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Une grande diversité dans les réformes entreprises

Bibliographie du chapitre 3

Chapitre 4 : Le développement des contrats et délégations de service public pour les services ferroviaires locaux et

4.1. Une grande diversité dans les réformes entreprises

Nous avons pris le parti de ne détailler les réformes que dans trois pays européens : la France, où le processus de régionalisation est indépendant de toute velléité d’ouverture du marché (il s’agit avant tout d’un transfert de compétences), l’Allemagne où le nombre d’acteurs opérant sur un marché partiellement ouvert est important, et la Suède où l’ouverture du marché est presque complète avec mise en appel d’offres de l’ensemble des services et une grande fluidité du marché.

Mais la diversité des situations est grande. Cela vaut à la fois pour l’ancienneté des réformes, leur ampleur, l’existence ou non d’opérateurs alternatifs, etc. Cette situation est conforme à un contexte européen où l’ouverture des marchés de transports de voyageurs à courte et à moyenne distance n’est toujours pas une obligation immédiate (l’élaboration du « paquet » de réformes correspondant est longue et délicate). Les plus hardis le font de façon volontaire et les plus timorés ne sont pas stigmatisés.

Dans le jeu d’acteurs qui s’est mis en place autour du transport régional, les opérateurs en place n’ont guère d’intérêt à se voir remis en cause sur des marchés captifs, où leur marge bénéficiaire est généralement importante. Les nouveaux entrants préfèrent le régime des délégations de service public, avec des subventions d’équilibre négociées et des clauses d’intéressement aux résultats, à des marchés complètement ouverts où ils exploiteraient à leurs seuls risques et périls, en concurrence ouverte les un avec les autres. Le marché du transport régional est donc réputé intéressant, même si la marge de manœuvre des exploitants par rapport aux autorités organisatrices peut être très restreinte et les contrôles de l’exécution des contrats tatillons.

153 On peut également se référer à la définition de l’UITP (Union internationale des transports publics) : services ferroviaires de passagers réguliers non-touristiques s’effectuant dans le cadre d’une entité politico-territoriale de taille supérieure à celle d’une agglomération et inférieure à celle d’un pays (ERRAC, 2006).

Régionalisation rime donc avec subvention, et on n’observe pas de cas de figure où ces dernières sont en baisse au fil du temps. Nous verrons plus loin que, dans le cas allemand, la subvention d’équilibre fédérale a été multipliée par un peu plus de deux pour s’établir aux alentours de 9,5 milliards d’€. Dans le cas français (3.2.2), c’est également un doublement de la subvention de l’État qui a été enregistré entre 1994 et 2003, les montants en jeu étant cependant plus modestes (on est passé de 767 millions à 1,5 milliard d’€). On notera au passage que ce sont les États dans les deux cas de figure évoqués ici, qui assurent l’essentiel du financement de services gérés par des collectivités de rang inférieur, ces dernières ne voyant pas leur part dans le financement excéder 50 % du coût des services.

Une étude récente commanditée par l’Union internationale des Transports publics (UITP)(ERRAC, 2006) permet d’avoir une vision globale de l’état d’avancement du processus de régionalisation en Europe. La situation est pour l’instant encore largement dominée par les grands opérateurs nationaux, qui emploient par exemple 85 % des salariés du secteur du transport ferroviaire régional. Ils conservent un quasi-monopole dans de nombreux pays : Belgique, Bulgarie, Croatie, Finlande, Irlande, Luxembourg, Roumanie, Slovénie, Turquie, France, etc. En revanche, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et le Royaume-Uni se caractérisent par la présence d’au moins 25 opérateurs.

Le chiffre d’affaires global généré par le transport régional est de l’ordre de 21,7 milliards d’€, ce qui correspond grosso modo au PIB du Luxembourg. Il est essentiellement généré par des réseaux à forte fréquentation et à prix du billet plutôt élevé comme l’Allemagne (7 milliards d’€ pour 1,74 milliard de passagers transportés, soit une recette moyenne de 4,02 € par voyageur) et la France (3 milliards de passagers, 1,250 milliard de recettes, recette moyenne de 2,40 €/voyageur) qui collectent presque la moitié de la recette globale. On est frappé ensuite par les disparités entre l’Italie et l’Espagne par exemple : à trafic équivalent (de l’ordre de 550 millions de passagers), elles génèrent respectivement un CA de 2,5 milliards d’€ (4,54 € / passager) et de 600 millions d’€ (1,09 € / passager) ! On imagine qu’il y a une marge de progression justifiée par la hausse récente du niveau de vie en Espagne. En revanche, il n’y en a aucune aux Pays-Bas, où la recette moyenne par passager est de l’ordre de 13,50 €. C’est peut-être le prix à payer pour une efficacité maximale du système, la tarification étant elle-même zonale et intermodale : la clientèle paye un ensemble de prestations largement supérieur à celles qu’elle utilise effectivement. Compte tenu d’un nombre total de passagers transportés voisin de 6,8 milliards, la recette moyenne de l’ensemble des pays européens s’établit à 3,19 € par passager transporté.

Le trafic est généré pour 44 % par deux pays seulement : l’Allemagne et la France. Les volumes ne sont pas strictement proportionnels, loin de là à la population totale, ainsi que le montre l’exploitation du ratio du nombre de voyages par habitant et par an (figure 3.21). C’est la Suisse qui domine largement les débats avec 49 voyages par an et par habitant, le Luxembourg (27 voyages/an/hab.) et l’Autriche (25 voyages/an/hab.) arrivant ensuite. La France et l’Allemagne sont à égalité en cinquième position, avec 21 voyages/an/habitant.

Figure 4.11. Nombre de voyages par habitant et par an en trafic régional (source : ERRAC, 2006, p. 18)

En termes de gestion et d’exploitation, 29 % des services régionaux ne sont pas séparés fonctionnellement et physiquement du reste des services ferroviaires nationaux. Une petite proportion de l’infrastructure utilisée par les services régionaux et locaux (8 %) appartient aux exploitants et non pas au gestionnaire national des infrastructures ferroviaires. Cela tient à l’histoire et aux modalités de classement des lignes dans le réseau national. Un certain nombre de compagnies ferroviaires allemandes non fédérales (NE) sont ainsi propriétaires de leurs infrastructures et font payer un droit de passage aux autres utilisateurs (dont la DBAG). En France, le réseau corse et le réseau des Chemins de fer de Provence ne font pas partie du Réseau ferré national. Ils sont en effet classés d’intérêt local et non d’intérêt national. La gestion des gares enfin est du ressort des opérateurs ferroviaires dans 84 % des cas sur un échantillon réduit à 99 compagnies, et de la responsabilité du gestionnaire d’infrastructures dans les autres cas.

L’importance du matériel roulant dans les contrats (il s’agit d’un investissement lourd, qui s’amortit sur trois décennies en règle générale) justifie que l’on donne quelques éléments d’information sur les parcs dédiés au transport régional (figure 3.22). On ne retrouve pas forcément la hiérarchie entre pays qui a pu être relevée pour les trafics et pour les usages, ce qui donne à penser que la productivité du matériel pourrait être largement améliorée dans certains réseaux : Italie et Pologne par exemple. Elle semble en revanche bonne sur le réseau français et excellente aux Pays-Bas.

Figure 4.12. Importance du parc de matériel roulant dédié aux services régionaux par pays (source : ERRAC, 2006, p. 23)

Le transport régional en Europe est très majoritairement régi par des contrats intégrant des obligations de service public (OSP). Ces derniers représentent 96 % des contrats conclus dans les pays de l’Europe des Quinze (avant l’élargissement de 2005), et 100 % des contrats dans les autres pays (nouveaux entrants, pays associés, pays candidats). On peut opérer des différenciations entre les pays où un seul niveau de collectivité passe un contrat avec les opérateurs et ceux où plusieurs niveaux de collectivités peuvent être impliqués. La palme de la complexité revient sans contestation possible à l’Allemagne où les Länder peuvent déléguer l’organisation de lots de transports à des communautés tarifaires de toutes tailles.

La mise en appel d’offres reste encore minoritaire, sauf dans l’Europe des Quinze où l’on frôle les 50 %, avec de fortes disparités entre pays. Cette part est de l’ordre de 20 % dans les dix nouveaux membres de l’UE, et est insignifiante ailleurs. C’est donc le gré à gré qui demeure encore la pratique la plus courante, bien que la tendance à moyen terme ne soit plus favorable à cette pratique. On notera toutefois que les deux types principaux de répartition des risques (transfert de l’ensemble des risques industriels et commerciaux sur

l’opérateur ou prise en charge du risque commercial par l’autorité délégatrice154) sont présents dans l’ensemble des contrats, quel que soit le mode d’attribution. La délégation de l’ensemble des risques (industriel et commercial) à l’opérateur est ainsi représentée dans 25 % des contrats passés sans appel d’offres.