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6 Étude de la fréquence fondamentale (F0)

6.1. La variation de F0 dans le contexte /pa/

Dans l‟objectif de distinguer l‟effet des traits tonals à contour de celui des traits tonals à registre, nous avons défini, sur la base des valeurs de F0 mesurées dans toutes les phases de /a/, les courbes de variation de F0 absolu et les courbes de variation de F0 relatif. D‟une part, l‟observation de la variation de F0 absolu nous permet d'étudier toutes les influences des deux types de traits tonals sur F0. D‟autre part, l‟observation de la variation de F0 relatif nous permet d‟avoir une vision plus claire sur les rapports entre les formes des courbes et le type de trait tonal corrélé à leurs formes, que ce dernier soit le contour tonal ou la cible tonale.

La figure 54 illustre les courbes F0 absolu définies dans /pa/ et ce, sur la base des Moy Inter. En observant cette figure, nous avons constaté une séparation au niveau du registre entre les courbes T1-T4 et les courbes T2-T3. Cette séparation persiste, d‟ailleurs, dans toutes les phases de la voyelle. C‟est-à-dire, malgré les différentes formes, les courbes T1 et T4 se situent toujours plus haut que les courbes T2 et T3 sur l'échelle des valeurs en Hz. Cette séparation nous semble corrélée aux traits à registre des tons portés, parce que nous avons observé deux zones de registre à des étendues similaires (environ 100 Hz) bien séparées. Dans ces zones s‟étendent respectivement les courbes F0 absolu des tons au trait [+U] et les courbes au trait [-U]. En outre, à l‟intérieur de chaque zone, au début de la voyelle, les deux courbes engagées sont proches l‟une de l‟autre. Cela est dû à l‟effet des traits [+/-U]55.

En revanche, les traits [h/l] paraissent aboutir à une séparation entre les courbes, situées dans la même zone. Ils mènent à un écart des courbes qui s‟élargit graduellement, jusqu‟au-dessus de 40 Hz vers la fin de la voyelle. Le croisement entre la courbe T2 et la courbe T4, à la fin de la voyelle, est d‟après nous dû à l'effet des traits [h/l].

55 Nous ne proposons pas ici, ainsi que dans toute cette recherche,une transcription du début de la courbe F0 en traits [h/l]. Autrement dit, nous ne proposons pas une transcription du ton comme HH, HH, LH ou LL. Ceci est un choix personnel. Nous considérons que la valeur de F0 à la quelle H ou L correspond pourrait être différente entre le début et la fin du ton, et qu‟une telle transcription pourrait donc troubler l‟interprétation de nos données, ou faire ignorer la valeur du contour dans l‟analyse des courbes.

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Figure 54 : Courbes F0 absolu de /a/ sur les quatre tons, définies à partir des moyennes interindividuelles des valeurs de F0.

Les courbes F0 relatif ont été définies à partir des Moy Inter des décalages entre F0 initial (0%) et F0 mesuré dans les autres phases de /a/ sur les quatre tons. Ces courbes sont illustrées dans la figure 55.

À partir de cette figure, nous constatons qu'à 20% de /a/, une séparation importante se trouve au niveau de F0 entre les courbes T1 et T4 et les courbes T2 et T3. Dans cette phase, les courbes sont toutes à des niveaux inférieurs à F0 initial. Le décalage entre les courbes T1 et T4 et F0 initial est d‟environ 16 Hz alors que l'écart entre les courbes T2 et T3 et F0 initial est d‟environ 26 Hz. Cette séparation devient moins importante à 40% de la voyelle. À partir de 60% de la voyelle, les valeurs de F0 sur T1 et T2 sont supérieures aux valeurs mesurées sur T3 et T4. Les valeurs de F0 sur T1 et T2 sont proches les unes des autres et ce, à la fin de la voyelle, alors que dans la même phase, les valeurs de F0 sur T3 et T4 sont proches les unes des autres. Ces dernières sont toutefois plus basses que ces premières dans cette phase. De surcroît, de 60% à 100%

de la voyelle, nous avons observé une séparation importante entre les courbes T1-T2 et les courbes T3-T4.

Courbes F0 de /a/ sur les quatre tons en voix modale

T1

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partitions 3-5 ou 2-5. Sa forme est plutôt descendante-montante, ressemblant davantage à un ton complexe.

Si nous appliquions la description sur l‟échelle des 5 partitions, ou si nous adoptions la notion des contours tonals dans l‟analyse des formes de courbe, nous serions gênés par le timing de l‟organisation des traits tonals dans ces courbes. Cependant, une définition du ton sur la base des cibles tonales peut s‟adapter aisément aux résultats de notre observation. Concrètement, cela veut dire qu‟à 20% de la voyelle, le pitch56 de T1 atteint la même cible que celui de T4 alors que et le pitch de T2 atteint la même cible que celui de T3. Cette première cible est corrélée au trait [+U] tandis que cette dernière au trait [-U]. En outre, à la fin de la voyelle (80% - 100%), le pitch de T1 se rapproche de celui de T2, en raison de la présence du trait [h] alors que le pitch de T3 se rapproche de celui de T4, dû à la présence du trait [l].

Figure 55 : Courbes F0 relatif de /a/ sur les quatre tons, définies à partir des moyennes interindividuelles des décalages entre F0 initial et F0 dans les autres phases, normalisées au niveau du temps.

Une analyse des courbes F0 sur l‟échelle des demi-tons reflète davantage la gêne que la transcription à 5 partitions rencontrerait dans l‟interprétation de la variation de F0.

La figure 56 présente les courbes de la hauteur relative de F0 (par rapport à 100 Hz) dans /pa/, normalisées au niveau du temps, avec St (demi-ton) comme l‟unité de la

Courbes F0 par rapport à F0 initial dans /a/ de /pa/ sur les quatre tons

T1 T2 T3 T4

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hauteur de F0. Dans cette figure, nous avons remarqué que les courbes s‟inscrivent dans une étendue mélodique qui couvre 12 demi-tons (équivalent à une octave). La courbe T1 débute dans 17 St et s‟étend entre 20% et 100% entre 15 et 16 St. La courbe T4 débute de 1 St plus haut que la courbe T1. Elle descend à 11 St à la fin de la voyelle /a/. La courbe T3 débute vers 13,5 St, descend à 6 St vers 80% de la voyelle, puis remonte jusqu‟à 7 St. Quant à la courbe T4, elle débute très proche de la courbe T2, c‟est-à-dire 13 St. Elle descend à 9,5 St, puis remonte à 12,5 St.

Rappelons-nous ici que selon Chao (1930), les transcriptions des tons sur 5 partitions sont T1 55, T2 35, T3 21(4) et T4 (51). Si nous divisions cette étendue mélodique en 5 partitions égales, chaque partition occuperait donc 2,4 St. Cela signifie que T2 et T3 doivent débuter dans la même partition, au lieu de débuter dans deux partitions voisines. De surcroît, la partie descendante de la courbe T3 couvre 7,5 St, équivalent à plus d‟une demi-octave. Cela ne correspond pas à la description de Chao sur cette partie de T3. À la fin de la voyelle, nous avons observé aussi que le décalage entre les fins des courbes T1 et T2 est de 3 St environ. Ce décalage serait suffisant pour inscrire les fins des courbes T1 et T2 dans deux partitions voisines. Dans la même phase, la fin de la courbe T4 est plus haute mélodiquement que celle de T3 avec 4 St de décalage.

Ce décalage dépasse également l‟étendue d‟une partition. Ainsi, T3 et T4 devraient aussi inscrire leur fin dans deux partitions voisines selon nos données. Ces résultats d‟observation nous démontrent qu‟une transcription des tons à 5 partitions n‟est pas aussi idéale que prévu dans l‟interprétation des mesures de F0 dans notre recherche57.

57 Bien entendu, il est possible de présumer que les 5 partitions ne sont pas égales dans leur étendue.

Toutefois, il est également difficile de définir une échelle de 5 partitions inégales qui conviendrait à l‟interprétation de nos données.

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Figure 56 : Hauteur relative de F0 (par rapport à un son à 100 Hz) dans le contexte /pa/ sur les quatre tons en voix modale.

Une analyse One-Way ANOVA de la variation de F0 sur les quatre tons, effectuée avec ton comme facteur analysé, et sujet comme variable aléatoire, montre que le ton a un effet significatif sur F0 (F(3, 312) = 13,94, p < 0,0001).

Tableau 51 : Significativité des variations de F0 entre les tons en voix modale, dans toutes les phases de la voyelle dans le contexte /pa/.

Le tableau 51 présente davantage de détails de cette analyse ANOVA, avec les différents types de contrastes tonals marqués en différentes couleurs. Entre chaque paire de tons dans la comparaison, les contrastes du trait à registre ([+/-U]) sont marqués en rose, les contrastes du trait [h/l] sont marqués en vert et les contrastes qui incluent les deux types de trait sont marqués en violet. Cela, dans l‟objectif d‟avoir une vision plus claire sur les rapports entre les divergences significatives et les types de trait tonal concernés.

Hauteur relative de F0 dans le contexte /pa/ sur les quatre tons

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Ce tableau nous amène à constater que les divergences significatives au niveau de F0 entre les tons se trouvent dans toutes les phases. Plus précisément, entre les tons qui sont en contraste au niveau du registre (c‟est-à-dire entre T1 et T2, et entre T3 et T4), les différences de F0 sont significatives dans toutes les phases de la voyelle /a/ (p <

0,001). Entre les tons qui sont en contraste [h/l] (c‟est-à-dire entre T1 et T4, et entre T2 et T3), les différences au niveau de F0 sont significatives entre 60% et 100% de la voyelle (p < 0,001). Quant aux tons en contraste avec les deux types de traits (c‟est-à-dire entre T1 et T3, et entre T2 et T4), les différences au niveau de F0 entre T1 et T3 sont significatives dans toutes les phases de la voyelle /a/ (p < 0,001) tandis que celles entre T2 et T4 sont significatives entre 0% et 60% de la voyelle (p < 0,001).

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