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Des effets d’anticipation de la part des compagnies en place

Bibliographie du chapitre 5

Chapitre 6 : Déréglementation et territoires, gagnants et perdants

6.1. Déréglementation aérienne et territoires : des effets très contrastés

6.1.2. Des effets d’anticipation de la part des compagnies en place

Il s’agit ici de rechercher les réactions des compagnies classiques confrontées à l’imminence de l’ouverture d’un marché qu’elles dominaient presque complètement. On peut partir de l’hypothèse, suivant en cela la théorie des marchés contestables déjà évoquée, qu’elles n’ont pas attendu que la concurrence se concrétise pour agir dans plusieurs sens :

-rationaliser leur réseau (fermetures par anticipation de dessertes trop faiblement rentables ou trop fragiles, mais aussi renforcement des lignes les plus prometteuses), -assurer leur position dominante sur leur(s) plaques tournantes, de façon à éviter une intrusion trop massive des nouveaux entrants, parfois avec la complicité active ou passive des gestionnaires d’aéroports et des pouvoirs publics,

-s’assurer de la fidélité de leurs partenaires aériens : franchisés, sous-traitants, co-traitants. Le développement des grandes alliances aériennes stratégiques entre également dans cette catégorie.

Une fois le marché ouvert, des ajustements ont pu avoir lieu, de façon à contrer les attaques des concurrents. Ensuite, tout dépend du rapport de forces qui a pu s’établir entre les exploitants préexistants et le nouveaux entrants : les postures des premiers sont offensives si la concurrence peine à s’implanter (cas d’Air France sur son marché intérieur), ou défensives si leur position s’effrite. Nous avons même pu rapporter des comportements quasi-suicidaires dans le cas du marché américain, à l’image du développement trop tardif de TWA ou de Pan Am sur un marché intérieur trop longtemps délaissé, mais aussi dans le cadre européen avec la funeste « stratégie du chasseur » adoptée par le groupe Swissair.

Nous nous intéresserons ici plus particulièrement aux réactions relatives à la contexture des réseaux, susceptibles d’avoir des impacts territoriaux.

6.1.2.1. Le choc frontal des stratégies n’a pas eu lieu...

Nous avons déjà eu l’occasion de rendre compte de la position assez peu teintée d’inquiétude des compagnies classiques vis-à-vis du développement de nouveaux entrants très virulents, mais finalement assez peu dangereux dans la mesure où ils n’affrontent pas directement les marchés les plus juteux : le long courrier en premier lieu, sur lequel s’effectuent les marges les plus importantes, mais aussi les trafics touchant les aéroports principaux des grandes métropoles.

Cette stratégie n’est pas forcément volontaire : les nouveaux entrants ont dû tenir compte des contraintes physiques des infrastructures219, mais certains d’entre eux ne souhaitaient pas d’emblée atterrir dans les mêmes aéroports que leurs puissants concurrents généralistes. C’est ce que l’on a qualifié pour partie de « modèle Southwest », en référence au grand aîné américain, modèle adopté par la plupart des compagnies post-déréglementation aux États-Unis. Ce n’est qu’après la consolidation du marché et la chute d’un certain nombre de compétiteurs que des entorses à la règle de départ ont pu être admises, la nature ayant horreur du vide...

L’expérience prouve qu’il est difficile à deux opérateurs de faire cohabiter leurs hubs sur le même aéroport. Ainsi que nous l’avons relaté dans le chapitre 2, Eastern Airlines n’a pas résisté à son concurrent Delta, nettement mieux positionné sur la même plate-forme d’Atlanta. De la même façon, la cohabitation entre la défunte Sabena, puis SN Brussels Airlines et le nouvel entrant Virgin Express sur la plate-forme de Bruxelles National ne pouvait pas être éternelle. Elle s’est conclue fin 2006 par la fusion entre les deux transporteurs qui étaient de taille comparable220, et dont les réseaux présentaient finalement assez peu de redondances221. Il paraît donc naturel de développer ses activités sur une base saine, hors la présence d’un compétiteur déjà implanté, susceptible de conclure une alliance avec le gestionnaire d’aéroport ou les prestataires au sol locaux contre le nouvel entrant. Etre seul ou dominant sur un aéroport présente en outre l’avantage d’intéresser les acteurs politiques et économiques locaux à son destin. On a ainsi vu Régional Airlines se faire construire par la CCI de Clermont-Ferrand et les collectivités territoriales une aérogare parfaitement adaptée à la fonction de hub pour petits et moyens flux qui avait été assignée à la plate-forme222. Parallèlement, Air France parvient, non sans frictions, à obtenir d’Aéroports de Paris des installations convenant à ses ambitions de développement à Roissy – CDG. En témoigne la récente réalisation du satellite S3 destiné au traitement des flux les plus importants qui seront acheminés par les nouveaux A 380 de la compagnie.

Les compagnies low cost ont repris cette stratégie, mais en imposant aux aéroports qu’elles souhaitent investir d’autres exigences : les coûts de stationnement et de traitement les plus faibles, quitte à offrir aux voyageurs des installations spartiates et à

219 Voir infra, chapitre 7.

220 La SN Brussels Airlines de 2004 n’alignait plus que 40 % de la flotte de la Sabena en fin de vie : 38 appareils contre 91. Le nombre de destinations avait été divisé par deux (52 contre 98) et les kilomètres produits avaient été divisés par trois du fait de l’impact de l’abandon de nombreuses liaisons intercontinentales.

221 « La carte des destinations montre une évidente répartition des rôles : à Virgin les destinations les plus

touristiques (Faro, Malaga, Catane, mais aussi Lisbonne ou Athènes), à SNBA les destinations plus professionnelles (Francfort, Londres, Munich, ...), et aux deux compagnies une partie des destinations mixtes (Madrid, Milan, Rome). » (Dobruzskes, 2007, p. 196).

222 Le coût total de l’investissement (en FRF 1998) est de 112,6 millions de FRF (17,165 millions d’Euros), répartis de la manière suivante : CCI = 21,2 %, conseil régional d’Auvergne = 20,8 %, conseil général du Puy-de-Dôme = 20,8 %, Clermont Communauté = 20,8 %, Union européenne = 14,9 % et État = 1,5 %. L’Aviation civile a pour sa part effectué 50 millions de FRF de travaux (7,62 millions d’€) pour moderniser le contrôle du trafic aérien local.

faible contenu technologique223, des temps de roulage et de traitement au sol compétitifs (moins l’avion reste au sol, plus il est rentable), et dans certains cas un soutien financier direct.

La concurrence devient alors majoritairement indirecte, même si quelques combats frontaux peuvent être observés, notamment sur les marchés britannique, scandinave et allemand. Sur le marché français, seul Easyjet se positionne face à Air France, mais sur un nombre limité de liaisons et avec des fréquences peu comparables. En pratique, seuls Toulouse et Nice sont desservis au départ des deux aéroports parisiens. À l’échelle européenne, Easyjet dessert à partir de ces deux aéroports Berlin, Genève, Barcelone, Madrid, Lisbonne, quatre destinations italiennes et sept villes du Royaume-Uni. Soit les fréquences sont inférieures à celles offertes par les compagnies nationales sur ces mêmes itinéraires, soit il s’agit de relations originales sur lesquelles Easyjet se retrouve quasiment seule comme Paris – Naples (un seul vol direct Air France mal positionné et aucun vol d’Alitalia) ou Paris – Belfast. En revanche, Easyjet comme Ryanair et d’autres compagnies de plus petite taille offrent des débouchés extérieurs à de nombreuses villes de la province française parfois ignorées par la compagnie nationale ou ses filiales régionales.

C’est sur le plan de la diversité et de l’originalité que les nouveaux entrants se distinguent, à commencer par une véritable course aux ouvertures de lignes, ainsi qu’en témoigne le programme de créations de la seule compagnie Easyjet (tableau 6.12) : pas moins de 73 au total, dont très peu viennent concurrencer des liaisons déjà assurées par des compagnies classiques. On voit que la compagnie a développé pour la seule année 2007 une nouvelle base à Madrid, et qu’elle a renforcé ses autres bases, notamment Genève, Londres Gatwick, Bâle-Mulhouse, Edimbourg, etc.

Easyjet a en outre annoncé à la fin du mois de septembre 2007 la concentration de ses activités parisiennes sur Roissy, qui sera élevé au rang de base, et le développement d’une nouvelle base à Lyon Saint-Éxupéry. Le marché français devient donc important pour la compagnie, ce qui semble augurer d’une nouvelle dimension de la concurrence avec Air France même si, nous allons le voir, ce n’est pas sur le terrain des fréquences qu’Easyjet se battra.

223 On se situe à rebours de la « pente naturelle » des gestionnaires d’aéroports, toujours prompts à montrer qu’ils n’ont raté aucune révolution technologique ou organisationnelle.

Tableau 6.12. Le programme d’ouvertures de lignes d’Easyjet pour la seule année 2007 (source : site Internet du transporteur)

Date

d’ouverture Liaisons d’ouverture Date Liaison

15/02/2007 Madrid - Asturias

Madrid - La Corogne

18/09/2007 Edimbourg - Paris (CDG)

Milan Malpensa - Bucarest Londres Luton - Zurich 22-25/02/2007 Madrid - Casablanca

Madrid - Marrakech Madrid - Rome Madrid - Toulouse Madrid - Edimbourg

01-05/10/2007 Londres Gatwick - Gdansk Londres Gatwick - Lisbonne Milan Malpensa - Bari Londres Gatwick - Cracovie Milan Malpensa - Barcelone 30-31/03/2007 Newcastle - Cracovie

Bristol - Bordeaux 30-31/10/2007 Madrid - Palma (Majorque) Londres Gatwick - Bucarest

Londres Luton - Vienne Londres Stansted - Funchal Bristol - Funchal

Edimbourg - Cracovie Glasgow - Paris CDG Lyon - Barcelone Madrid - Bucarest

Milan Malpensa - Cagliari Bâle-Mulhouse - Marrakech Bâle-Mulhouse - Porto Belfast - Gdansk Bristol - Gdansk Edimbourg - Gdansk Genève - Marrakech Bournemouth - Cracovie Bristol - Lisbonne Milan Malpensa - Olbia 03-04/04/2007 Londres Gatwick - Pise

Edimbourg - Munich

24/04/2007 Bristol - Milan Malpensa

Belfast - Cracovie 04-05/05/2007 Paris (ORY) - Athènes

Edimbourg – Palma de Majorque Londres Luton - Ibiza

11/05/2007 Berlin (Schönefeld) - Venise

Berlin (Schönefeld) - Lisbonne

21/05/2007 Milan Malpensa - Edimbourg

30-31/05/2007 Dortmund - Edimbourg Dortmund - Thessalonique 16-18/06/2007 Glasgow - Ibiza

Londres Gatwick - Palerme

01-16/11/2007 Belfast - Prague Belfast - Venise Madrid - Paris CDG Liverpool - Lisbonne Belfast - Barcelone Nice - Bruxelles

Londres Gatwick - Sofia Milan Malpensa - Marrakech

29/06/2007 Bâle-Mulhouse - Olbia Genève - Bordeaux Genève - Bruxelles Genève - Cagliari Genève - Porto 07-16/07/2007 Belfast - Ibiza

Milan Malpensa - Catane Bristol - Ibiza

Newcastle - Mahon

Londres Gatwick - La Rochelle

13-22/12/2007 Bournemouth - Grenoble Birmingham - Genève Bristol - Innsbruck

Londres Gatwick - Innsbruck Birmingham - Grenoble

Ce foisonnement fascine l’observateur habitué à la gestion beaucoup plus malthusienne des compagnies classiques, mais ne se traduit pas, du moins pour l’instant, par une baisse inquiétante de la rentabilité des compagnies qui le suscitent. Rares sont les fermetures qui peuvent intervenir au bout d’un laps de temps plus ou moins important. L’essentiel des disparitions de lignes semble être pour l’instant provoqué par la disparition des opérateurs eux-mêmes ou leur rachat, mais seul un suivi régulier des dessertes permettra de mesurer la longévité moyenne des lignes et leur taux de mortalité.

6.1.2.2. Fréquence vs. tarifs : la carte maîtresse des compagnies en place

Lorsque des concurrences frontales se sont manifestées, notamment à l’ouverture du marché, les nouveaux entrants ont mené des politiques de prix agressives pour capter le plus rapidement un volume substantiel de clientèle. Tous n’avaient pas été conçus selon le modèle économique des low costs, et les guerres des prix initiales n’ont pas duré très longtemps.

Dans le cas français, c’est la ligne Paris – Toulouse qui a été le théâtre des affrontements les plus violents : La première phase de concurrence, très exacerbée, qui est intervenue dans la première année (1995), a été brève et s’est traduite par le retrait d’un compétiteur (Euralair) et la quasi-faillite de trois autres (Air Liberté, TAT et AOM) qui ont dû s’adosser en urgence, pour les deux premiers à British Airways et pour le dernier au Crédit Lyonnais, puis à SAir Group. Si les nouveaux entrants, à l’exception d’AOM, ont construit leur stratégie de conquête du marché sur une guerre des prix qu’ils n’avaient pas les moyens de mener très longtemps, Air Inter puis Air France ont réagi en offrant davantage de fréquence, ce que leur permettait leur situation de transporteur déjà en place, titulaire de la majorité des créneaux des aéroports parisiens224. Il leur a suffi de réorienter des créneaux de décollage de lignes moins intéressantes vers les axes les plus convoités par la concurrence. Des fermetures limitées ont permis de créer les trois Navettes vers Toulouse, Nice et Marseille.

La compagnie nationale avait fait le pari –réussi- d’une focalisation sur la clientèle d’affaires, soucieuse de voyager dans des conditions de souplesse maximale, la question des prix n’étant pas jugée cruciale (les déplacements sont remboursés, voire payés directement par les employeurs). Or, avec 4 à 6 vols par jour et par sens, les nouveaux entrants pouvaient difficilement offrir de la souplesse. Leurs tarifs très bas, et d’autant plus réduits que la réservation se faisait en avance, attiraient des candidats au voyage peu sensibles au temps et ayant une faible propension à modifier leurs horaires une fois leur réservation effectuée. Il y avait donc une très faible capacité résiduelle commercialisable en dernière minute. Il était par conséquent difficile d’anticiper son retour (cas de figure courant) ou de le retarder. En revanche, il y avait toujours de la place sur la Navette, et toujours un départ dans l’heure, ce qui générait une grande fluidité.

La concurrence s’effectuant dans des conditions inégales, les nouveaux entrants ont dû jeter l’éponge et de nombreuses lignes se sont retrouvées dès 2002 avec un seul opérateur (cf. tableau 6.13).

Tableau 6.13. Trois états de la compétition dans le ciel français (source : Zembri, 2007)

Lignes Compétiteurs en 1996 Compétiteurs en 2000 Compétiteurs en 2003

Paris - Nice Air Inter, AOM, Air Liberté Air France, AOM, Air

Liberté Air Aeris* France, EasyJet,

Paris - Marseille Air Inter, AOM, TAT Air France, AOM Air France, EasyJet*

Paris - Toulouse Air Inter, Air Liberté,

Euralair, TAT Air France, Air Liberté Air France, Aeris**

Paris - Bordeaux Air Inter, Air Liberté Air France, Air Liberté Air France

Paris - Montpellier Air Inter, AOM, Air Liberté Air France, Air Liberté Air France

Paris - Strasbourg Air Inter, Air Liberté Air France Air France

* : début des opérations en juillet 2003 ; ** : début des opérations en juin 2003 (et fin en novembre 2003 !) Dans le cas français, le développement de la grande vitesse ferroviaire a constitué l’autre mâchoire de la tenaille dans laquelle ces nouveaux compétiteurs aériens se sont trouvés coincés : seules les destinations à plus de trois heures de TGV restent pour l’instant attractives. Easyjet a fini par jeter l’éponge en 2006 sur Paris – Marseille, suite au

224 La déréglementation ne s’est pas accompagnée d’une remise en cause des droits acquis en vertu de la règle dite “ du grand-père ” : on ne peut déposséder une compagnie de ses créneaux de décollage. Les nouveaux entrants ont dû se contenter des créneaux subsistants dans un contexte de quasi-saturation des aéroports parisiens. Ils n’ont donc pu jouer sur la fréquence alors qu’Air France pouvait réaffecter des créneaux libérés par l’abandon d’un petit nombre de lignes (Orly – Perpignan, Orly – Toulon et Orly – Nantes) courant 1996.

lancement par la SNCF de TGV « low cost » baptisés IDTGV225. En 2007, on ne trouve donc de la concurrence limitée que sur Paris – Nice et Paris – Toulouse.

On retrouve un cas de figure similaire lorsque subsiste désormais en face de la compagnie nationale un opérateur à bas prix. Les différentiels de fréquence restent importants pour les mêmes raisons : les créneaux disponibles sont rares et ne permettent pas de produire une offre fréquente. En outre, depuis le début de la compétition, les compagnies classiques ont appris à offrir une plus grande variété de tarifs selon la « souplesse » de la clientèle : certaines catégories tarifaires se rapprochent fortement des prix pratiqués par les low costs. On peut donc selon la même logique (plus tôt on réserve, moins le prix est élevé) obtenir des tarifs et des niveaux de prestation comparables chez l’ensemble des compétiteurs. On notera une certaine convergence des niveaux de prestations avec : -l’abandon des collations gratuites servies à bord des vols court- et moyen-courrier des compagnies classiques (Iberia a lancé le mouvement en 2004, suivie assez rapidement par Air France), ce qui a permis une réduction des équipages ;

-une grande inventivité de part et d’autre pour inventer des coûts de prestations annexes transformant le prix affiché en pur appât : frais de paiement par carte, frais de bagages, frais d’embarquement prioritaire pour les low costs, frais de service, surcharges carburant pour les compagnies classiques. Les autorités européennes de régulation ont dû imposer l’affichage de prix TTC dans les publicités ;

-une tendance lourde au ticketless : plus de support papier pour la billetterie et suppression progressive des cartes d’embarquement.

Il y a donc percolation des méthodes et pratiques des uns chez les autres, ce qui a permis d’une certaine façon aux compagnies classiques de rester dans la course tout en profitant d’une segmentation plus élaborée de leur clientèle pour conserver la source majeure de revenus constituée par les billets des voyageurs dits à haute contribution. Les compagnies à bas prix nord-américaines, en renonçant partiellement au point à point, en offrant des fréquences plus élevées que leurs consœurs européennes et en élaborant des services et avantages propres à attirer la clientèle d’affaires (programmes de fidélisation, espaces dédiés à bord des avions) ont mieux réussi à concurrencer sur ce segment de clientèle les compagnies préexistantes.

6.1.2.3. Les créations de filiales imitant les compagnies à bas prix : des

résultats à ce jour peu convaincants

Si les pratiques et méthodes des low costs ont pu être partiellement récupérées à leur profit par les compagnies en place, qu’il est désormais difficile de qualifier comme il y a quelques années de compagnies full service, il est une stratégie qui n’a jusqu’ici pas payé pour ces dernières : celle de créer une filiale low cost.

Ce choix d’affronter les nouveaux entrants les plus agressifs sur leur terrain nécessitait d’adopter un modèle économique et un mode d’organisation en tout points similaires, avec entre autres des avions neufs (donc peu coûteux en entretien), des équipages jeunes recrutés dès le départ pour être polyvalents, payés moins cher que les personnels navigants des compagnies classiques et acceptant des journées de travail plus denses, etc. Plusieurs compagnies européennes se sont lancées dans la création de filiales à bas prix : British Airways avec Go, KLM avec Buzz, SAS avec Snowflake. Aux Etats-Unis, United Airlines en avait fait de même avec Ted. Ces compagnies de première génération n’étaient

225 Il s’agit d’une rame de 1000 places (Duplex) entièrement commercialisée par Internet selon une logique de Yield Management pur, qui est produite au coût marginal dans la mesure où elle est attelée à une rame du service courant et où il n’y a donc ni coûts supplémentaires de traction ni sillon spécifique. Des ID TGV tournent également sur Paris – Béziers et Paris – Bordeaux – Toulouse.

pas créées comme d’authentiques low costs. Elles héritaient d’appareils anciens distraits de la flotte de leur maison-mère, de personnels détachés de cette dernière, peu enclins à adopter la polyvalence des tâches, et de pilotes bien décidés à ne pas voler davantage et à ne pas réduire leurs prétentions salariales.

Si on ne doit pas leur dénier un rôle de stimulateur non négligeable du marché, avec notamment des politiques de desserte originales comme celle de Buzz qui a été la première compagnie à « arroser » les petits aéroports français en provenance du Royaume-Uni, il leur était difficile de justifier des prix bas par une réelle réduction des coûts de production. Leur destin a donc rapidement été scellé avec, soit l’arrêt des exploitations, soit la revente à une authentique compagnie à bas prix. Buzz a été ainsi récupérée par Ryanair et Go par Easyjet. Les nouveaux propriétaires se sont empressés de mettre au rebut les avions anciens de leur acquisition et d’exiger un réel effort de productivité de la part de leur personnel, faiblement protégé par la réglementation britannique du travail226. En revanche, ils ont conservé l’essentiel des réseaux récupérés et ils ont mis la main sur un capital de créneaux non négligeable, en provenance indirecte des compagnies classiques qui avaient les meilleures raisons du monde de ne pas se départir de leurs possibilités de décollage et d’atterrissage sur les plates-formes les plus importantes.

Autre cas de figure assimilable à celui des filiales de compagnies classiques, la transformation de ces dernières en low cost est un cas rare dont la réussite n’est pas assurée. Sur le marché français, le dernier cas connu est la fuite en avant d’Air Liberté, après la chute du groupe Swissair, pour reconquérir des parts de marché face à Air France. Rebaptisée Air Lib, la compagnie espérait avec les mêmes appareils (anciens et coûteux en