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1 Le mandarin et son système phonologique

1.2. Le système phonologique du mandarin

1.2.1. Composantes syllabiques

La syllabe constitue une unité rythmique naturelle de la parole. En mandarin, la syllabe sert souvent de limite morphologique.

Comme toutes les langues, le mandarin possède des inventaires consonantique et vocalique, avec lesquels se construit une syllabe. À l‟intérieur de la syllabe du mandarin, il existe une structure invariante consistant en deux parties principales : l‟attaque et la rime.

L’attaque

L‟attaque se situe en position initiale de la syllabe en mandarin. Cette partie est consonantique : toutes les consonnes apparaissent dans cette partie sauf la consonne nasale /ŋ/ qui n‟apparaît qu‟en position de coda. L‟attaque d‟une syllabe ne comporte qu‟une seule consonne (Coyaud 1983), jamais deux consonnes ou plus consécutives.

En mandarin, il existe 21 attaques selon le Pinyin, ce qui implique qu‟il existe 22 consonnes (si on prend /ŋ/ en compte) dans cette langue.

Selon le mode d‟articulation, on peut distinguer 5 types de consonnes : nasales, occlusives, affriquées, fricatives et liquides. De plus, on reconnaît aussi les semi-consonnes. Les lieux d‟articulations des consonnes renvoient, comme il se doit, aux lieux d‟obstruction dans le conduit vocal lors de la production de ces consonnes.

Les consonnes nasales sont réalisées avec une obstruction du passage de l‟air dans la cavité buccale, le velum abaissé et le flux d‟air traversant la cavité nasale librement ; il s‟agit de /m n ŋ/ en mandarin.

Les occlusives sont produites en deux étapes : une obstruction dans la cavité buccale au début, et ensuite un relâchement de l‟obstruction ; nous identifions /p ph t th k kh/ en mandarin.

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Les affriquées sont produites également en deux étapes : une obstruction dans la cavité buccale au début (comme pour la production des occlusives), et ensuite une friction issue d‟un relâchement léger au même lieu d‟obstruction ; soit /ts tsh ʈʂ ʈʂh tɕ tɕh/ en mandarin.

Les fricatives sont produites avec un rapprochement de l‟organe articulatoire et le point d‟articulation, ce qui gêne le passage de l‟air sans le bloquer complètement, et créant ainsi une turbulence d‟air ; soit /f s ʂ ɕ x/ en mandarin.

Les liquides /l ɻ/ sont celles produites avec un rapprochement modéré de l‟organe articulatoire avec le point d‟articulation qui ne va pas jusqu‟à la production d‟une friction. Elles ressemblent à des semi-consonnes au niveau articulatoire et au niveau acoustique (ayant une structure formantique relativement clairement définie).

La consonne /ɻ/ correspond à l‟attaque r dans le Pinyin. Concernant le statut articulatoire de r, il existe deux écoles. L‟une, qui est plus classique, considère cette consonne comme une fricative pré-palatale voisée /ʐ/ (Karlgren 1915) alors que l‟autre école la considère comme une consonne spirante rétroflexe voisée /ɻ/ (Chao 1968). Selon l‟étude de Wang (1985) sur l‟évolution des attaques, l‟attaque r se prononçait en tant que consonne nasale rétroflexe (cette prononciation qui existe aujourd‟hui dans le dialecte kejia). Elle est devenue liquide par approximation au même lieu d‟articulation et aux modes d‟articulation similaires.

Parmi les occlusives et les affriquées, on subdivise encore les catégories aspirée et non-aspirée : les aspirantes sont produites accompagnées d‟un souffle d‟air expiratoire aux niveaux glottique et supraglottique alors que les non-aspirantes ne comportent pas de turbulence au niveau glottique. Les premières inclurent /ph th kh tsh ʈʂhh/ et les dernières comprennent /pt k ts ʈʂ tɕ/.

Selon le lieu d‟articulation, on peut distinguer six types de consonnes : bilabiales, labiodentales, alvéolaires, rétroflexes, alvéo-palatales et vélaires. Ils se distinguent par les organes et structures articulatoires engagés dans la formation de l‟obstruction du passage de l‟air : les lèvres pour les bilabiales, soit /m p ph/; la lèvre et les incisives supérieures pour la labiodentale, soit /f/ ; le dos de la langue pour les vélaires, soit /k kh x/; et la pointe de la langue pour les alvéolaires, les alvéo-palatales et les rétroflexes, soit /n t th ts tsh s l/, /ŋ tɕ tɕh ɕ/, /ʈʂ ʈʂh ʂ ɕ/.

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Tableau 1 : Le système consonantique du mandarin transcrit en API et en Pinyin selon Duanmu (2007).

Bilabiales Labiodentales Alvéolaires Rétroflexes Alvéo-palatales

Vélaires

Nasales /m/ m /n/ n /ŋ/ ng

Occlusives

Non

aspirées /p/ b /t/ d /k/ k

Aspirées /ph/ p /th/ t /kh/ g

Affriquées

Non

aspirées /ts/ z /ʈʂ/ zh /tɕ/ j

Aspirées /tsh/ c /ʈʂh/ ch /tɕh/ q

Fricatives /f/ f /s/ s /ʂ/ sh /ɕ/ x /x/ h

Liquides /l/ l /ɻ/ r

Le tableau 1 donne les consonnes du mandarin, avec leur transcription en API et en Pinyin, présentés selon leur lieu d‟articulation (le long de l‟axe horizontal) et leur mode d‟articulation (le long de l‟axe vertical). Dans chaque cellule se trouvent à gauche la correspondance phonétique de l‟attaque en question en API, et à droite le symbole de transcription de l‟attaque en Pinyin.

À partir de ce tableau, nous avons remarqué que le mandarin ne possède pas d'occlusives sonores ni d‟affriquées sonores, ni même de fricatives sonores (si on considère l‟attaque r comme une liquide). Autrement dit, il n'existe pas de contraste phonologique sourdes-sonores pour les occlusives et les affriquées, mais uniquement un contraste aspirée-non-aspirée.

De plus, le mandarin possède des consonnes rétroflexes. La différence entre ce type de consonnes et d‟autres est que l‟obstruction du passage de l‟air dans la production des rétroflexes est réalisée avec la pointe de la langue, alors que pour produire d'autres consonnes, c'est le dos de la langue qui effectue l'obstruction. Les différences entre les affriquées alvéolaires et les affriquées rétroflexes existent au niveau des organes engagés dans la réalisation de constriction.

La rime

La rime est la partie précédée par l‟attaque dans la syllabe. Les semi-voyelles, les voyelles, ainsi que les deux consonnes nasales /n/ et /ŋ/, peuvent apparaître dans cette partie. Ces deux dernières, cependant, se situent uniquement à la fin de la rime, c‟est-à-dire en position de coda. En mandarin, la rime contient toutes les voyelles et les

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semi-voyelles (cf. Paragraphe « structure syllabique » ci-dessous) que cette langue possède4.

Le nombre de phonèmes dans le système vocalique du mandarin est un sujet de controverses. Le Pinyin reconnaît six voyelles principales, parmi lesquels la majorité possèderait des allophones ou des variantes combinatoires. Nous retenons ici le système vocalique du dialecte pékinois que Zhu (2010) a employé, pour la simple raison que le mandarin a le même système phonologique que ce dialecte5. Ce système vocalique présente 11 voyelles en tout.

Tableau 2 : Les voyelles du mandarin et leurs allophones en API.

Antérieur Central (mi-antérieur et mi-postérieur)

Postérieur

Fermées /i/ ([ɿ], [ƪ]) /y/ /u/

Moyennes /ə/ ([e], [ɛ], [œ], [ɤ]) /o/ ([ɔ])

Ouvertes /a/

Le tableau 2 présente sur un plan général le système vocalique phonologique du mandarin, avec les voyelles et leurs allophones classés selon leur lieu d'articulation sur l'axe horizontal et selon leur degré d'aperture sur l‟axe vertical. Les six voyelles reconnues par le Pinyin sont /a o ə i y u/6 et les phonèmes entre parenthèses sont leurs allophones dans différents contextes phonétiques. La distribution des variations des voyelles est liée aux quatre lieux d‟articulation (antérieur, mi-antérieur, mi-postérieur et postérieur), aux trois degrés d‟aperture (fermée, moyenne et ouverte, illustrés sur l‟axe vertical), ainsi qu‟aux deux états de protrusion des lèvres : arrondies et écartées (Ma et al. 2009).

4 Selon Ye (2007), en mandarin, les semi-voyelles font la suite de l‟attaque. Pourtant, dans la majorité des études de la structure syllabique du mandarin, les semi-voyelles sont considérées en tant qu‟une partie de la rime.

5 Il existe d'autres propositions du système vocalique du mandarin. Voir Hockett (1947), Hartman (1944) et Cheng (1973), par exemple.

6 Selon Chao. Y.-R. (1968) et Deng et al. (2007), il y aurait cinq voyelles en mandarin : /i, y, u, a, ə/.

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Tableau 3 : Le système vocalique du mandarin (semi-voyelles incluses) en API.

Lieu d’articulation d‟après leur lieu d‟articulation (sur l‟axe horizontal) et d‟après leur degré d'aperture (sur l‟axe vertical). Dans le système vocalique du mandarin, la pointe de la langue participe aussi à l‟articulation d‟une voyelle (mais ce geste ne provoque pas théoriquement un contraste phonologique comme c‟est le cas dans le système consonantique). Les variantes apicales [ɿ] et [ƪ] apparaissent seulement après une attaque fricative ou affriquée, que cette dernière soit alvéolaire ou rétroflexe. Dans le Beijing Mandarin, elles sont analysées en tant qu‟allophones de /i/ (Zee et Lee 2007).

Selon Michaud (2012), leur apparition est due à l‟effet de palatalisation.

En fait, les voyelles apicales se trouvent dans multiple dialectes chinois (Zee et Lee 2007). La production de [ɿ] et de [ƪ] est de nature un relâchement plus important que celui qui se produit dans l‟attaque (Zhou et Wu 1963, Kratochvil 1968, Lee-Kim 2014). Leur nature vocalique avait été remise en question. Dell (1994) considère ces phonèmes comme des « fricatives syllabiques », qui sont de nature un allongement de l‟attaque. Il a cité un exemple donnée par Ladefoged et Maddieson (1990 : 117) : dans la prononciation de la partie « vocalique » de zhi (branche) et de zi (idéogramme), la position de la langue reste à peu près la même que celle de la consonne précédente.

On peut donc transcrire ces deux phonèmes dans ces deux mots comme /ʐ/ et /z/. Ce point de vue pose bien entendu un problème à la structure syllabique puisque la partie vocalique (qui est le noyau et le porteur de la prosodie) n‟existe plus. Pulleyblank (1989) a donné une représentation plurilinéaire à ces « fricatives syllabiques », considérant qu‟elles associent la partie consonantique et la partie vocalique.

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D‟autres chercheurs ne partagent pas le même avis que ces derniers. Leurs études articulatoires et acoustiques soutiennent davantage un statut vocalique de ces deux phonèmes : [ɿ] est produit avec l‟apex de la langue proche de la partie alvéolaire et [ƪ]

avec l‟apex de la langue proche de la partie postalvéolaire. Les deux présentent des structures formantiques similaires à celles des voyelles, avec peu de friction visible dans le spectre (Ohnesorg et Švarný 1955, Howie 1972, Lee 2005, Lee-Kim 2014, Wan et Jaeger 2003). De plus, [ƪ] est pharyngalisé puisque le corps de la langue se tire vers le pharynx (Lee 2005).

Selon la composition phonémique de la rime, on reconnaît plusieurs types de rimes : des voyelles simples, des diphtongues, des triphtongues et des rimes nasalisées (voyelle/s + /n/ ou /ŋ/). Il n‟existe pas de voyelle nasale dans l‟inventaire vocalique du mandarin mais plutôt des segments vocaliques nasalisés par coarticulation.

Tableau 4 : Les rimes du mandarin transcrites en Pinyin et en API selon Wang (1985) et Duanmu

Le Pinyin distingue 35 rimes (cf. Tableau 4), les divisant en trois catégories selon leur composition phonémique : celles avec une voyelle simple, celles avec une diphtongue

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ou une triphtongue et celles avec une coda nasale (/n/ ou /ŋ/). Selon la méthodologie traditionnelle de catégorisation de l‟aperture (Wang 1985), les rimes se divisent en quatre groupes : des rimes à un degré d‟aperture important (开 口 呼, kaikouhu

„ouvert‟, celles qui débutent avec une voyelle ouverte ou mi-ouverte) ; des rimes à un degré d‟aperture faible, avec l‟étirement des lèvres (齐齿呼, qichihu „avec les dents accolées‟, celles qui débutent avec la voyelle /i/ ou la semi-voyelle /j/) ; des rimes avec la fermeture de la bouche (合口呼, hekouhu „fermé‟, celles qui débutent avec la voyelle /u/ ou la semi-voyelle /w/) et des rimes avec la protrusion des lèvres (撮口呼, cuokouhu „protrusif‟, celles qui débutent avec la voyelle /y/ ou la semi-voyelle /ɥ/).

Le tableau 4 présente toutes les rimes du mandarin selon leur composition phonémique (sur l‟axe vertical) et selon l‟aperture du phonème du début (sur l‟axe horizontal). Dans chaque cellule se trouvent, à gauche, la correspondante phonologique de la rime en question, en API et, à droite, sa transcription en Pinyin.

Tous les phonèmes qui sont présents dans ce tableau sont des allophones des voyelles de bases, tels que [ɪ] comme allophone de /i/ et [œ] comme allophone de /ə/.

Nous considérons qu‟il est important de mentionner ici le phénomène de

« rhotisation » en mandarin. Un exemple de ce phénomène est illustré dans le tableau 4 : la rime /ɚ/ est réalisée comme [aɚ] dans le mot 二 deux. Dans d‟autres mots, tels que 儿 fils ou 耳 oreille, elle est prononcée normalement comme [ɚ]. Théoriquement / est la seule rime rhotique dans le système phonologique de cette langue.

Cependant, dans la pratique orale du mandarin, on peut observer plus de rimes qui connaissent une rhotisation en phase finale, surtout dans le dialecte de Pékin (Liu 2016). La phase rhotique est considérée comme un suffixe diminutif. Duanmu (2007) a précisé que ce suffixe apparaît après la coda si cette dernière est compatible avec la rhotisation, ou à la place de la coda si cette dernière n‟est pas compatible avec la rhotisation. Il a également posé que l‟apparition du suffixe rhotique exige un noyau vocalique dont le degré d‟aperture par défaut serait moyen.

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