• Aucun résultat trouvé

L’abandon d’une vision stricte et technique de la commercialité en droit français

LA DETERMINATION DE LA COMMERCIALITE

B. L’abandon d’une vision stricte et technique de la commercialité en droit français

183. La notion de commercialité est envisagée différemment par les droits français et iranien. Le législateur français, en cela influencé par la jurisprudence, a adopté d’abord dans l’article 1492 CPC en 1981, puis dans l’article 1504 CPC en 2011, une conception économique fondée sur les « intérêts du commerce international », dépassant en ce sens à la fois l’approche objective – fondée sur la nature des actes – et l’approche subjective – fondée sur la qualité de l’auteur de l’acte.

184. Cependant, dès avant 1981, la jurisprudence française avait assez largement évolué sur cette question de la commercialité rapportée à l’arbitrage international. Traditionnellement hostiles à la convention d’arbitrage conclue en matière non commerciale ou mixte en droit interne393,

les juges avaient écarté cette prohibition dès 1972 relativement à l’arbitrage international. La Cour de cassation avait en effet consacré dans l’arrêt Hecht la validité de la clause compromissoire à propos d’un contrat de représentation394, lui conférant la nature d’une règle

matérielle de droit international privé français395. En d’autres termes, la validité de cette « règle matérielle », c’est-à-dire la clause compromissoire, est admise en matière d’arbitrage

392 L’article unique de la loi d’adhésion de la République islamique d’Iran à la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères adoptée à New York le 10 juin 1958 a été adopté le 10 avril 2001 et publié au Journal officiel du 19 mai 2001.

393 Dans le régime juridique iranien, la clause compromissoire et le compromis sont admis indifféremment et, sur ce point, il n’y a guère de différence entre les actes civils et les actes commerciaux ou mixtes (articles 454 et 455 du Code de procédure civile iranien). En revanche, en droit français, bien que la clause compromissoire soit dorénavant admise par principe, il subsiste encore quelques exceptions en matière de contrats de consommation et de contrats de travail.

394 Cass. civ. 2e, 4 juillet 1972, Hecht c. Sté Buisman’s, J.D.I., 1972, p. 843, note B. OPPETIT ; Rev. crit. DIP, 1974, p. 82, note P. LEVEL ; RTD com., 1973, p. 499, note Y. LOUSSOUARN.

international indépendamment de la qualification du contrat la contenant. Par conséquent, la conception de la commercialité se trouvait déjà affaiblie.

185. Certes, l’article 1504 fait mention du terme « commerce », en tant qu’il vise les « intérêts du commerce international » – dont la mise en cause est le critère de l’internationalité396. Mais,

en raison de la conception large de la commercialité qui prime en matière internationale397, le terme doit être ici compris comme désignant tout échange économique qui traverse plusieurs frontières. En d’autres termes, l’article 1504 CPC ne renvoie en aucun cas à la définition interne, restreinte et technique, de l’acte de commerce ou du commerçant, contrairement à ce qui a pu être observé dans le régime juridique iranien. En tout état de cause, la condition de commercialité, indépendamment même de sa signification, ne semble plus jouer un rôle quelconque du point de vue du régime juridique français. La Cour de cassation a ainsi admis dans son arrêt Zanzi du 5 janvier 1999 « le principe de la validité de la clause d’arbitrage international, sans condition de commercialité »398.

186. La conclusion semble devoir être étendue aux engagements internationaux de la France. Lors de son adhésion à la Convention de New York, la France avait adopté la réserve de commercialité, pour finalement l’abandonner en 1989399, de sorte que dorénavant, même les

litiges dépourvus de caractère commercial sont couverts par elle. Du reste, la distinction entre arbitrage civil et arbitrage commercial opérée dans le Protocole de Genève du 24 septembre 1923400 et dans la Convention de New York401 a été par la suite écartée dans la Convention

396 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 38, n° 58.

397 Selon cette conception, sera considéré comme commercial tout arbitrage international opposant des entreprises à propos d’un litige à caractère économique. V. en ce sens Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 38, n° 59.

398 Cass. civ. 1ère, 5 janvier 1999, Zanzi c. M. de Coninck et autres, Rev. crit. DIP, 1999, p. 547, note D. BUREAU ; Rev. arb., 1999, p. 260, note Ph. FOUCHARD. V. L. FRANC-MENGET, op. cit. note 231, p. 127, n° 166.

399 Décret n° 90-170 portant publication de la lettre du Gouvernement français du 17 novembre 1989, J.O. 23 février 1990. Sur les conséquences à moyen et long terme de la levée de la réserve de commercialité, v. Ph. FOUCHARD, « La levée par la France de sa réserve de commercialité pour l’application de la Convention de New York », Rev. arb., 1990, p. 571 et s.

400 Le premier paragraphe de l’article 1 du Protocole de 1923 énonce que : « Chacun des États contractants reconnaît la validité, entre parties soumises respectivement à la juridiction d’États contractants différents, du compromis ainsi que de la clause compromissoire par laquelle les parties à un contrat s’obligent, en matière commerciale ou en toute autre matière susceptible d’être réglée par voie d’arbitrage par compromis, à soumettre en tout ou partie les différends qui peuvent surgir dudit contrat, à un arbitrage, même si ledit arbitrage doit avoir lieu dans un pays autre que celui à la juridiction duquel est soumise chacune des parties au contrat ». Le second paragraphe de l’article 1 permet cependant aux États contractants « de restreindre l’engagement visé ci-dessus aux contrats qui sont considérés comme commerciaux par son droit national ».

401 L’essence de la Convention de New York était de créer une procédure uniforme sur la reconnaissance et l’exécution dans le domaine de l’arbitrage commercial international, mais en raison de l’absence de consensus sur l’expression « arbitrage commercial international », cette dernière fut remplacée par celle de « sentence arbitrale étrangère ». Par ailleurs, il était primitivement prévu que la Convention de New York s’applique à

européenne du 21 avril 1961. Cette dernière ne procède en effet à aucun renvoi aux lois nationales pour la détermination de la notion de commercialité, son article premier disposant simplement que « [c]ette Convention s’applique aux conventions d’arbitrage conclues, pour le règlement des litiges nés ou à naître d’opérations de commerce international,entre personnes physiques ou morales »402. Les auteurs de la Convention visaient sans doute toute activité ou entreprise à objet économique reposant sur une relation normalement contractuelle et intéressant plus d’un pays, sans se limiter à celles portant sur la seule circulation internationale des marchandises et des biens403– une conception sensiblement identique à celle prévalant dans l’article 1504 CPC.

187. La Loi d’arbitrage iranienne quant à elle, bien que limitant son application aux « relations commerciales internationales », n’a pas procédé à la prise en compte autonome des opérations et échanges transfrontières, ce qui soulève deux séries de difficultés. En premier lieu, les litiges impliquant deux parties iraniennes mais ressortant du commerce international, c’est-à- dire portant sur des opérations à objet économique effectuées par delà les frontières iraniennes, ne bénéficient pas des règles de la Loi d’arbitrage. En second lieu, et inversement, un litige opposant des parties dont au moins l’une d’entre elles est de nationalité non- iranienne, sous réserve du choix de la loi iranienne comme loi applicable à la convention d’arbitrage, pourra être soumis à la Loi d’arbitrage, y compris pour les opérations qui ne mettent pas en jeu des intérêts du commerce international. C’est donc toujours un critère personnel qui prévaut sur un critère matériel. Cette carence justifie qu’il serait souhaitable que la Loi d’arbitrage soit complétée de sorte à y intégrer une conception économique des « relations commerciales internationales ».

toutes les sentences commerciales et non commerciales. Cependant, le risque de voir certains États refuser d’adhérer à la Convention dans ces conditions, à l’instar par exemple de la Belgique, a conduit à l’admission de la possibilité de restreindre son champ d’application.

402Convention européenne sur l’arbitrage commercial international, Genève, 21 avril 1961, R.T.N.U., vol. 484, p. 349 et s., article 1 (1) (a).

403 V. en ce sens notamment J. ROBERT, « La Convention européenne sur l’arbitrage commercial international signée à Genève en avril 1961 », D., 1961, chr. 173.

PARAGRAPHE 2

LES DIFFICULTES SOULEVEES PAR L’INTERVENTION D’UNE

Outline

Documents relatifs