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Vendre la variété : le problème économique du matching

2. La fonction de matching

2.1

Une hypothèse de rationalité de la firme

Les contraintes que nous avons présentées créent des coûts pour la firme comme pour le consommateur. Ces coûts sont à l’origine d’inefficacités dans la rencontre entre l’offre et les consommateurs. Ces inefficacités, ou phénomènes de mis-matching apparaissent lorsque : - le consommateur supporte une désutilité sur la variante la plus proche de ses préférences qui

l’incite à se reporter sur une variante plus éloignée ;

- ou lorsque le consommateur se voit offrir un surplus supérieur sur une variante plus éloignée de ses préférences, quand les prix sont fonction du risque encouru par la firme.

Tableau 2 : Coûts et inefficacités du matching sous contrainte d’information imparfaite et d’incertitude sur la demande

Contrainte pesant sur matching

Information imparfaite Incertitude sur la demande Coût pour la firme Production d’information

(récolte d’information sur le client)*

Risque d’invendus ou de moyens de production non-utilisés Coût pour le consommateur Coûts de recherche

(coût de production d’information)*

Coût de recherche et de transport lorsque la variante n’est pas disponible

localement Phénomène de mis-matching Le consommateur n’est pas informé de la

variante qui maximise son utilité Variante préférée non disponible Surplus du consommateur supérieur pour

une autre variante

* Lorsque la distribution d’un bien nécessite de récolter des informations sur le consommateur (assurance, crédit bancaire, etc.)

Les coûts et les inefficacités du matching sous contraintes peuvent être résumés dans le Tableau 2.

Ces inefficacités créent également un coût pour la firme :

- réduction du CAP capturable par la firme lorsqu’elle jouit d’un pouvoir de marché,

- ou, si la firme est soumise à une concurrence sur le surplus laissé au consommateur, baisse de prix pour compenser la désutilité de la distance dans l’espace des biens entre les préférences du client et la variante achetée.

La firme fait donc bien face à un arbitrage, pour maximiser son profit, entre les coûts nécessaires pour assurer la rencontre du client et de sa variante préférée (production d’information, risque sur l’écoulement du stock ou l’utilisation des moyens de production), et le bénéfice attendu lorsque cette rencontre a lieu.

Nous ferons donc l’hypothèse que la firme qui organise la distribution d’une variété de biens suit une rationalité économique, c’est-à-dire l’optimisation de la fonction de

matching. Cette hypothèse nous permettra par la suite de substituer la fonction de matching à la fonction de profit de la firme.

2.2

La fonction de matching dans la firme

Nous avons fait l’hypothèse que l’organisation de la distribution de son catalogue constitue une fonction de la firme. Cette fonction comprend l’ensemble des choix organisationnels et opérationnels qui influent la manière dont va s’opérer la rencontre entre l’offre et les consommateurs. Il s’agit donc d’une fonction transversale à la firme, dans laquelle l’organisation des réseaux de distribution eux-mêmes constitue un élément crucial.

a)- Une fonction transversale

En nous consacrant à la distribution de la variété de biens produits par la firme, nous considérons que la variété est fixée ex-ante. Toutes les autres fonctions de la firme peuvent influer, de manière plus ou moins directe, sur les modalités de rencontre entre cette variété et les consommateurs, c’est-à-dire sur les modalités d’acheminement de l’information et des produits, et sur la fixation des prix des variantes. L’organisation du matching constitue donc une fonction transversale de la firme, à laquelle peuvent participer par exemple, le marketing et la communication, la planification commerciale, l’organisation de la production, de la logistique, de la distribution.

Le lien du matching avec l’une des fonctions particulières de la firme varie d’une industrie à l’autre, notamment selon les caractéristiques des produits et les contraintes auxquelles la firme est soumise. Ainsi, l’organisation de la production et de la distribution n’auront pas les mêmes

conséquences sur le matching selon que la firme est soumise ou non à une incertitude sur la demande dans sa fonction de production et d’approvisionnement des points de vente, c’est-à- dire selon que l’achat du consommateur dépend de la disponibilité des produits sur le point de vente (automobile), ou qu’il s’agit au contraire d’un service ou d’un bien informationnel et disponible en tout lieu à tout moment du réseau de distribution.

D’autre part, le lien entre les fonctions traditionnelles de la firme et la fonction transversale de matching peut varier au sein d’une industrie selon les choix stratégiques des firmes. Nous développerons dans cette recherche le cas de l’industrie automobile, dans laquelle la maîtrise des coûts de production (productivité des moyens de production, exploitation d’économies d’échelle, etc.) a fixé historiquement les modalités du matching : ventes sur stock dans des concessions incitées financièrement à écouler un volume de véhicules. Mais à l’inverse, depuis le milieu des années 90, notamment sous l’effet de la forte croissance de la variété du catalogue des constructeurs, la recherche d’un nouveau mode de matching a été à l’origine d’une réorganisation du système productif et logistique de certains constructeurs.

Enfin, la fonction de matching n’implique pas que la firme optimise le matching à chaque moment en décidant des flux d’information, de la production et des prix des variantes, mais qu’elle organise les modalités dans lesquelles seront prises ces décisions. Ainsi, la fonction de matching implique des choix stratégiques sur différents horizons temporels. Certains d’entre eux constituent souvent des investissements importants et donc des choix de long terme et peu flexibles : constitution d’un réseau de distribution, organisation de la production et des flux logistiques, etc. Face à un bouleversement exogène dans les conditions du matching, comme une modification de l’information disponible aux consommateurs ou une évolution de la structure industrielle de la distribution, ou un bouleversement endogène comme l’accroissement de la variété, l’organisation du matching par la firme peut se révéler inadaptée, et celle-ci peut se trouver confrontée à un problème de modification de nombreuses fonctions de son organisation industrielle.

b)- L’organisation de la distribution

Si la fonction de matching est une fonction transversale, le point de vente reste le lieu où se finalise l’acte d’achat, et l’organisation de la distribution revêt donc une importance particulière. Deux questions essentielles se posent à la firme dans l’organisation de la distribution, concernant d’une part le degré de décentralisation des décisions, et d’autre part la frontière de la firme en aval, c’est-à-dire le choix de l’intégration ou de la désintégration du distributeur.

La question du degré de décentralisation porte sur le nombre et de la nature des décisions concernant les variables du matching laissées à la responsabilité de l’acteur local de la distribution (que celui-ci soit intégré ou non à la firme).

La firme doit donc décider de gérer de manière centralisée ou de laisser gérer localement par les acteurs les décisions concernant :

- les flux d’information vers les consommateurs : publicité locale ou nationale par exemple ; - l’approvisionnement : le distributeur local décide-t-il ou non de l’assortiment disponible sur

son point de vente ?

- la fixation des prix : le distributeur peut-il décider des prix des variantes disponibles sur son point de vente, ou peut-il les faire varier dans le temps ?

Il s’agit de choisir quelles décisions concernant le matching seront prises dans le cadre d’une relation d’agence. Ces choix nécessitent de trancher des arbitrages économiques en fonction de l’aversion au risque de l’agent en charge de la distribution (c’est-à-dire l’arbitrage classique entre incitation et assurance de l’agent averse au risque), de l’information locale que l’agent doit exploiter dans ses décisions, ou encore, en présence d’incertitude sur la demande, la taille du marché sur laquelle l’agent devra prendre des décisions.

ii)- La désintégration aval de la distribution

Il s’agit du choix de la firme concernant, selon le degré de décentralisation choisi, la désintégration aval de sa distribution. Les décisions en matière de désintégration aval peuvent être liées à la réduction des coûts de transaction (Williamson, 1975), ou issues de considérations technico-économiques comme l’exploitation d’économies de gamme en aval.

La désintégration aval de la distribution signifie donc que la relation d’agence est organisée dans le cadre d’une relation verticale entre deux firmes. Le distributeur désintégré assure donc la part du matching qui lui est impartie (selon le degré de décentralisation) selon ses propres incitations, à savoir la maximisation de son profit. Le producteur doit alors mettre en place un système de relation verticale qui permette d’aligner les incitations du distributeur sur son programme d’optimisation du matching.

Nous détaillerons ainsi dans la deuxième partie de cette thèse les problèmes spécifiques que pose la fonction de matching dans les relations verticales entre constructeur et concessionnaires dans le secteur de l’automobile.

Nous avons montré que la firme organise le matching de son offre avec les consommateurs, et qu’elle suit une rationalité économique dans cette organisation. Or le programme d’optimisation du matching de la firme doit prendre en compte trop d’éléments organisationnels et opérationnels de son activité pour être paramétré simplement. Nous présenterons dans les deux parties suivantes, et de manière simplifiée, le programme de la firme quand elle est confrontée à

deux contraintes prises séparément : l’information imparfaite des consommateurs nécessitant des dépenses publicitaires (partie 3), et l’incertitude sur la demande (partie 4).

La modélisation simplifiée du comportement de la firme face à ces deux contraintes prises en compte isolément, permet de mettre en évidence les arbitrages de la firme, et ainsi d’illustrer notre hypothèse de rationalité de la firme dans ses choix économiques concernant la rencontre entre son offre variée et les consommateurs aux préférences hétérogènes.

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