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Les étoiles sans correspondance (« bases »)

5.1 – Les structures des réseaux aériens reflètent les stratégies des différents acteurs du marché

5.2. Étoiles, hubs et bases : une proposition de classification renouvelée

5.2.4. Les étoiles sans correspondance (« bases »)

Ce dernier type n’est systématiquement pratiqué que par les compagnies low cost européennes. Il permet d’optimiser (pour ne pas dire maximiser) l’utilisation des avions et de limiter l’irrégularité liée à l’attente d’autres vols donnant correspondance et à un éventuel transfert de bagages. Il est l’expression la plus rationnelle du principe de point à point, dans la mesure où la concentration dans l’espace permet de massifier les services au sol de la compagnie et de limiter ses frais de structure. Une compagnie a donc intérêt à baser le maximum d’avions sur un minimum de points. Alléchés par les perspectives d’accroissement de leur clientèle, les gestionnaires d’aéroports rivalisent d’avantages pour que leur plate-forme soit promue au rang enviable de base, mais la logique de point à point impose de ne compter que sur le potentiel local de clientèle, contrairement à un hub classique pour lequel on suppose que la clientèle locale ne représentera que 50 à 60 % de sa fréquentation.

Ce potentiel peut être moins concentré dans l’espace que celui d’un aéroport desservi par des compagnies classiques dans la mesure où la clientèle est prête à effectuer des parcours d’approche plus importants pour bénéficier de bas tarifs, les accès routiers étant privilégiés du fait de la multiplicité des flux potentiels et de leur faible importance à quelques exceptions près. On peut ainsi miser sur des plates-formes barycentrales183 à l’instar de Francfort-Hahn ou de Charleroi. Le cas de Hahn, élu par Ryanair, est intéressant dans la mesure où, bien que se prévalant d’une prétendue proximité de Francfort qui est à quelques 130 km, l’aéroport se positionne dans la cartographie diffusée sur son site Internet, au centre d’un cercle de concentrations urbaines importantes (figure 5.25) incluant une portion de la vallée du Rhin de Ludwigshafen à Coblence, le Luxembourg et la vallée de la Moselle (Trêves). Hahn est également proche de Kaiserslautern. Le répulsif massif du Hunsruck, qui était davantage contourné que traversé, et qui est toujours relativement peu équipé (les autoroutes passent au large), devient central au prix d’un parcours d’approche non négligeable en véhicule particulier ou en navette d’autocar.

182 Cinq itinéraires différents sont ainsi proposés si l’on souhaite aller d’Oakland à Baltimore un jour ouvrable de base (interrogation de mars 2004 sur le site Internet de la compagnie).

183 Desservant simultanément plusieurs concentrations urbaines situées jusqu’à plus de 100 km.

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Figure 5.25. Carte de localisation de l’aéroport de Francfort-Hahn, montrant les possibilités d’accès routier. On notera l’absence de Francfort, qui donne pourtant son nom à l’aéroport ! (source : site Internet de l’aéroport)

On pourrait citer comme autres exemples comparables les aéroports de Charleroi et de Friedrichshafen. Le premier, situé à 46 km de Bruxelles dont il emprunte le nom (Bruxelles Sud), se voit au cœur d’une aire de chalandise incluant Lille184 et la région Champagne-Ardenne, le Grand-duché du Luxembourg, l’ensemble de la Wallonie, voire la frange occidentale de la Rhénanie-Palatinat. La délimitation s’effectue sur la base d’un temps de parcours routier acceptable qui irait jusqu’à deux heures. Le second, situé en bordure Nord du Lac de Constance, s’appuie sur un marché local de 600.000 habitants, complété par une aire de chalandise tri-nationale185 (figure 5.26) atteignant les alentours de Zurich, incluant Saint-Gall et remontant la vallée du Rhin vers les Grisons en Suisse, mais qui incorpore également le Jura Souabe (Allemagne) et le Vorarlberg autrichien (Bregenz, Feldkirch). Dans ces deux derniers cas, le barycentre est de surcroît une confluence de frontières, ce qui permet de présenter la plate-forme aéroportuaire comme un outil de structuration et d’unification de régions transfrontalières un peu éloignées de tout.

184 Une navette routière existe entre Lille et l’aéroport.

Figure 5.26. Aire de chalandise affichée de l’aéroport de Friedrichshafen, aux confins de l’Allemagne, de la Suisse et de l’Autriche (Source : site Internet de l’aéroport)

Une autre catégorie d’aéroports élus comme bases est celle des plates-formes alternatives à celles des grandes métropoles européennes186. On peut considérer ici que l’aire de chalandise est composée d’une portion urbaine et périurbaine liée à la métropole de rattachement, mais qui ne l’inclut pas forcément en totalité, et d’une vaste zone plus rurale, incluant des villes dont le poids n’est pas négligeable et qui souffrent d’une desserte aérienne propre très partielle et très onéreuse. Ainsi, l’aéroport de Beauvais peut compter sur une clientèle purement parisienne desservie par une navette fréquente qui aboutit à la Porte Maillot, francilienne plutôt localisée au Nord-Ouest de la région (Hauts-de-Seine, Val d’Oise et nord des Yvelines), mais aussi sur des clients originaires de Picardie (Oise, Somme) et de Haute-Normandie. Cette couverture préférentielle d’une portion seulement de l’agglomération permet d’expliquer la présence de plusieurs plates-formes érigées au rang de base par la même compagnie au sein de la même concentration urbaine (Stansted, Gatwick et Luton pour Londres) : elles ne couvrent pas la même aire de chalandise et ne se phagocytent donc pas.

Le refus de concentration dans le temps limite les contraintes pesant sur l’exploitation. Un appareil à l’arrivée est traité dans le minimum de temps d’échange possible (TE) avant de repartir vars une autre destination. En cas de retard, l’impact sera limité au service suivant et il n’y aura pas d’implication sur les autres mouvements.

Figure 5.27 : Principe de fonctionnement d’une étoile sans correspondance

186 Voir aussi à ce sujet le chapitre 2 (2.3.1 notamment) et le chapitre 6 (6.1 et 6.2).

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Ce type de fonctionnement s’accommode bien d’une offre peu fréquente, caractéristique des low costs européennes. Certaines destinations ne sont desservies qu’une fois par jour ouvrable, voire moins encore (deux à trois fois par semaine par exemple). Ainsi que le montre la figure 5.28, la compagnie offrant les plus fortes fréquences dépasse à peine deux allers-retours en moyenne par jour. La moyenne de l’ensemble des compagnies recensées s’établissait en 2005 à 7,14 AR par semaine, soit approximativement un par jour, ce qui est fort peu si l’on compare aux compagnies classiques : Air France a instauré en octobre 2005 un cadencement horaire de ses services entre Paris CDG et les principales villes européennes (soit 10 à 12 AR par jour), élargissant le principe des Navettes qui avaient été développées sur les lignes intérieures les plus importantes en réponse à la première vague de concurrence des années 1995-2000 (Zembri, 2000).

Figure 5.28 : Fréquences moyennes observées sur les principales compagnies low cost européennes en juin 2005 (source : horaires officiels)

Les bases sont généralement reliées entre elles par des vols dont la fréquence est nettement supérieure à la moyenne enregistrée sur le réseau. Dans le cas de Ryanair, les lignes Stansted – Glasgow et Stansted – Dublin, avec respectivement 10 et 11 A/R par jour ouvrable, sont les mieux desservies d’Europe par des compagnies de ce type.

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La divergence des stratégies est patente entre les compagnies low cost américaines et européennes (à l’exception notable de Virgin Express qui joue un rôle de compagnie nationale-bis belge187) : les premières ont tendance à se rapprocher des compagnies classiques en organisant des systèmes d’étoiles avec correspondances systématiques, l’intercontinental en moins. Les secondes se contentent de bases (concentration dans l’espace uniquement), avec une grande variété de structures de réseaux entre la base unique et le nombre respectable de 24 bases (Air Berlin). Cette divergence est de nature à expliquer le caractère encore davantage complémentaire que concurrent des réseaux low

187 Et qui s’est rapprochée de l’autre compagnie nationale, SN Brussels Airlines, courant 2007.

14,14 12,27 12,25 11,85 10,66 10,17 9,96 8,4 8,35 8,27 7,9 7,85 7 6,21 6 5,94 5,68 5,61 5,35 5,19 4,64 4,45 4,25 4,11 3,06 2,5 2 0 5 10 15 DBA EASYJET FLY ME AER ARANN FLYBE VIRGIN RYANAIR GERMANWINGS FLYNORDIC VUELING BMYBABY NORWEGIAN INTERSKY HLX AIR TURQUOISE THOMSONFLY MYAIR SKY EUROPE FLYGLOBESPAN WINDJET AIR BERLIN MY TRAVEL LITE GERMANIA XP SMARTWINGS STERLING EVOLAVIA BUDGETAIR

Vols par semaine (moyenne)

cost et des réseaux des compagnies nationales en Europe188 : les premiers ne se développent que très marginalement au détriment des secondes, qui ont su par ailleurs saturer les aéroports où elles ont des positions dominantes et jouer avec un certain succès de l’arme de la fréquence.

Un second constat est que la convergence des stratégies observées entre les compagnies

low cost et les compagnies nationales aux États-Unis est quant à elle source d’une

véritable concurrence, les premières étant avantagées par l’adoption initiale d’un modèle économique et d’une stratégie de localisation les rendant très compétitives. Les secondes sont condamnées à se réformer profondément pour le demeurer, ce qui leur pose d’importants problèmes financiers et sociaux, aggravés par la crise qui sévit dans le secteur depuis 2001 et qui tarde à se résorber. D’où les déficits abyssaux qui ont pu être enregistrés : sur l’exercice 2004, l’ensemble des « majors » nord-américaines avaient cumulé 9 milliards de dollars de pertes. À titre de comparaison, les compagnies régulières européennes avaient globalement gagné 1,4 milliards de dollars la même année. Le redressement se confirme en 2006, mais l’IATA fait encore état d’un endettement cumulé du secteur de 200 milliards de $, dont une large part est due aux compagnies américaines classiques.

5.3. Des régularités moins aisées à dégager dans le domaine