• Aucun résultat trouvé

LES MOTIFS EXTRINSEQUES : ATTEINTE A DES NORMES FONDAMENTALES

326. Certains motifs relatifs à l’atteinte aux normes fondamentales sont communs aux sentences internationales et étrangères (§ 1) ; d’autres, en revanche, sont spécifiques aux sentences internationales (§ 2).

PARAGRAPHE 1

LES MOTIFS COMMUNS AUX SENTENCES INTERNATIONALES ET ETRANGERES

327. La Loi d’arbitrage comme la Convention de New York visent des cas communs pour lesquels la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale devront être refusées. En d’autres termes, certaines circonstances transcenderont la nature de la sentence arbitrale pour s’appliquer en toute hypothèse. Il s’agit d’une part de l’arbitrabilité et de son volet négatif, l’inarbitrabilité, des questions soumises à arbitrage (A) et, d’autre part, de la contrariété à l’ordre public (B).

A. L’inarbitrabilité des questions soumises à arbitrage

328. En vertu des dispositions de la Convention de New York et de celles de la Loi d’arbitrage, la reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale pourront être refusées lorsque l’autorité compétente à qui la reconnaissance et l’exécution sont demandées constate que l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par voie d’arbitrage. C’est ainsi que l’article V (2) (a) de la Convention de New York énonce expressément que « [l]a reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale pourront aussi être refusées si l’autorité compétente du pays où la reconnaissance et l’exécution sont requises constate : a) Que, d’après la loi de ce pays, l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par voie d’arbitrage ». De même, l’article 34 (1) de la Loi d’arbitrage dispose que « [d]ans les cas suivants, la sentence de l’arbitre est fondamentalement nulle et inexécutable : 1. Lorsque l’objet principal du différend n’est pas susceptible d’être réglé par voie d’arbitrage en vertu des lois iraniennes »636. Selon

certains, la mention dans la Convention de New York de l’inarbitrabilité en fonction des lois

636 Cet article est très largement inspiré de l’article 34 (2) (b) (i) de la loi-type de la CNUDCI, lequel déclare que « 2. La sentence arbitrale ne peut être annulée par le tribunal visé à l’article 6 que si : b) Le tribunal constate : i) Que l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par arbitrage conformément à la loi du présent État ».

de l’État d’accueil est peu heureuse, en ce qu’elle permettrait au juge de l’État d’accueil de refuser la reconnaissance ou l’exécution de la sentence au vu de sa propre conception des matières susceptibles d’être réglées par voie d’arbitrage637. Par ailleurs, il est souvent soutenu

que l’arbitrabilité ou l’inarbitrabilité d’un différend donné n’est que l’une des dimensions, ou manifestations, de l’ordre public638. Cette opinion trouve une confirmation dans certains

régimes juridiques qui ne distinguent pas entre ce motif et celui de la contrariété à l’ordre public. C’est notamment le cas en droit français. L’article 1520 CPC ne mentionne pas en effet la question de l’arbitrabilité parmi les motifs d’annulation de la sentence arbitrale et n’envisage que la seule contrariété à l’ordre public – dont la définition générale comprend l’arbitrabilité du différend639. En ce sens, le régime français se distingue à la fois de la Loi

d’arbitrage iranienne et de la Convention de New York.

329. Quoiqu’il en soit, il est parfaitement naturel que, dans toute société, le législateur estime ne pas devoir abandonner le règlement de certains types de litiges au mécanisme privé de règlement des différends qu’est l’arbitrage – une préoccupation qui s’étend naturellement aux différends présentant un élément d’extranéité.L’exemple du divorce ou de la filiation suffit à s’en convaincre : il ne serait pas concevable que des arbitres prononcent un divorce ou statuent sur une recherche de paternité640. Aussi la difficulté ne réside-t-elle pas dans le principe de la non-arbitrabilité de certaines matières, mais dans la détermination des critères et de l’étendue de cette non-arbitrabilité, ainsi que dans les modalités selon lesquelles elle doit être constatée641. Il est par conséquent nécessaire d’identifier les matières ne pouvant être

637 V. notamment H. MOTULSKY, Écrits, Études et notes sur l’arbitrage, op. cit. note 562, « L’exécution des sentences arbitrales étrangères », p. 396-397.

638 V. par exemple Ph. FOUCHARD, L’arbitrage commercial international, op. cit. note 234, p. 584 ; P. SANDERS, « Vingt années de la Convention de New York de 1958 », Droit et pratique du commerce international, 1979, vol. 5, p. 362 ; P. SANDERS, « Commentary on UNCITRAL Arbitration Rules », Yearbook of Commercial

Arbitration, 1977, vol. 2, p. 216 ; F.-E. KLEIN, « La Convention de New York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères », Revue suisse de jurisprudence, 1961, p. 249 ;A.J.VAN DEN BERG, The New York Arbitration Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial Interpretation, op. cit. note 181, p. 360.

639 V., pour les controverses soulevées en doctrine par la nature de l’arbitrabilité – question de validité de la convention d’arbitrage ou question d’ordre public – Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 948-949, n° 1617. Ainsi que le relèventP. LALIVE, J.-F. POUDRET, C. REYMOND, op. cit. note 197, p. 906, n° 932, « cette controverse n’est pas sans portée pratique, car dans le cas d’ordre public, le juge peut refuser l’exequatur, et dans le cas de la validité de la convention d’arbitrage, c’est la partie intimée qui doit prendre l’initiative de faire appel de la décision d’exequatur ».

640 V. en ce sens Ph.FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 1010, n° 1706. En droit iranien, les questions telles que le divorce et la filiation sont dans le ressort de compétence des Tribunaux de famille et, de ce point de vue, aucune sentence étrangère relative à ces questions n’est recevable dans le régime juridique d’Iran. En tout état de cause, l’article 2 de la Loi d’arbitrage limite son application aux litiges commerciaux. 641 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 346-347, n° 561.

réglées par voie d’arbitrage en Iran, que ce soit en vertu du Code de procédure civile pour les arbitrages nationaux, ou en vertu de la Loi d’arbitrage pour les arbitrages internationaux. 330. Selon l’article 16 (1) de la Loi d’arbitrage,

« [L]’arbitre peut statuer sur sa propre compétence, ainsi que sur l’existence ou la validité de la convention d’arbitrage. Aux fins de la présente Loi, une clause compromissoire faisant partie d’un contrat est considérée comme une convention distincte. La constatation de la nullité du contrat par l’arbitre n’entrainera pas de plein droit la nullité de la clause compromissoire contenue dans le contrat » (notre traduction)642.

Un tel pouvoir n’est en revanche pas reconnu à l’arbitre en matière d’arbitrage interne, conformément à l’article 461 du NCPCI643, de sorte que les différends survenus relativement

au contrat contenant la clause compromissoire ou à la convention d’arbitrage ne sont pas arbitrables. La règle de « compétence-compétence » figurant à l’article 16 de la Loi d’arbitrage repose sur le principe de l’indépendance de la clause compromissoire du contrat la contenant644. L’incompétence de l’arbitre peut ainsi en général résulter de diverses raisons –

absence ou nullité de la convention d’arbitrage, nationalité de l’arbitre, défaut de certaines qualités nécessaires pour les parties, objet du différend, dépassement de ses pouvoirs par l’arbitre –, toutes circonstances qui sont mentionnées à l’article 16 et sur lesquelles l’arbitre peut décider sous contrôle de l’autorité judiciaire645. Par conséquent, le rejet de la règle de

« compétence-compétence » par le NCPCI est critiquable, d’autant que l’ensemble des systèmes juridiques modernes, y compris celui de la France, connaît parfaitement cette règle646.

642 Les paragraphes 2 et 3 de l’article 16 se lisent comme suit : « 2. L’exception d’incompétence de l’arbitre peut être soulevée au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense. Le seul fait pour une partie d’avoir désigné un arbitre ou d’avoir participé à sa désignation ne la prive pas du droit de soulever cette exception. L’exception prise de ce que la question litigieuse excéderait les pouvoirs de l’arbitre au cours de la procédure arbitrale doit être soulevée dès que la question alléguée comme excédant ses pouvoirs est soulevée. L’arbitre peut, dans l’un ou l’autre cas, admettre une exception soulevée après le délai prévu, s’il estime que le retard est dû à une cause valable. 3. Sauf convention contraire des parties, l’arbitre doit statuer sur une exception fondée sur la compétence ou sur l’existence ou la validité de la convention d’arbitrage à titre préliminaire et avant de se prononcer sur le fond du différend. La décision portant sur l’exception fondée sur le dépassement par l’arbitre de ses pouvoirs et dont les motifs surviennent au cours de la procédure arbitrale pourra être rendue dans la sentence au fond. Si l’arbitre détermine à titre préliminaire qu’il est compétent, l’une ou l’autre partie peut, dans un délai de trente (30) jours après avoir été avisée de cette décision, demander au tribunal visé à l’article 6 d’instruire et de décider ce point. En attendant qu’il soit statué sur cette demande, l’arbitre est libre de poursuivre la procédure arbitrale et de rendre une sentence » (notre traduction).

643Selon l’article 461 du Code de procédure civile iranien, « [l]e différend entre les parties portant sur le contrat de fond ou sur la clause compromissoire doit initialement être réglé par le juge étatique » (notre traduction). 644 H. SAFAII, Recueil des articles sur le droit international et l’arbitrage international*, op. cit. note 95, p. 19. 645 V. l’article 16 (3) de la Loi d’arbitrage.

646 En droit français, le principe est consacré en matière d’arbitrage interne par l’article 1465 CPC, aux termes duquel « [l]e tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel ». Il en va de même en matière d’arbitrage international, l’article 1506 renvoyant à l’article 1465.

331. Du point de vue du droit iranien, d’autres situations sont inarbitrables. C’est notamment le cas du mariage, du divorce et de la filiation selon l’article 496 (2) du Code de procédure civile. Le fondement de l’interdiction est à rechercher dans l’importance accordée à ces matières sur les plans religieux et sociaux. Néanmoins, elle ne figure pas formellement dans le champ d’application de la Loi d’arbitrage – ce qui est au demeurant logique étant donné que cette dernière vise l’arbitrage commercial international. Par ailleurs, les litiges concernant la faillite et formulés contre le commerçant ou la société commerciale à l’initiative du ministère public ou de la partie civile ne sont pas non plus arbitrables selon l’article 496 (1) du Code de procédure civile. Selon la doctrine, cette interdiction trouve son origine dans ce que la faillite d’un commerçant ou d’une société commerciale peut entrainer celle des autres et aboutir par la suite à la récession du marché. Ainsi, compte tenu de l’intérêt public en jeu, il est considéré comme préférable d’adresser les affaires relatives à la faillite à un tribunal étatique, réputé mettre en œuvre un procès plus rigoureux647. De même, les différends dans lesquels le

mélange de faits pénaux à des faits civils rend la distinction entre eux impossible ne sont pas arbitrables aux termes de l’article 478 du Code de procédure civile. Enfin, restent les cas arbitrables sous réserve de la satisfaction de certaines conditions. Il s’agit des différends portant sur les biens publics et étatiques (art. 457 du Code de procédure civile)648 : en vue de garantir l’intérêt public et l’intérêt de l’État, l’article 139 de la Constitution649 établit les

limites et conditions à l’arbitrabilité de ces cas650.

647 M. SADRZADEH AFSHAR, Code de procédure civile et commerciale (les Tribunaux généraux et de

Révolution)* [ ف دص نسحم دیس ۵ اقن يمو ع ي ه گ ۶ ين گ ب يندم يس نییآ], 10e éd., Téhéran, Djahad- e-Daneshgahi, 2008, p. 387 ; A. MOEZZI, op. cit. note 121, p. 534-535. Pour les avis réfutant cette règle en matière internationale, v. R. ESKINI, « Les conflits de lois dans les règles de l’arbitrage commercial international »* [ی ل نیب ی ت ی دع وق نین وق ض عت], Magazine du Bureau des services juridiques, 1989, n°11, p. 189 ; R. ESKINI, « L’arbitrabilité des litiges en droit iranien »*] ی قوقح ی ع ی ی پ ی [, inM. KAKAVAND (dir.),Recueil des articles à l’occasion du congrès de centenaire de la création de l’institution d’arbitrage en droit iranien, organisé le 24 février 2010 par le Centre d’arbitrage de la chambre de commerce d’Iran* [ ی قوقح ی ن سیس ت ل س نیمدص شی ه تا قم هعو مl], Téhéran, Institut des recherches et des études juridiques Shahr-e-Danesh, 2011,p. 35-37 ; A. CHIROY, L’arbitrage commercial international* [ ی ی ل نیب ی ت], Téhéran, SAMT, 2012, p. 82 et s.

648 L’article 457 du Code de procédure civile dispose à cet effet que : « Le recours à la conciliation concernant les biens publics et étatiques, ou le renvoi des litiges [nés à cet effet] à l’arbitrage, est soumis dans chaque cas à l’approbation du Conseil des ministres ; le Parlement doit être tenu informé. Concernant les contrats où l’autre partie est étrangère ou les cas internes importants, la ratification du Parlement est nécessaire. L’importance des cas à caractère interne est déterminée par la loi » (notre traduction).

649 Cet article dispose que : « Le règlement des demandes relatives aux biens publics ou étatiques ou le renvoi de celles-ci à l’arbitrage dépend dans tous les cas de l’approbation du Conseil des ministres, et l’Assemblée doit être informée de ces questions. Dans les cas où l’une des parties au différend est étrangère, ainsi que dans les cas importants qui sont purement internes, l’approbation de l’Assemblée est nécessaire. L’importance des cas à caractère interne est déterminée par la loi » (notre traduction).

650 V. supra n° 191. Pour le détail de certains avis doctrinaux sur cette question et le positionnement de la jurisprudence, v. A. CHAMS, Le Code de procédure civile*, op. cit. note 133, vol. 3, p. 524.

332. Il demeure qu’en droit iranien, le rincipe est la possibilité de soumettre à l’arbitrage tous les recours, sous réserve des exceptions expresses mentionnées par la loi – une solution confortée tant par la jurisprudence de la Cour de cassation que par la doctrine651. Le fondement en est clair : le fait de soumettre un différend à arbitrage suppose nécessairement la disponibilité des droits en cause ; si les parties n’en sont pas les détenteurs selon la loi, elles ne peuvent résoudre leur litige via l’arbitrage.En somme, compte tenu des cas de non-arbitrabilité visés, le droit iranien adopte un positionnement plus favorable que certains autres droits. La conclusion est encore renforcée par l’existence de la règle selon laquelle la connaissance totale de l’objet du différend ne figure pas parmi les conditions de l’arbitrabilité – la seule connaissance sommaire du différend suffira à le soumettre à l’arbitrage652– et par la

possibilité reconnue tant dans les règlementations portant sur l’arbitrage interne653

qu’international654 de renvoyer le « différend futur » à l’arbitrage.

333. S’il est vrai que « les cas de refus fondés sur l’article V(2)(a) de la Convention de New York sont rares »655, il reste que l’inarbitrabilité du litige en fait partie, de sorte que ce texte ainsi que le droit iranien s’éloignent de la solution française en individualisant ce motif.

B. La contrariété à l’ordre public

334. La Loi d’arbitrage en son article 34 (2) ainsi que la Convention de New York en son article V (2) (b) mentionnent toutes deux l’expression « ordre public ». Aux termes de cette dernière disposition, « [l]a reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale pourront aussi être refusées si l’autorité compétente du pays où la reconnaissance et l’exécution sont requises

651 La décision n° 1334/5/9-971 de la Chambre 5 de la Cour de cassation énonce par exemple : « Hormis le cas de la faillite, des demandes relatives au mariage et au divorce, de l’annulation du mariage et des questions relatives à la succession, dont le règlement par l’arbitrage est interdit en application de l’article 675 de la loi d’arbitrage [art. 496 du Nouveau code de procédure civile], les autres types de différends peuvent parfaitement être soumis à l’arbitrage. Par conséquent, l’envoi de la demande d’annulation des actes authentiques à l’arbitrage est permis » (notre traduction). V. A. CHAMS, Le Code de procédure civile*, op. cit. note 133, vol. 3, p. 523 ; A. MATIN DAFTARI, Procédure civile et commerciale*, op. cit. note 70, p. 162.

652 Article 216 du Code civil.

653 Les articles 454 et 455 du Code de procédure civile iranien précisent que : « Toutes personnes et parties ayant la capacité de former une demande en justice peuvent confier le règlement de leur différend, qu’il soit déjà formulé devant les tribunaux – dans toutes les phases de la procédure – ou non, à l’arbitrage d’un ou plusieurs arbitres » (article 454, notre traduction) et « Les contractants peuvent convenir dans le cadre de leur contrat ou dans le cadre d’une convention indépendante de confier tout différend né du contrat à l’arbitrage et de choisir le ou les arbitres avant même que le différend ne soit né » (article 455, notre traduction).

654L’article 1 (c) de la Loi d’arbitrage dispose que : « La “Convention d’arbitrage” est un accord des parties en vue de soumettre à l’arbitrage tous les différends ou certains d’entre eux, déjà survenus ou à naître, entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé, qu’il soit contractuel ou non contractuel. Une convention d’arbitrage peut prendre la forme d’une clause compromissoire d’un contrat ou la forme d’un accord séparé » (notre traduction). 655 A. J. VAN DEN BERG, « L’exécution d’une sentence arbitrale en dépit de son annulation », Bull. CCI, 1998, vol. 9/2, p. 369-370.

constate : (b) Que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence serait contraire à l’ordre public de ce pays ». La limitation doit être regardée comme visant aussi bien les exigences de procédure que celles de fond656. Bien que la Convention de New York ne précise pas le caractère international ou interne de l’ordre public, la doctrine a cependant généralement considéré, en se fondant sur les travaux préparatoires de la Convention, que l’intention ayant guidé la rédaction de l’article V (2) (b) était de prendre en compte le seul ordre public

international657. Par conséquent, la violation de l’ordre public national du pays où la sentence est invoquée n’empêcherait pas sa reconnaissance et son exécution par les tribunaux nationaux. Toutefois, la notion d’« ordre public international » ne fait pas l’objet d’une définition univoque. Parfois, comme dans une décision de la Cour d’appel de Hambourg, il est considéré que toutes les dispositions impératives de l’État d’accueil ne relèvent pas de l’ordre public, celui-ci ne visant que les cas extrêmes658. Selon d’autres, l’expression est équivalente à celle de « principes fondamentaux » dans l’État d’accueil. En ce sens, la Cour de justice du Canton de Genève a jugé le 17 septembre 1976 que la contrariété à l’ordre public suppose « une violation des principes fondamentaux de l’ordre juridique Suisse heurtant de façon intolérable le sentiment de justice »659. Il est en tout cas certain que toutes les dispositions légales impératives issues de l’ordre public interne ne sauraient être élevées au rang de l’ordre public international660. Il s’agit donc pour l’essentiel, et ici réside l’économie de la Convention de New York sur ce point, de permettre à l’État où la reconnaissance et l’exécution de la sentence sont demandées de ne pas accueillir dans son ordre juridique une

656 V. en ce sens l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation française du 24 mars 1998, Sté

Excelsior Films c. Sté UGC-PH, Rev. arb., 1999, p. 255, note Ph. FOUCHARD : « L’article V (2) b) de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères est substantiellementidentique à l’article 1502 5° du nouveau Code de procédure civile et ses dispositions permettent d’écarter une sentence arbitrale rendue à l’étranger en méconnaissance des exigences de l’ordre public du pays d’exécution, aussi bien quant à la procédure que sur le fond ».

657 V. en ce sens Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 1012, n° 1711 ; M. DE BOISSESON, op. cit. note 113, p. 452, n° 543.

658 Publié au Yearbook of Commercial Arbitration, 1977, vol. 2, p. 241. V. aussi l’arrêt du Bundesgerichtshof allemand du 15 mai 1986 distinguant, à propos de l’exigence de neutralité des arbitres, ordre public interne et ordre public international, pour reconnaître la sentence prononcée par le seul arbitre nommé par le demandeur à la suite du défaut du défendeur (Yearbook of Commercial Arbitration, 1987, vol. 12, p. 489 ; H.-J. LÜER, « German Court Decisions Interpreting and Implementing the New York Convention », Journal of International

Arbitration, 1990, n° 1, pp. 127 et s.).

659 Publié au Yearbook of Commercial Arbitration, 1979, vol. 4, p. 311. En doctrine, v. dans le même sens A. J. VAN DEN BERG, The New York Arbitration Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial

Interpretation, op. cit. note 181, p. 360 ; H. MOTULSKY, Écrits, Études et notes sur l’arbitrage, op. cit. note 562, « L’exécution des sentences arbitrales étrangères », p. 396-397.

660 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit. note 2, p. 1013, n° 1612. V. également sur cette question N. ALMASI, Droit international privé*, op. cit. note 213, p. 130 ; A. AHMADI VASTANI, L’ordre public en droit privé* [ین تس ید ح . ،یصوﺼخ قوقح یمو ع م ], Téhéran, Ibn Sina, 1962, p. 8 ; L. DJONEIDI, La loi

applicable aux arbitrages commerciaux internationaux*, op. cit. note 59, p. 29 ; L. DJONEIDI, L’exécution des

Outline

Documents relatifs