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208. La mise en œuvre des règles particulières dédiées à l’arbitrage international ou étranger suppose, aussi bien en droit iranien qu’en droit français, la détection et la satisfaction de certains éléments.

209. Il s’agit, d’abord, de s’assurer que la « décision » considérée soit effectivement une sentence arbitrale. À cet égard, il apparaît que la notion même de « sentence arbitrale » suscite, parfois, l’hésitation. À l’instar du juge, l’arbitre est appelé, au cours de l’instance arbitrale, à prendre diverses décisions qui, bien qu’émanant toutes du même organe, ne reçoivent pas toutes la même qualification. Du reste, la physionomie de la sentence peut être altérée par le comportement des parties, soit qu’elles s’accordent entre elles à propos du différend, soit que l’une d’entre elles ne se présente pas à l’instance.Il s’agit, ensuite, de déterminer l’origine de la sentence. Le caractère étranger de cette dernière empêche en effet l’application du droit commun d’un État déterminé en tant que ne relevant pas, au moins intégralement, de ce dernier. Dans cette perspective, l’opération d’identification d’un ordre juridique de rattachement peut s’avérer délicate, aussi bien d’un point de vue théorique – quels sont les critères pertinents ? – que d’un point de vue pratique – comment évaluer in concreto ces critères ? Si la France a consacré des dispositions particulières de son droit à ces sentences, l’Iran fait reposer leur régime en grande partie sur la Convention de New York – laquelle ne règle pas toutes les difficultés. Au demeurant, certaines sentences résistent à la nationalité et au rattachement à un ordre juridique étatique spécifique. Qualifiées pour cette raison d’« a- nationales », ces sentences posent la question de leur réception dans les ordres internes.

210. Mais la sentence peut également être internationale. Là encore, tant le droit français que le droit iranien consacrent des règles particulières à celle-ci. Si le premier a tôt fait dépendre le critère de l’internationalité de celui, très général, de la commercialité, via la formule des « intérêts du commerce international », le second persiste à maintenir une vision stricte et contingentée, qui, en plus de sa rigidité, conduit parfois à une forme d’artificialité. Toutefois, il est un domaine où l’Iran a montré davantage de souplesse que la France : les limites imposées à la possibilité de compromettre pour les personnes publiques y paraissent en effet moins sévères.

211. Cette opération de qualification en aval permet, en amont, le déclenchement de la reconnaissance et de l’exécution de la sentence sur le territoire de l’État considéré – ici, la France ou l’Iran.

TITRE 2

LA RECONNAISSANCE ET L’EXECUTION DE LA SENTENCE

ARBITRALE

212. Bien que, dans la plupart des cas, la partie condamnée exécute librement la sentence, il reste que parfois, elle refusera volontairement de procéder à l’exécution de la sentence. Or, l’un des points de divergence entre l’office du juge et celui de l’arbitre réside dans le pouvoir incomplet de ce dernier. Si l’arbitre bénéficie de la juridictio, il est en revanche, en règle générale451, privé de l’imperium452– de la force. C’est en ce sens qu’il est classiquement

avancé que l’arbitre a besoin du juge.

213. La situation produit une forme de dédoublement. En effet, la nature de l’arbitrage et de la sentence en résultant est duale : elle est à la fois juridictionnelle et contractuelle. Il en découle, d’une part que la mission judiciaire confiée à l’arbitre est fondée sur un contrat privé, c’est-à- dire la convention d’arbitrage, selon laquelle les parties accordent à la sentence arbitrale des effets semblables à ceux d’un jugement, c’est-à-dire le dessaisissement de l’arbitre et l’autorité de la chose jugée453. Mais, d’autre part, face à une situation de non-exécution

spontanée de la sentence par la partie condamnée, l’arbitre se trouve démuni pour faire exécuter sa décision : puisque le pouvoir de trancher les litiges n’est pas confié par l’État à des juges privés, la possibilité de faire exécuter obligatoirement la sentence de l’arbitre n’existe pas pour l’arbitre. L’arbitrage est en effet une sorte de déviation dans l’exclusivité de l’exercice de la justice par l’État, lequel abandonne dans cette hypothèse le pouvoir qu’il

451 L’arbitrage rendu sous les auspices de certaines istitutions telles que leCIRDI constituerait une sorte de dérogation à cette règle générale. En effet, les sentences rendues en son sein n’ont pas besoin, pour leur exécution, de l’exequatur en vertu de l’article 54 (1) de la Convention de Washington. V. sur cette question et les conséquences sur la répartition habituelle des pouvoirs entre juge et arbitre, H. ASCENSIO, « La notion de juridiction internationale en question », in SFDI, La juridictionnalisation du droit international, Actes du 36e Colloque, Lille, 12, 13 et 14 septembre 2002, Paris, Pedone, 2003, p. 182 et s.

452 V. notamment en ce sens Ch. JARROSSON, « Arbitrage et juridiction », Droits : Revue française de théorie

juridique, 1989, n° 9, p. 108-112.

453 La sentence arbitrale a, de même que le jugement judiciaire, l’autorité de la chose jugée. Le principe figure en droit français à l’article 1484 al. 1 du CPC en ce qui concerne l’arbitrage interne (« La sentence arbitrale a, dès qu’elle est rendue, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche »), auquel l’article 1506 renvoie pour ce qui concerne l’arbitrage international. En revanche, le droit positif iranien reste muet sur cette question, ce qui a été à l’origine d’une controverse en doctrine. Il reste cependant que le principe paraît généralement admis, notamment en jurisprudence : les tribunaux rejettent en effet la demande fondée sur un différend entre les mêmes parties et sur le même objet qui aurait d’ores et déjà été tranché par une sentence arbitrale. V. N. KATOUZIAN,L’autorité de la chose jugée dans les affaires civiles* [ ی وع دش ت ق م تع

دم

ی ], 5e éd., Téhéran, Mizan, 1994, p. 140-141 ; A. CHAMS, Le Code de procédure civile*, op. cit. note 133,vol. 3,p. 568-570.

détient pour dire le droit entre deux personnes en le confiant à l’arbitre. Ce premier renoncement ne signifie cependant pas que l’État renonce également à son droit d’exercice de la force, dont il est le seul détenteur, pour contraindre la partie qui s’abstient à l’exécution de la sentence. La force constitue un pouvoir dont l’État a toujours l’exclusivité.

214. Toutefois, puisque le but ultime de l’arbitrage est bien l’exécution de la sentence qui en est issue, lorsque celle-ci fait défaut, il devient nécessaire de trouver une solution pour pallier les insuffisances de l’arbitre. On constate ainsi que les législateurs nationaux ont prévu des systèmes précis et codifiés, soit par l’adoption de lois nationales, soit par l’adhésion aux conventions internationales régissant la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale. En d’autres termes, l’Iran comme la France ont mis en place un cadre légal pour la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale (chapitre 3). L’exécution de celle-ci est ainsi soumise à des formalités et conditions particulières (chapitre 4).

CHAPITRE 3

LA DETERMINATION DU CADRE LEGAL DE LA RECONNAISSANCE

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