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L’évolution de la législation iranienne en fonction d’un contexte régional

L’EVOLUTION DE LA LEGISLATION ET LA MODERNISATION DU SYSTEME D’ARBITRAGEDANS L’ORDRE JURIDIQUE IRANIEN

A. L’évolution de la législation iranienne en fonction d’un contexte régional

59. Les États ont diversement réagi à ces impératifs, en fonction du degré de spécialité et de la place accordés à l’arbitrage international. Les réponses apportées par chacun permettent cependant leur classification en trois groupes. En premier lieu, certains États n’ont accompli que des aménagements ponctuels et limités dans leurs lois. Dans cette hypothèse, les réformes ne constituent parfois qu’une étape dans la voie d’une modernisation du droit du pays où elles ont été réalisées. Il en va ainsi de l’Angleterre90 ou de l’Allemagne. En deuxième lieu, il

89V. Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 85.

90Avant les réformes de 1979, les parties étaient autorisées, en application de la Loi d’arbitrage de 1950, à soumettre à la High Court toute question de droit par la voie de la procédure du specialcase. En outre, le juge anglais avait toujours le pouvoir d’annuler une sentence arbitrale rendue dans ce pays lorsqu’elle révélait une erreur de fait ou de droit. Ces deux règles, manifestant l’étroite surveillance du juge anglais sur tout arbitrage se déroulant en Angleterre, s’expliquaient par la tradition juridique et judiciaire anglaise. Mais elle était mal supportée par les entreprises étrangères. Pour maintenir, ou plutôt rétablir, Londres dans son rôle de place d’arbitrage internationale, il ne suffisait donc pas d’introduire au Royaume-Uni la Convention de New York – ce qui a été fait, avec un grand retard, par l’Arbitration Act de 1975, suivi dans la foulée de l’Arbitration Act de 1979, lequel n’est d’ailleurs pas parvenu à totalement dégager les arbitrages se déroulant en Angleterre de la tutelle des juges anglais. V. Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 85, n° 157 et p. 105, n° 177 ; S. BOYD, V. V. VEEDER, « Le développement du droit anglais de l’arbitrage depuis la loi de 1979 »,

arrive que les États n’aient besoin que de quelques retouches législatives qui se greffent sur des textes qui, dans l’ensemble, ont donné satisfaction – c’est par exemple le cas de l’Autriche. En troisième lieu enfin, et il s’agit du cas le plus fréquent, des refontes législatives d’ensemble sont mises en œuvre. Meilleur instrument de « marketing juridique », une réforme complète est en outre une garantie de simplicité et de cohérence. Elle peut être conduite, comme en Iran, sous l’influence d’une loi-type comme celle de la CNUDCI.

60. De façon générale, le droit de l’arbitrage fait désormais l’objet d’un très vaste mouvement de modernisation dans les pays arabes et musulmans au Moyen et Proche-Orient et en Afrique du Nord – lesquels se trouvent pour la plupart dans des régions pétrolifères. La croissance des échanges commerciaux internationaux dans la région, l’importance du commerce extérieur avec les pays européens et les États-Unis (qui représente plus de 90% du commerce extérieur dans ces pays) et le nombre significatif d’arbitrages impliquant une partie venue de ces régions mais se déroulant en Occident, ont incité les opérateurs locaux à moderniser le droit de l’arbitrage international91. Dans cette perspective, l’incitation est donc d’abord venue du

contexte économique global92. Parallèlement à ces évolutions législatives, un certain nombre de ces pays ont également adopté de nouvelles lois en vue de l’encouragement des investissements étrangers, parmi lesquels l’Algérie, l’Égypte, le Yémen et le Liban. Les

91N. NAJJAR, op. cit. note 33, p. 44, n° 70 et s.

92Deux types de sources occidentales relatives au droit de l’« arbitrage » « commercial » ont inspiré le droit des pays arabes : certaines lois ont été inspirées ou dérivées des lois actuelles des pays occidentaux qui, pour cette raison, sont connues comme des « lois modernes » ; d’autres sont inspirées des anciennes législations telles que modifiées des pays occidentaux – et qui sont donc désignées comme des « lois traditionnelles ». Dans cette perspective, deux sources se démarquent : la loi-type de la CNUDCI adoptée en 1985 et la réforme française de 1980-1981. Il convient par ailleurs de souligner que dans les pays arabes, la loi-type a souvent subi des modifications et chacune des lois qui en sont issues présente à cet égard des caractéristiques propres au pays où la loi a été adoptée. Les pays comme la Tunisie, l’Égypte, Oman, la Jordanie et Bahreïn se situent dans cette catégorie. Les droits algérien et libanais sont les seules législations inspirées de la réforme française du droit de l’arbitrage de 1980-1981. Malgré le mouvement de modernisation des législations portant sur l’arbitrage, de nombreux pays arabes ont conservé des lois anciennes ou ont récemment entrepris des réformes dans leur pays d’origine qui s’inspirent de modèles révolus. La source d’inspiration de ces droits « traditionnels » est variable, mais, au-delà de leurs différences, les droits libyen, syrien, koweitien, qatari et émirati présentent certaines caractéristiques communes. Ces droits s’inspirent de deux sources distinctes : le droit français ou franco-égyptien antérieur au droit actuellement en vigueur en France et en Égypte. Le droit marocain de l’arbitrage est en effet d’origine coloniale. Ce pays soumis au protectorat français a directement pratiqué le droit français ancien. Dans les autres pays arabes comme la Libye, la Syrie, le Koweït et le Qatar, on peut considérer que le droit de l’arbitrage est indirectement issu du droit français antérieur à 1980. Ces pays se sont en général fortement inspirés des Codes de procédure civile égyptiens de 1949 et 1968 qui avaient eux-mêmes subi une influence française. V. sur cette question N. NAJJAR, op. cit. note 33, p. 44, n° 70-89.

acteurs du commerce international et les juristes iraniens ont attentivement observé le phénomène93.

61. Ces différents éléments ont naturellement joué un rôle dans la réforme du droit iranien. Il existait également un vœu de faire de l’Iran une place clé de l’arbitrage dans la région. La situation géopolitique et géostratégique de l’Iran en tant que pays pétrolier de l’OPEP rappelait l’urgence de l’adoption de lois nouvelles répondant aux préoccupations de la concurrence régionale. Dans le cadre des refontes législatives, la réforme, ou plutôt la modernisation de la loi d’arbitrage, étaient inévitables. Ces évolutions étaient rendues nécessaires pour encourager les investissements étrangers et renforcer les échanges commerciaux et économiques. Les insuffisances en matière de droit de l’arbitrage étaient en effet importantes, ainsi qu’en témoignent certains spécialistes du droit du commerce :

« Les insuffisances des règlements d’arbitrage d’une part, et le défaut de lois applicables au commerce international d’autre part, ainsi que les divergences d’interprétation de certains articles de la Constitution, comme les articles 139 et 88, freinent l’investissement en Iran »94. En ce sens, la réforme des lois sur l’arbitrage est apparue comme une réponse adaptée à la volonté d’encouragement des investissements étrangers à s’installer en Iran95. En effet,

l’absence de lois appropriées en vue du règlement des différends nés du commerce international et des rapports issus de ce commerce a pu être perçue comme un facteur déterminant de l’isolement commercial et économique de l’Iran dans le monde96. Ce contexte

aurait insufflé un sentiment d’insécurité financière aux investisseurs étrangers, de même que la faiblesse d’un cadre juridique approprié aurait amoindri l’attractivité de l’Iran comme place d’investissement97.

93 V. B. AKHLAGHI, « Sur l’avenir de l’investissement en Iran : Étude sommaire des causes et obstacles au progrès »* [یقاخ . ،"تف یپ عن وم ل ع یل ج یس ب ی ی گ هی م س د یآ ب ی س "], Revue de la Faculté

de droit et des sciences politiques, 2005, n° 162, p. 9, 12 et 15.

94 B. AKHLAGHI, op. cit. note 93, p. 10 (notre traduction). V. également M. DJAAFARIAN, « Observations sur le projet de loi d’arbitrage commercial international »*, n° 14, op. cit. note 88, p. 111-112 ; F. EMAM, Droit de

l’investissement étranger en Iran* [ م .ف ، ی یج خ ی گ هی م س قوقح], Téhéran, Yalda, 1994, p. 280 ;

M. FARHANG, Les aspects juridiques du commerce étranger* [گ ه ف چو م ،یج خ ت ت یقوقح ی ه ه ج], Téhéran, Comité iranien de la Chambre de commerce internationale, 1989, p. 161.

95 V. B. AKHLAGHI, op. cit. note 93, p. 9, 12 et 15 ; H. SAFAII, Recueil des articles sur le droit international et

l’arbitrage international* [یی ﻔص . ،ی ل نیب ی ی ل نیب قوقح ب تا قم هعو م], Téhéran, Mizan, 1996, p. 133 et s ; G. EFTEKHAR DJAHROMI, op. cit. note 70, p. 29 ; M. DANAYE ELMI, « Les raisons de la modernisation et des évolutions du droit de l’arbitrage en Iran »* [، ی ی قوقح تاوحت ی س دم لیا "

یقی ت هعل م

ی ع ی ن ژی م ، ], Ghezavat [mensuel d’enseignement de la Justice de la province de Téhéran], 2008, n° 52, p. 23 et s.

96 V. B. AKHLAGHI, op. cit. note 93, p. 9, 12 et 15.

97 Certains juristes iraniens ont même soutenu que ces lacunes avaient déstabilisé la place de l’Iran en tant qu’exportateur de pétrole brut et membre de l’OPEP.

62. Au final, il apparaît que tous les facteurs pertinents, à savoir le mouvement de la modernisation, les facteurs à long terme et conjoncturels, le « marketing juridique », ont joué leur rôle dans le changement du cadre juridique iranien98.

B. L’évolution de la législation iranienne en fonction d’un contexte historique

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