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Une présence d’importance variable selon les pays

Les discriminations entre catégories de trains révélées par la tarification des péages

3.2. L’ouverture des marchés du fret ferroviaire

3.2.3. Les nouveaux entrants : importance et typologie

3.2.3.2. Une présence d’importance variable selon les pays

La plus ou moins grande variété des nouveaux entrants tient en premier lieu à la situation du secteur ferroviaire dans les pays concernés. Ainsi, dans le cas français, la SNCF est un exploitant monopolistique qui consent quelques entorses limitées à la règle sous forme de contrats d’affermage, progressivement transformés en contrats de sous-traitance. Il n’y a quasiment pas de réseau d’intérêt local intégré exploité par d’autres opérateurs135, et les quelques réseaux « privés » qui pouvaient exister (ports et houillères notamment) ont été

135 On pourrait citer par exemple la Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13), qui exploite plusieurs petites lignes de fret dont l’infrastructure appartient au département, avec remise des trafics à la SNCF. La RDT 13 a été sollicitée en 2005 par le département de l’Hérault, pour reprendre la traction sur la ligne Béziers – Colombiers – Cazouls, la SNCF ayant augmenté considérablement les prix de ses prestations.

repris, comme nous l’avons vu précédemment, par une entité du groupe SNCF lorsque l’occasion s’en est présentée. La situation va évoluer, notamment dans les ports, ces derniers ayant désormais la possibilité de lancer des appels d’offres pour les prestations de traction sur leur réseau, mais le vivier de candidats nationaux potentiels n’est pas très étoffé. Ce sera donc une chance pour de nouveaux entrants purs, pour peu qu’il en émerge sur le territoire national, ou pour des groupes étrangers déjà rodés sur leur territoire d’origine et quelques autres... Mais le processus est lent : 1 % seulement du marché est capté par des opérateurs alternatifs à la SNCF en 2006 !

A contrario, le cas allemand, que nous avons également évoqué à plusieurs reprises, se

caractérise par un vivier d’opérateurs potentiels extrêmement important (plus de 200), du fait de la persistance de sociétés régionales ou locales d’exploitation ferroviaire, souvent propriétaires de leurs infrastructures, et qui opéraient régulièrement des concours de traction sur le réseau national pour le compte de l’opérateur national. Mais cela ne garantit pas forcément une part élevée de ces exploitants alternatifs dans l’acheminement de l’ensemble des trafics fret nationaux.

Le cas de figure d’un exploitant national monopolistique de droit ou de fait dans le domaine du fret se rencontre en Bulgarie, Finlande, Grèce, Irlande, Portugal et en Slovénie.

Une majorité d’états membres de l‘UE (19) sont desservis par au moins deux entreprises ferroviaires. La part du marché qui échappe à l’opérateur le plus important se situait entre moins de 1 % (Slovaquie, France) et 30 % (Grande-Bretagne) en 2004 (source : Henke, 2006). Sans surprise, le Royaume-Uni et l’Estonie figurent parmi les plus ouverts aux nouveaux entrants, qui captent 25 à 30 % du marché fret total. Viennent ensuite la Suède et la Norvège (part de marché comprise entre 18 et 23 %), puis trois pays à 15 % : la Hongrie, les Pays-Bas et la Pologne. La Suisse et l’Allemagne sont à 10 %, malgré donc l’abondance des opérateurs alternatifs qui ne captent individuellement que de faibles fractions du trafic136. Les dix autres pays ont des compagnies nationales qui détiennent 92 % du marché et plus, ce qui revient à dire que la concurrence n’y est encore qu’anecdotique.

Une autre façon de mesurer l’importance de l’univers de choix potentiel des chargeurs est de comptabiliser le nombre de certificats de sécurité attribuées dans chaque pays. Ces certificats, prévus par l’article 10 de la directive européenne 2004-49, sont en effet nécessaires pour circuler sur le réseau national, même si la demande émane d’entreprises qui en détiennent déjà dans d’autres états de l’UE. La délivrance des certificats de sécurité est en effet basée sur l’observance des règles de sécurité ferroviaire qui demeurent propre à chaque réseau, la possession d’engins de traction aptes à la circulation sur les infrastructures du pays concerné (répétition des signaux, radio sol-train, dispositifs de sécurité embarqués, etc.) et l’emploi de conducteurs effectivement formés à la circulation sur le réseau national (on demande notamment qu’ils parlent la ou les langues nationales par exemple). L’harmonisation technique entre réseaux est à peine balbutiante et il n’est pas question dans les conditions actuelles d’envisager une certification à l’échelle du continent. Le chef de file de ce long rapprochement est désormais l’Agence Ferroviaire Européenne (AFE), installée à Valenciennes.

Il est difficile de comptabiliser ces certificats, seuls les détenteurs de licences ferroviaires étant répertoriés de façon exhaustive au niveau de l’AFE. Or, ces détenteurs, sauf à créer une filiale par pays desservi, ne sont pas forcément repris lorsqu’ils obtiennent un certificat de sécurité sur un autre réseau. Une base publique de données (PDB) est en cours d’élaboration par l’AFE, mais elle ne compte à ce jour (juillet 2007) que les

136 En Allemagne, Veolia Cargo Deutschland, HGK et Rail4chem captent l’essentiel de ces 10 %. Le reste se partage entre une multitude d’opérateurs très spécialisés ou très locaux. Nous reviendrons sur cette spécificité lorsque nous aborderons la question des dessertes fret de proximité (chapitre 6).

certificats délivrés au Royaume-Uni. En croisant ces informations avec celles obtenues directement auprès des gestionnaires d’infrastructures nationaux, voire auprès des entreprises elles-mêmes, nous avons pu construire une carte des univers de choix (figure 3.24) aussi fiable que possible.

Figure 3.24 : L’univers de choix des chargeurs mesuré par le nombre de certificats de sécurité valables pour le trafic fret ou pour du trafic mixte fret/voyageurs, en vigueur au 1er juillet 2007 (sources : AFE, gestionnaires d’infrastructure nationaux)

Le nombre d’entreprises aptes à assurer du trafic fret dans un pays donné est donc très variable. Il y a évidemment entreprise et entreprise : dans le cas allemand qui est le plus complexe avec 299 entreprises identifiées comme autorisées à assurer du trafic fret sur 361 (un record européen !), on trouve aussi bien le géant européen Railion que le gestionnaire des voies portuaires de Krefeld (Rhénanie du Nord) ou de Regensburg (Bavière). Brian Slack et Alexander Vogt (2007) estiment que 160 titulaires de licence ont effectivement tracté des trains sur le réseau de DB Netz et que 30 d’entre eux peuvent être vraiment considérés comme concurrents de Railion. Au final, comme nous l’avons vu, la part de trafic captée par les opérateurs alternatifs n’excède pas 10 % du marché total alors qu’elle est deux fois et demie plus élevée en Norvège avec six opérateurs seulement.

Finlande Irlande Belgique Slovaquie Allemagne Grèce Bulgarie Slovénie Portugal 1 2 4 5 6-8 9-10 NL BE 11-15 AutricheAU 16-20 >21 SP RO 27 PL 49 LU LT HU LV ES DK IT 35 FR UK SE NO DE 299 CZ CH Pas dʼattribution de certificat de sécurité

PZ-2007

Il n’y a donc pas pour le moment de corrélation entre le nombre total d’entreprises ferroviaires et l’importance du trafic échappant à l’opérateur historique... Mais cela peut évoluer dans la mesure où les freins à l’accès au marché se desserrent progressivement, et que les obstacles qui ont pu être rencontrés les années précédentes ne réapparaîtront pas forcément par la suite.