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L’évolution réglementaire de la distribution automobile européenne

synthèse des résultats

2. Les facteurs d’évolution de la distribution automobile

2.1 L’évolution réglementaire de la distribution automobile européenne

Nous avons déjà montré que le règlement européen 1475/95 permettait aux constructeurs et à leur réseau de cumuler plusieurs restrictions à la concurrence dans l’organisation de la distribution automobile. L’arrivée à échéance en 2002 a été l’occasion d’une réévaluation des effets anti-concurrentiels de ce règlement, notamment dans le domaine de la vente des véhicules

neufs. Un des objectifs essentiels de la Commission dans le nouveau règlement est l’accélération de l’intégration du marché automobile européen par l’harmonisation des prix entre marchés nationaux.

a)- La fin du cumul de la sélectivité et de l’exclusivité territoriale

Le nouveau règlement 1400/02, pour introduire une plus forte concurrence dans la distribution des véhicules neufs, s’attaque ainsi au cumul des restrictions verticales, qui fait de l’automobile une véritable exception dans le droit de la concurrence européen. Le nouveau règlement réduit donc la spécificité du produit automobile et rejoint le règlement d’exemption par catégorie 2790/99 s’appliquant à tous les accords de distribution. Selon ce nouveau règlement, les constructeurs pourront choisir entre deux modes d’organisation :

- la sélectivité : les constructeurs pourront comme précédemment imposer des critères qualitatifs et quantitatifs à leurs distributeurs. Les distributeurs ne pourront donc vendre de VN à des revendeurs non agréés par le constructeur (mais le pourront à des intermédiaires et agents agissant pour le compte d’un client). En revanche, les critères de sélectivité ne pourront contraindre le concessionnaire sur son lieu d’établissement, ni sur la zone dans laquelle il peut prospecter ses clients.

- l’exclusivité territoriale : le distributeur se voit allouer un territoire défini et ne peut prospecter activement ni ouvrir de points de vente hors de son territoire. En revanche, le distributeur n’est pas contraint par la sélectivité et est autorisé à vendre à tout opérateur non agréé : revendeur indépendant, supermarché de voiture ou généraliste, opérateur sur Internet, etc.

D’autre part, le multi-marquisme est facilité, les distributeurs pouvant exposer plusieurs marques dans un même show-room, les constructeurs ne pouvant plus exiger qu’une séparation visible au sein de l’espace d’exposition. Enfin, la rupture du lien entre vente et après-vente implique qu’un distributeur franchisé n’est plus obligé de fournir un service de réparation, ni même de détenir un atelier, mais peut sous-traiter cette activité auprès d’un réparateur agréé par le constructeur.

Ce règlement européen est rentré en vigueur le 30 septembre 2002, avec une phase de transition prenant fin le 30 septembre 2003. Les constructeurs ont très largement opté pour la sélectivité, qui leur permet de garder le contrôle de leur marque (critères qualitatifs), des volumes et indirectement des prix (critères quantitatifs). Seuls les constructeurs réalisant un très faible volume de vente sur le marché européen et dotés d’un réseau de distribution limité, comme Mitsubishi, ont opté pour l’exclusivité territoriale de leurs distributeurs.

b)- Vers une concentration croissante de la distribution automobile ?

La fin de l’exclusivité territoriale, pour les réseaux dont le constructeur a opté pour la distribution sélective, s’applique en réalité en deux temps :

- À partir du 30 septembre 2003, les concessionnaires sont autorisés à la vente « active » hors de leur territoire initial ;

- La levée complète de l’exclusivité territoriale n’est définitive qu’en octobre 2005, date à laquelle seront illégales les « clauses de localisation » : un contrat sélectif ne sera plus attaché à une localisation du point de vente, mais uniquement au respect des critères de sélectivité. Cette levée de la clause de localisation permettra donc à tout concessionnaire d’ouvrir un ou plusieurs points de vente sur le territoire européen, avec pour seule contrainte que le nouveau point de vente respecte les critères qui lui ont permis de remporter l’agrément sur son point de vente initial.

La mise en application de ce nouveau règlement devrait donc ouvrir une phase de concurrence accrue entre distributeurs appartenant au même réseau de marque. Cette concurrence intra- marque devrait fragiliser d’abord les petites concessions familiales, dont la capacité financière à profiter de ce règlement pour élargir leur champ d’action, par des campagnes publicitaires ou l’ouverture de nouveau point de vente, est limitée. Ces concessions sont, par ailleurs, fragilisées par la partie du nouveau règlement concernant le marché de l’après-vente et des pièces, qui rogne leur pouvoir de marché sur les activités les plus rentables de la concession78. On devrait donc assister à la disparition d’un certain nombre de points de vente et à une consolidation des réseaux en entreprises de taille suffisante pour mettre en place des stratégies de rétablissement des marges. La question de la taille de ces entreprises et de leurs stratégies reste encore non élucidée. Certains experts79 vont même jusqu’à anticiper une concentration rapide du secteur et la formation de groupes de distribution automobile de dimension européenne. Nous discuterons dans la partie suivante des incitations à la concentration dans ce secteur.

Enfin, la fin de la clause de localisation a relancé le débat autour de l’entrée de nouveaux acteurs dans la distribution automobile, notamment de la grande distribution, entrée facilitée par la rupture du lien entre vente et après-vente, permettant à un distributeur de sous-traiter la réparation à un réparateur agréé par le constructeur. Mais, selon Loire et Moati (1997), un certain nombre d’arguments permettent de tempérer cette menace :

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Le point crucial du nouveau règlement concernant l’après-vente est l’ouverture à la concurrence du marché des pièces de rechanges (PR), sur lequel les constructeurs et leurs réseaux jouissaient d’un fort pouvoir de marché : fin de l’exclusivité des réseaux sur les pièces d’origines, accès des réparateurs indépendants à l’information technique, etc.

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- Le savoir-faire nécessaire à la vente automobile (besoin d’une force de vente spécialisée, portage financier des stocks à la charge du distributeur, etc.). Selon Loire et Moati (1997), ces arguments, qui avaient été également utilisés pour s’assurer contre l’entrée des hypers dans la micro-informatique, ne doivent pas être majorés.

- La surface de vente. En effet, la distribution automobile est très consommatrice d’espace, qui est une ressource rare pour les hypers en proie à des difficultés croissantes pour obtenir des autorisations d’agrandissement.

- La résistance des constructeurs eux-mêmes, qui craignent d’être exposés à leur puissance d’achat.

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