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La variabilité des effets de l’adhésion à la Convention de New York sur les régimes juridiques français et iranien

L’IMPACT DE L’ADHESION A LA CONVENTION DE NEW YORK

B. La variabilité des effets de l’adhésion à la Convention de New York sur les régimes juridiques français et iranien

264. L’adoption de la Loi d’arbitrage iranienne en 1997 a emporté une forme de codification des règles applicables à l’arbitrage en matière commerciale et internationale. Mais, en s’éloignant de la loi-type de la CNUDCI – notamment en n’intégrant pas son article 36 (b)555–, la Loi a

vu l’étendue de son application amoindrie et son utilité à l’égard des sentences arbitrales étrangères questionnée556. En effet, seule une interprétation élargie en certaines circonstances spécifiques permet à certaines sentences rendues hors des frontières d’Iran d’être couvertes

552 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 144, n° 250 et s. 553Ibid., p. 156, n° 272.

554Ibid.

555L’article 36 (b) de la loi-type vise « l’exécution de la sentence étrangère » indépendamment du « lieu où la sentence est rendue ».

556 Selon certains auteurs, il n’existerait aucun élément déterminant emportant l’inapplicabilité de la Loi d’arbitrage aux sentences rendues hors d’Iran. V. en ce sens J. SHARIAT BAGHERI, « Les conséquences de l’adhésion de la République islamique d’Iran à la Convention de New York »* [ ی یماس ی و ج ق حل ثآ

ک ویوین ویسن و ک 1958

ی ق ب تعی ش . . ،یج خ ی کح ی ج یی س ش وم ,], Magazine juridique de la

justice, 2001, n° 36, p. 58 et s. Contra : A. HATAMI, op. cit. note 246, p. 94-98 ; L. DJONEIDI, L’exécution des sentences arbitrales commerciales étrangères*, op. cit. note 119, p. 322 et s. ; L. DJONEIDI, Étude critique et

comparative de la Loi d’arbitrage international adoptée le 17 juillet 1997*, op. cit. note 25, p. 107 ;

par la Loi d’arbitrage557. Toutefois, l’adhésion de l’Iran à la Convention de New York de

1958 a permis la mise en place d’un système déterminé et réglementé sur la reconnaissance et l’exécution de certaines sentences rendues en dehors des frontières d’Iran558.

265. Ainsi, la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères soumises à la Convention de New York en Iran ont trouvé un cadre légal. Aux termes de l’article III de la Convention de New York, selon lequel la procédure applicable à la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères est confiée aux règles de procédure en vigueur sur le territoire des États contractants où la sentence est invoquée, l’exécution de ces sentences est identique à celle des sentences arbitrales internes, lesquelles sont à leur tour exécutables comme les jugements judicaires des tribunaux iraniens. Ainsi,

« [s]i la partie condamnée n’exécute pas la sentence dans les 20 jours suivant la signification de celle-ci, le tribunal renvoyant le litige à l’arbitrage ou au tribunal compétent pour connaître du litige principal doit, suite à la demande de la partie bénéficiaire de la sentence, délivrer l’exequatur. L’exécution de la sentence est effectuée conformément aux dispositions légales »559.

266. L’exécution des sentences soumises à la Convention de New York et de celles soumises à la Loi d’arbitrage suit la même procédure, car conformément à l’article 35 (1) de celle-ci, la procédure d’exécution des sentences couvertes par elle est analogue à celle des décisions judicaires des tribunaux iraniens560 :

« Sous réserve des dispositions des articles (33) et (34), les sentences arbitrales rendues conformément à cette Loi sont définitives et exécutoires après leur signification et, sur requête écrite adressée à la juridiction visée à l’article (6), est exécutée conformément à la procédure applicable à l’exécution des décisions judiciaires » (notre traduction).

557 Compte tenu du premier critère de la Convention de New York (le lieu du prononcé de la sentence est situé en dehors des frontières d’Iran) et sous réserve de la satisfaction des deux réserves de commercialité et de réciprocité, ces sentences sont également soumises à la Loi d’arbitrage. Dans cette hypothèse rare, le conflit entre la Convention et la Loi d’arbitrage est invoqué.

558 Le régime juridique d’Iran ne dispose pas d’une loi pour les sentences qui ne remplissent pas les deux réserves de commercialité et de réciprocité. V. supra n° 120 et s.

559 Article 488 NCPCI (notre traduction).

560Dans le cadre d’une hypothèse rarissime, M. ASSADINEJADpense cependant que la procédure d’exécution des sentences arbitrales internationales doit être effectuée conformément à celle des jugements étrangers visés par l’article 169 de la Loi d’exécution des jugements civils étrangers. Toutefois, cette hypothèse n’est pas acceptable : ici sont mentionnées les juridictions internes et nationales et non les juridictions étrangères, qui font exception et doivent à cet égard être explicitement visées. Par conséquent, si le législateur avait entendu les inclure, il lui fallait énoncer cette exception dans la loi. Par ailleurs, pour ce qui concerne les sentences soumises à la Convention de New York, le recours à la procédure d’exécution des jugements étrangers, en qu’elle est moins favorable, paraît contraire aux articles III et VII de ce texte. V.M.ASSADINEJAD, op cit. note 33, p. 163. V. également L. DJONEIDI, Étude critique et comparative de la Loi d’arbitrage international adoptée le 17 juillet

En somme, l’identité des procédures d’exécution des sentences arbitrales internes et de celles soumises à la Convention de New York implique que le principe de non discrimination, objet de l’article III de la Convention de New York, a été respecté en Iran.

267. La France, quant à elle, a fait parmi les premiers États à deeveneir partie à la Convention de New York. Le texte, pourtant, n’aurait pas eu d’influence significative sur son droit interne561.

Certes, la Convention constitue bien l’une des sources de contrôle des sentences arbitrales en droit français, mais elle ne présenterait aucun caractère novateur ou essentiel : la jurisprudence française relative au contrôle des sentences internationales était déjà favorable à l’exécution des sentences étrangères et internationales et retenait des solutions proches de celles de la Convention562.

268. Pourtant, même si l’on admet que cet instrument n’a pas eu un impact déterminant d’un point de vue matériel, il a cependant eu un impact dans une perspective formelle. La France s’est en effet approprié les réglementations relatives à l’arbitrage international et la sentence arbitrale étrangère dans le cadre du décret du 12 mai 1981, de sorte que la Convention de New York a au moins permis de combler un vide législatif. À partir de son entrée en vigueur, c’est le décret de 1981, dont le champ d’application est plus large que celui de la Convention, qui a servi de fondement légal principal au contrôle des sentences rendues en matière d’arbitrage commercial international563. Il reste que la Convention de New York innovait en son temps en fournissant aux juges français un fondement textuel pour la reconnaissance et l’exécution des sentences internationales et étrangères.

269. Par conséquent, l’approche selon laquelle la ratification de la Convention de New York relèverait plus de la politique conventionnelle internationale de la France que de son besoin de se doter d’un régime de contrôle favorable à l’arbitrage international suscite quelques réserves – et parfois, quelques critiques564. Car, si la France ne pouvait rester sourde à l’appel

international en faveur de l’arbitrage, « qui vient des sphères communes aux peuples désireux

561 L. FRANC-MENGET, op. cit. note 231, p. 16, n° 21.

562Ibid. Sur cette question et les discussions qu’elle a occasionnées, v.Ph. FOUCHARD, « La spécificité de l’arbitrage international », Rev. arb.,1981, p. 449 et s. ; Ph. FOUCHARD, « L’arbitrage international en France après le décret du 12 mai 1981 », op. cit. note 371, p. 347 et s.

563C’est ainsi que « [l]es rédacteurs de 1981 ont voulu adopter “un droit écrit, simple et acceptable” et accueillir le plus favorablement possible, et pour certains “presque à tout prix”, l’arbitrage international en France », selon une « démarche considérée parfois comme “impérialiste” ». V. Ph. FOUCHARD, « L’arbitrage international en France après le décret du 12 mai 1981 », op. cit. note 371, p. 374. V. également P. BELLET, E. MEZGER, op. cit. note 373, p. 611 et s.

de vivre et de commercer ensemble »565, il paraît douteux que la philosophie de l’adhésion de la France à la Convention de New York se résume dans cette seule conception idéalisée. La France connaissait assurément une jurisprudence libérale dans le sens du développement de l’institution de l’arbitrage, mais en pratique et aux yeux des opérateurs internationaux, l’existence d’une jurisprudence, aussi libérale soit-elle, demeure un objet d’incertitude en raison de ses éventuelles variations. Or, les opérateurs du commerce international recherchent avant tout la prévisibilité566. En définitive, l’importance de la Convention de New York avant l’adoption du décret de 1981 paraît incontestable, car elle a permis aux juges français de disposer d’un fondement textuel pour la reconnaissance et l’exécution des sentences internationales et étrangères et leur contrôle.

*

270. L’adhésion tardive de l’Iran à la Convention de New York a rempli le vide législatif en matière de sentences arbitrales étrangères ayant un objet commercial et rendues dans un État partie à la Convention. Mais le droit iranien demeure lacunaire à l’égard des sentences arbitrales non soumises à la Convention de New York. La France, en plus de la Convention de New York, a adhéré à la Convention européenne sur l’arbitrage commercial international du 21 avril 1961 et à la Convention de Washington. Elle a adopté un dispositif législatif propre à l’arbitrage international et à la sentence arbitrale étrangère via le décret du 12 mai 1981 et celui du 13 janvier 2011, instaurant de la sorte un régime unique quant à la reconnaissance et à l’exécution de la sentence arbitrale étrangère et internationale.

271. En raison de la carence législative en matière de sentences étrangères non soumises à la Convention de New York, l’interprétation du droit iranien quant à l’étendue du contrôle par le juge et à l’exécution de ces sentences a occasionné des approches diverses et, parfois, contradictoires. Par ailleurs, l’article III de la Convention de New York imposant à chacun des États contractants qu’il procède à l’exécution de la sentence arbitrale étrangère conformément aux règles d’exécution en vigueur sur son territoire, les juges iraniens ont été contraints, en l’absence de dispositions spécifiques, de puiser tantôt dans le Nouveau code de procédure civile, tantôt dans la Loi d’exécution des jugements civils – des textes mal adaptés à la sentence arbitrale étrangère. Pour cette raison, certains auteurs appellent de leurs vœux

565 H. MOTULSKY, Écrits, Études et notes sur l’arbitrage, Paris, Dalloz, 1974, vol. 2, « L’internationalisation du droit français de l’arbitrage », p. 319.

l’introduction en droit iranien, à l’instar des solutions retenues par d’autres pays567, de

réglementations sui generis sur l’exécution de la Convention de New York en se référant à celle-ci, laquelle accorde une large initiative aux lois internes. Mais cette solution paraît insuffisante en ne permettant finalement que la codification de l’exécution des seules sentences soumises à la Convention de New York. Bien qu’elle évite les lectures contradictoires, elle ne règlerait toujours pas la question des sentences non soumises à la Convention de New York. C’est donc l’adoption d’une loi visant en général la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale étrangère qui semble souhaitable.

567 Sont ici notamment visées les dispositions législatives de l’Australie, du Danemark, de l’Inde, de la Suède, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Trois approches sont en effet observables concernant la réglementation nationale relative à la procédure d’exécution des sentences soumises à la Convention de New York. En premier lieu, certains États ont adopté des réglementations spéciales – groupe auquel appartiennent les pays susmentionnés. Ces pays adoptent généralement une loi propre, une fois liés par la Convention, et évitent ainsi la confusion dans l’exécution. En deuxième lieu, certains pays, considérant les sentences soumises à la Convention de la même façon que les sentences étrangères, appliquent la procédure d’exécution régissant ces dernières. Dans cette hypothèses, deux sous-groupes sont identifiables : les États qui ont une loi propre relative à l’exécution des sentences étrangères (France, Allemagne ou Grèce) ; ceux qui recourent aux règles régissant l’exécution des jugements étrangers (Italie, Mexique, Pays-Bas). En troisième lieu enfin, certains États usent de la même procédure d’exécution pour les sentences internes et pour celles soumises à la Convention de New York (Japon). V. A. HATAMI, op. cit. note 246, p. 172-173 ; p. 254.

CHAPITRE 4

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