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Les difficultés définitionnelles de la commercialité en droit iranien

LA DETERMINATION DE LA COMMERCIALITE

A. Les difficultés définitionnelles de la commercialité en droit iranien

178. Aux termes de l’article 2 (1) de la Loi d’arbitrage commercial international iranienne adoptée en 1997, le caractère commercial d’une sentence arbitrale internationale est issu de son objet : si le litige est de caractère commercial et concerne les relations commerciales des parties, le litige et la sentence sont de même caractère. En tant que « commerciale » et « internationale », si elle est rendue hors d’Iran, une telle sentence sera du reste soumise à la Convention de New York. La difficulté ressort de ce que ni la Convention de New York, ni la Loi d’arbitrage commercial international iranienne ne définissent la notion de commercialité.

179. Pour ce qui concerne la Loi d’arbitrage iranienne, elle s’adosse à la loi-type de la CNUDCI. Cette dernière, bien qu’énonçant en son article 1 (1) que « [l]a présente Loi s’applique à l’arbitrage commercial international », ne consacre guère de développements à la définition de la commercialité dans le corps de son texte. La seule indication procède de la note 2 accolée au terme « commercial », laquelle se lit comme suit :

« Le terme “commercial” devrait être interprété au sens large, afin de désigner les questions issues de toute relation de caractère commercial, contractuelle ou non contractuelle. Les relations de nature commerciale comprennent, sans y être limitées, les transactions suivantes : toute transaction commerciale portant sur la fourniture ou l’échange de marchandises ou de services ; accord de distribution ; représentation commerciale ; affacturage ; crédit-bail ; construction d’usines ; services consultatifs ; ingénierie ; licences ; investissements ; financement ; transactions bancaires ; assurance ; accords d’exploitation ou concessions ; coentreprises et autres formes de coopération industrielle ou commerciale ; transport de marchandises ou de passagers par voie aérienne, maritime, ferroviaire ou routière ».

Deux remarques s’ensuivent. D’abord, la forme retenue conduit à n’y voir qu’une directive d’interprétation dépourvue d’effets juridiques383 : la loi-type est simplement proposée aux

législateurs des États qui souhaitent l’adopter ou s’en inspirer et chacun reste libre de l’introduire sous la forme et avec le contenu qui lui convient384. En effet,

« comme l’indique son nom en langue anglaise (Model Law), la loi-type de la CNUDCI est un modèle à l’usage des législateurs nationaux. Elle n’a en tant que telle aucune force contraignante et doit être reprise sous la forme d’une loi nationale pour déployer ses effets »385. Ensuite, la note se borne à présenter une liste non exhaustive des domaines économiques donnant lieu à la commercialité.

180. En s’inspirant de la loi-type, la Loi iranienne a reproduit certains de ses schémas. C’est ainsi qu’en son article 2 (1), sans fournir de définition de la commercialité sur le plan international, elle dresse une liste d’exemples d’activités de nature commerciale :

« L’arbitrage des différends dans les relations commerciales internationales, y inclus l’achat et la vente de marchandises et de services, le transport, l’assurance, les affaires financières, les services consultatifs, l’investissement, la coopération technique, la représentation, l’intermédiation, les contrats d’entreprise et les activités similaires, sera conduit conformément aux dispositions de la présente Loi » (notre traduction).

L’article s’applique ainsi à l’ensemble des relations commerciales et économiques ayant pour objet la production, la transformation, la circulation des marchandises et des services, les activités financières et les services bancaires et toutes activités semblables qui évoluent dans

le cadre de l’exécution de contrats. Il a en effet été relevé que les domaines mentionnés ont

pour point commun d’être contractuels386. Par ailleurs, le recours à l’expression « activités

similaires » indique que toute activité contractuelle menée en vue de générer des revenus et bénéfices est couverte par le champ d’application de la Loi387.

181. Dans le silence – partiel – de la Loi d’arbitrage, certains ont considéré que la commercialité devait être définie à partir d’autres dispositions législatives pertinentes, spécialement les articles 2 et 5 du Code de commerce388. L’article 2 vise les transactions commerciales d’un point de vue matériel389, tandis que l’article 5 dispose que « [t]outes les transactions réalisées

383 V. Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN,op. cit. note 2, p. 39, 56 et 119. 384 V. Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN,op. cit. note 2, p. 39.

385 J.-F. POUDRET, S. BESSON, op. cit. note 152, p. 68, n °126. 386 A. MOEZZI, op. cit. note 121, p. 48.

387Ibid., p. 49.

388 V. notamment J. SEIFI,« La loi d’arbitrage commercial international d’Iran en phase avec la loi-type de la CNUDCI »*[ی نو ن ون ق ب وس ه ی ل ل نیب ی ت ی ون ق نو ن], Magazine littéraire, 1998, p. 23.

389 L’article 2 du Code de commerce dispose ainsi que « [l]es transactions commerciales sont de l’ordre suivant : 1. L’achat ou l’acquisition de tout bien mobilier en vue de sa vente ou de sa location (…) ; Les opérations de transport aérien, maritime ou routier ; 3. Tout type d’activités intermédiaires, de commissionnaire ou de courtier

par les commerçants sont réputées commerciales, sauf dans les cas où il sera établi que la transaction ne concerne pas une affaire commerciale ». Par conséquent, la commercialité au sens du Code de commerce recouvre tout à la fois les activités commerciales par nature et les activités commerciales par la qualité de leur auteur. En ce sens, elle repose sur un mélange de vision « objective » et « subjective »390. Certainement, une telle interprétation de la commercialité permet d’étendue le champ d’application de la Loi d’arbitrage, en même temps qu’elle coïncide avec le dispositif du Code du commerce. Toutefois, elle ne semble pas conforme à la Loi d’arbitrage. Cette dernière,tout comme la loi-type de la CNUDCI, en dressant une liste des opérations et transactions de nature économique, prend le parti d’une notion de « commercialité » générale391, au détriment du statut de commerçant des parties au différend. En ce sens, la Loi d’arbitrage iranienne se positionne dans une perspective « objective ». Elle recourt donc à une notion de la commercialité plus restreinte que celle figurant dans le Code de commerce.

182. En ce qui concerne la Convention de New York, qui demeure la seule convention d’arbitrage à laquelle l’Iran ait adhéré, son article I (3) déclare que la détermination et la définition des enjeux commerciaux relèvent des lois nationales des États parties :

« Au moment de signer ou de ratifier la présente Convention, d’y adhérer ou de faire la notification d’extension prévue à l’article X, tout État pourra, sur la base de la réciprocité, déclarer qu’il appliquera la Convention à la reconnaissance et à l’exécution des seules sentences rendues sur le territoire d’un autre État contractant. Il pourra également déclarer qu’il appliquera la Convention uniquement aux différends issus de rapports de droit, contractuels ou non contractuels, qui sont considérés comme commerciaux par sa loi nationale ».

L’Iran a usé de la réserve de commercialité autorisée par cet article, le premier paragraphe de l’article unique de sa loi d’adhésion énonçant que « la République islamique d’Iran appliquera

(…) ; 4. La création et la mise en fonctionnement de tout type d’usines, à l’exception de leur exploitation personnelle ; 5. Les opérations de ventes aux enchères ; 6. Les expositions de marchandises ou de services organisées pour le public ; 7. Les opérations bancaires et de change des devises ; 8. L’échange de traites entre commerçants ou non commerçants ; 9. Les opérations d’assurance maritime et non maritime ; 10. La construction, l’achat et la vente de navires, ainsi que la navigation intérieure ou extérieure et les transactions qui y sont relatives » (notre traduction).

390 La théorie « objective » veut que le droit commercial s’applique aux transactions commerciales. Dans cette perspective, la loi identifie un certain nombre d’opérations et les considère comme « commerciales » (article 2 du Code de commerce iranien). La théorie « subjective », quant à elle, considère que le domaine du droit commercial est celui des opérations accomplies par les commerçants, c’est-à-dire la personne qui est habituellement connue comme telle et qui est soumise en conséquence à des droits spécifiques (article 5 du Code de commerce iranien). V. en ce sens, A. MATIN DAFTARI, Procédure civile et commerciale*, op. cit. note 70, p. 308 ; R. ESKINI, Droit du commerce*, op. cit. note 351, p. 68-69, p. 138 ; M. DAMIRTCHI, A. HATAMI, M. GHARAII, op. cit. note 358, p. 46-47.

391 La loi-type est destinée tout autant à des systèmes juridiques qui ignorent la distinction entre commerçants et non-commerçants qu’à ceux qui la maintiennent. V. Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN,op. cit. note 2, p. 40. V. également Ph. FOUCHARD, « La loi-type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international »,

la Convention uniquement aux différends issus des rapports de droit, contractuels ou non contractuels, qui sont considérés comme commerciaux par la loi de la République islamique d’Iran »392. Il devient dans cette perspective essentiel d’identifier les rapports de droit qui sont

considérés comme commerciaux par la loi iranienne. C’est ici l’article 2 du Code du commerce qui paraît pertinent puisque les activités qu’il mentionne sont susceptibles de faire naître un rapport de droit qui peut lui-même occasionner un différend. Cette perception des « relations commerciales », en s’appliquant indifféremment à la Convention de New York et à la Loi d’arbitrage, permet l’uniformisation du régime et évite conséquemment les incertitudes générées par les divergences interprétatives.

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