• Aucun résultat trouvé

2 Quelques considérations phonologiques autour du ton

2.2. La structure autosegmentale du ton, les traits tonals et le sandhi tonal

2.2.1. Statut autosegmental des traits tonals

Dans la section précédente, nous avons présenté la catégorisation des tons en fonction du pitch tonal de Pike (1948). À cet axe d‟analyse, le ton lexical est décomposé en deux types de traits tonals, soit le registre soit le contour. Dans une langue à tons à un système de registres, le trait tonal, ou bien le contraste entre les tons qui a une valeur phonologique, correspond à une étendue du pitch tonal (avec la hauteur relative du pitch et l‟étendue du registre prises en compte). Dans une langue à tons à un système de contours, le trait tonal existe en pattern du contour mélodique (avec la direction de la variation du pitch, le timing de variation et le contraste en pitch aux différents points temporels, pris en compte) que le ton présente.

Au sujet de la symbolisation des traits tonals, les études existantes ont proposé différents plans. Les traits tonals du type registre ont été représentés précédemment avec une numérotation des registres cibles (cf. Section 1.3. Figure 4). Les tons en question sont transcrits en séquences de chiffres qui correspondent aux registres, où sont hébergées les cibles tonales. Par exemple, les tons qui se présentent dans le chaoyang, un dialecte Min en Chine, sont transcrits comme 55, 313, 53, 11, etc.

(Zhang 1979, 1981, 1982). Une telle transcription s‟appuie plus ou moins sur une base de phonologie générative et de phonétique, avec la hauteur de la voix aux différents

22 Un système tonal monodimensionnel réfère ici à un système dont les traits tonals sont du même type (level-pitch ou gliding-pitch).

34

points temporels pris en compte23, comme ce que Pike avait constaté en 1948.

Jusqu‟aujourd‟hui, cette méthode descriptive est toujours d‟actualité dans certaines recherches sur des langues à tons ; elle est parfois combinée avec d‟autres perspectives descriptives et analytiques afin d‟optimiser la représentation des divers aspects tonals.

Dans une majorité des recherches, surtout dans celles qui sont relativement récentes, les traits tonals du type registre sont représentés par les contrastes entre les registres cibles, décrits par [H/L] (High/Low, soit Haut/Bas en français). Dans l‟analyse d‟un système tonal qui distingue plus que deux registres, les traits binaires sont souvent employés pour distinguer ces registres, e.x. [+/- H] et [+/- L] (Goldsmith 1976, Yip 1980), ou en ajoutant un registre médium [M] s‟il s‟agira d‟un système tonal qui distingue un nombre impair de registres tonals (Goldsmith 1976, Yip 2001, Bao 1990, Chen 2000). Par rapport à la méthode des cinq partitions, cette perspective de description met davantage en valeur le contraste entre les registres et la relativité dans le rapport entre le pitch tonal et sa valeur phonologique.

Par rapport aux tons à registres, la description des tons à contour est de nature plus complexe. Lorsque les traits tonals à contour sont considérés comme des unités inséparables, ils sont décrits comme [fall/rise/even], selon la direction du mouvement du pitch tonal que le trait présente (Wang 1967). Ces traits peuvent également être binaires dans la description des tons, par ex. [+/- fall].

Toutefois, les controverses existent sur la nature du contour. Plus précisément, certains chercheurs supposent que le segment du contour (c‟est-à-dire l‟unité structurelle minimale qui contient un trait à contour) existe au niveau prosodique.

Cette hypothèse apparaît pour les traits tonals, ainsi que pour d‟autres traits acoustiques du type contour, par exemple affrication ([+/-cont]) et postnasalisation ([+/-nas]) (Duanmu 1994).

Afin de comprendre l'origine de cette hypothèse, parlons avant tout du statut autosegmental des traits tonals.

23 Ici, le premier chiffre correspond au registre du pitch au début de la réalisation du ton et le dernier chiffre à celui à la fin du ton. Le chiffre du milieu qui existe éventuellement correspond au registre du pitch du milieu du ton.

35

Goldsmith (1976) a constaté que les traits tonals, comme les autres traits phonologiques, ont un statut autosegmental. “ Tone is a characteristic of segments determined by a small set of features (minimally two, but probably larger). These tonal features may (or may not) be autosegmentalized. ” (Goldsmith 1976 : 103) Le ton, d‟après lui, serait lié à la position qui est elle-même serait liée au segment. Plus tard, il a proposé des règles qui s'appliquent à l‟analyse autosegmentale des tons comme suit : a) toute voyelle est liée à au moins une unité tonale ; b) les lignes d'association entre les tons et les phonèmes ne doivent pas se croiser dans la transcription ; c) les associations privilégient les extrémités (Goldsmith 1990).

La géométrie des traits de Sagey (1986) a proposé un pattern qui s'adapte à la description de tout type de trait à contour (tonal ou non-tonal) comme suit :

N

[αF] [-αF]

Dans ce pattern, N (Node) se réfère à un nœud24 ou à un événement articulatoire ; α représente une certaine valeur du trait (par ex. + ou -) et – α représente la valeur contraire ; F représente le trait en question. On voit à partir de ce pattern qu‟un contour tonal, qui se réalise comme un événement de variation du pitch, peut être divisé en deux parties qui présentent le même trait, ayant pourtant des valeurs différentes.

Les patterns mentionnés ci-dessus révèlent le statut autosegmental des traits dans les tons lexicaux monodimensionnels (c‟est-à-dire les tons qui consistent uniquement en traits à contour ou en traits à registre). Cependant, ils connaissent leurs limites dans l‟analyse d‟une langue à tons qui combine les contrastes en registre et ceux en contour. Dans une telle langue, les deux types de traits coexistent, d‟après les études sur ce type de langues, dans un ordre structurel interne. Plus précisément, il est considéré que le ton lexical possède de multiples couches de traits qui se superposent les unes sur les autres ; à titre d‟exemple, le registre et le contour seraient considérés comme deux couches.

24 Un nœud est un morphème radical qui sert de base à l‟addition morphologique.

36

Documents relatifs