variété vendue

Une fois le véhicule lancé sur le marché, la Direction Produit analyse les ventes, et notamment la répartition des ventes sur les différentes caractéristiques. Ces analyses ne se font pas au niveau des véhicules assemblés, c’est-à-dire des variantes issues de la combinatoire, mais des caractéristiques constituant cette combinatoire (différents GMP, niveaux d’Equipement, niveaux d’Ambiance). Ces analyses permettent de connaître sur chaque marché la répartition des ventes entre variantes sur chacune de ces caractéristiques, par exemple : en France, x % des ventes ont été réalisées sur le premier niveau d’équipement, y % sur le niveau supérieur et z % sur le niveau maximal, de même pour les différents GMP et les différents niveaux d’Ambiances. La combinaison de ces parts de ventes par caractéristique nous a permis de retracer la participation des différentes combinaisons d’Equipement et d’Ambiance dans les ventes totales par marché. La Figure 7, réalisée à partir des ventes sur 3 mois (Juin à Août 2003) sur une variante de caisse (la Berline 5 portes) met en évidence qu’une faible part des variantes possibles, ouvertes par la « gamme enveloppe », constitue l’essentiel des ventes. Ainsi, en Grande-Bretagne, 80% des ventes de la Megane Berline 5 portes sont réalisées avec 17% des variantes de la « gamme enveloppe », c’est-à-dire 17% des 52 combinaisons34 de GMP, niveaux d’équipement et d’ambiance. En France, cette part des ventes est atteinte avec environ 22% des variantes possibles, tandis que l’Allemagne est le marché où la variété est la plus exploitée puisque 33% des variantes constituent 80% des ventes.

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Les prévisions de volume et de chiffre d’affaires sont faites en fonction du prix réel estimé, à savoir le prix de catalogue, plus le prix des options moins la remise moyenne accordée. La vente d’options est estimée en pourcentage des ventes.

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Elle peut par ailleurs accroître l’incertitude capacitaire sur d’autres modèles de la gamme. Ainsi le break de Megane II rentre en concurrence avec le break Laguna (segment M2). Si l’opération est neutre pour le constructeur en termes de marge, elle fait peser une plus grande incertitude industrielle, c’est-à- dire capacitaire sur l’unité de production du break Laguna.

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Ces 52 variantes sont issues de la combinaison pour la caisse Berline 5 portes des 6 GMP et des 9 combinaisons Equipement / Ambiance proposées dans la gamme enveloppe (voire Tableau 2). Cette

Figure 7 : Exploitation de la variété : Ventes des Megane Berline 5 portes (ventes Juin - Août 2003) 22% 33% 17% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 2% 11% 20% 30% 39% 48% 57% 67% 76% 85% 94% % des variantes France Allemagne GB

Source : Direction Produit, Renault, 2003.

Figure 8 : Montée en gamme des consommateurs sur les combinaisons Equipement / Ambiance: Megane berline 5 portes (ventes Juin - Août 2003)

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% France Allemagne GB

Source : Direction Produit, Renault, 2003.

variété peut ne pas correspondre à la variété de la « gamme pays » au sein de laquelle le consommateur a fait son choix.

La variété combinatoire totale de la « gamme enveloppe » est donc bien une variété potentielle dont l’objectif n’est pas d’être exploitée dans son intégralité mais de permettre la montée en gamme des consommateurs. En effet, il n’est pas possible de juger de l’efficacité de la gamme à partir de la participation des variantes au volume de ventes. L’analyse des ventes par la Direction Produit et Marketing, est donc axée sur la part des ventes réalisées sur chaque niveau de qualité, c’est-à-dire la montée en gamme effective des clients sur chacun des marchés.

Ainsi, la Figure 8 indique que 80% des ventes sur le marché français sont réalisées sur un niveau de qualité inférieur ou égal à la combinaison du niveau d’Equipement « Confort » (niveau intermédiaire) et du niveau d’Ambiance « Expression » (intermédiaire inférieur). En Grande-Bretagne, les ventes sont très concentrées sur une combinaison « Confort Dynamique » qui à elle seule réalise 60% des ventes. En Allemagne au contraire, les ventes sont plus réparties sur les niveaux de qualité, et 50% des ventes sont réalisées sur les combinaisons de niveau de qualité supérieur au niveau « Confort Dynamique ».

Ces données permettent à la Direction Produit et aux Directions Marketing d’évaluer l’efficacité du programme de discrimination. Toutefois, il reste difficile d’expliquer les différences régionales de ces résultats, et notamment d’évaluer l’effet de la conception de la « gamme pays » à partir de la « gamme enveloppe », de la concurrence sur le marché analysé et du positionnement de la Megane Renault sur ce marché, des caractéristiques propres à la demande automobile, etc. A ce stade de l’analyse des ventes, il est en tout cas impossible d’évaluer l’efficacité de l’organisation du matching, c’est-à-dire des procédures influant sur la rencontre effective des consommateurs avec la variante parmi la gamme qui maximise leur consentement à payer.

c)- Incertitude et cycle de vie du modèle

La répartition des ventes par variante permet toutefois de réduire l’incertitude sur la demande pour la variété au cours du cycle de vie du produit. Ainsi, cette variété est maximale lors du lancement de la nouvelle gamme, puis est progressivement réduite des combinaisons de caractéristiques les moins demandées dans le temps. En fin de vie, la variété combinatoire est minimum, tandis que l’importance des « séries spéciales » s’accroît dans les ventes. En effet, ces « séries spéciales », c’est-à-dire ces variantes commercialisées avec un support publicitaire et promotionnel (généralement un sur-équipement gratuit du véhicule) sont utilisées en début du cycle de vie du produit pour dynamiser le lancement d’une nouvelle gamme, et en fin de vie du produit, pour limiter la chute des ventes sur le modèle vieillissant, et compenser par une sur- qualité la réduction parfois drastique de la variété offerte sur le modèle.

Les contraintes d’information imparfaite et d’incertitude sur la demande sont donc prises en compte par le constructeur dès la phase de conception de la gamme, mais ces contraintes n’interviennent pas directement dans la détermination de la largeur de celle-ci, c’est-à-dire dans le nombre de variantes offertes, et ne fait pas l’objet d’un processus d’optimisation. La détermination de la variété présente dans le catalogue du constructeur est donc bien antérieur à la problématique économique du matching, c’est-à-dire à l’efficacité de la rencontre entre la variété du catalogue et les consommateurs aux préférences hétérogènes. Il s’agit d’une variété potentielle, pour laquelle des moyens de production ont été créés. Cette variété potentielle sera en revanche réduite dans le temps à mesure que les analyses des ventes passées réduisent l’incertitude sur la demande.

Le constructeur est cependant soumis à une incertitude sur la demande dans la phase de production effective des produits présents dans le catalogue. Il est alors confronté à la question : quelles variantes produire, en quelle quantité, et à quel moment ?

2. Production de la variété en présence d’incertitude

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