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Une mondialisation croissante du marché au profit d’exploitants exclusivement européens

Soldes Bonus-Malus qualité en 2004

4.5. L’émergence d’un petit nombre d’opérateurs à l’échelle européenne, voire mondiale

4.5.2. Une mondialisation croissante du marché au profit d’exploitants exclusivement européens

La tendance générale, dans les années 1990 et 2000, est à l’ouverture des marchés d’un nombre croissant de pays, selon des modalités qui se situent entre le modèle anglais de franchises laissant une certaine latitude à l’exploitant avec en contrepartie un risque accru d’être remis en cause avant l’échéance et le modèle français de délégation de service public. On évolue progressivement vers des contrats plus originaux où le délégataire participe aux investissements lourds, ce qui conduit à allonger leur durée, assimilables par certains aspects aux PPP (partenariats publics privés) développés pour la construction et la gestion des grandes infrastructures. Les protagonistes du marché anglais qui ont eu pour stratégie de se déployer davantage à l’international ont pris une confortable avance, investissant des continents ne recelant quasiment aucun compétiteur sérieux comme

169 Il suffit pour s’en convaincre de visiter le site Internet de GoVia, où l’on trouve une page à la gloire de la SNCF et de son expertise (http://www.govia.info).

l’Amérique (du Nord comme du Sud), l’Océanie ou l’Asie171. L’Europe septentrionale, l’Allemagne puis l’Europe orientale constituent des terrains de choix, et l’ouverture progressive de marchés encore très fermés comme l’Italie ou la Chine offre des perspectives non négligeables. Nous avons pu constater précédemment que la plupart des opérateurs britanniques et le français Veolia Transport avaient repris des exploitations nord-américaines, dans les seuls secteurs ouverts à la concurrence : le transport scolaire (tous y sont présents), le transport adapté (Para Transit), et quelques contrats de DSP concernant du ferroviaire régional, pour l’instant chasse gardée de Veolia Transport (Los Angeles, Boston).

Figure 4.52. Classement des plus importants groupes de transport public de statut privé mondiaux par volume de chiffre d’affaires (source : comptes 2006 publiés par les entreprises)

L’ensemble des groupes cités précédemment font partie des premiers mondiaux à capitaux privés dans le secteur du transport. L’internationalisation de leurs activités a largement contribué à leur expansion, même si elle ne contribue pas pour la même proportion à leur chiffre d’affaires global. Une partie d’entre eux a tenté de développer une stratégie internationale d’une plus grande ampleur que les autres, et nous nous focaliserons sur leurs itinéraires : Veolia, Keolis, Transdev et Arriva. Certains pays les ont presque tous vu concourir et parfois cohabiter au sein de la même entité territoriale avec des contrats distincts. C’est notamment le cas de la Suède et de l’Australie (cf. encadré ci-dessous). National Express a pu donner l’impression d’en faire autant, en s’implantant notamment en Australie, avant de se raviser et de se recentrer sur le Royaume-Uni et l’Espagne.

Quand les grands groupes français cohabitent : les cas de Stockholm et de Melbourne

La toute-puissance des grands groupes français a pu se mesurer à deux occasions, lorsqu’ils ont pris le contrôle de l’ensemble des moyens de transport d’une agglomération donnée en remportant séparément des lots mis en appel d’offres.

Le cas de Stockholm constitue un exemple intéressant car il n’a pas été forcément favorable aux nouveaux entrants d’origine hexagonale. Le transporteur public régional SL (Stockholms Lokaltrafik) a été transformé en Autorité organisatrice mettant en appel d’offres différents lots : ensembles de lignes routières, métro et transport ferroviaire régional. Connex, déjà présent en Suède depuis le rachat de

171 À l’exception du Singapourien ComfortDelgro et des exploitants urbains de Hong-Kong, actifs sur le marché chinois, mais qui commencent à se développer dans la région (Malaisie) voire au-delà (ComfortDelgro est opérateur au Royaume-Uni et exploite 17 % du réseau londonien via sa filiale Metrolink).

0 1 2 3 4 5 6

First Group Veolia National

Express Keolis Arriva Stagecoach Go Ahead Comfort Delgro Transdev 5,476 4,957 3,737 2,59 2,559 2,32 2,165 2,053 1,002 C A 2 00 6 (m ill ia rd s d '€ )

l’autocariste Linjebuss AB en 1997 à l’issue de six années d’intense coopération, avait obtenu via cette filiale une partie du réseau de l’agglomération stockholmoise à l’occasion de ces appels d’offres. Linjebuss avait même mis un pied dans le secteur ferroviaire en obtenant en janvier 1998 la première délégation de service public portant sur une ligne de la périphérie de Stockholm. En 1999, Connex obtient en direct le contrat du métro de Stockholm, et prend le contrôle de l’exploitant Stockholm Tunelbanan. Il s’agit du premier métro privatisé d’une ville européenne. Le périmètre d’exploitation de la société comprend également trois lignes de tramway à créer. C’est aussi en 1999 que le consortium Citypendeln, constitué par VIA GTI (majoritaire), Go Ahead et BK Tåg, obtient à compter du 6 janvier 2000 le contrat des services ferroviaires régionaux de l’agglomération, au détriment des chemins de fer nationaux (SJ). La veille, un tiers des conducteurs refusent de quitter les SJ pour la nouvellle entité, ce qui provoque une pénurie insurmontable pour Citypendeln, dont le service sera longtemps dégradé, ce qui lui vaudra d’emblée une grande impopularité largement encouragée par les opposants politiques locaux à la libéralisation. Go Ahead se retire rapidement de la société au profit de VIA, qui se voit infliger un sévère avertissement assorti de pénalités financières par SL. Le service revient à un niveau satisfaisant en 2001. Courant 2002, Keolis rachète à SL après appel d’offres 60 % de l’opérateur public Busslink, ce qui lui confère 45 % du marché routier urbain de l’agglomération. Mais la position de Keolis n’est pas pour autant stabilisée puisqu’à la fin de l’année 2005, SL exclut Citypendeln de l’appel d’offres pour le renouvellement du contrat ferroviaire, au profit d’un consortium associant l’exploitant privé suédois Tågkompaniet (68 % du capital) aux SJ qui effectuent un retour discret sur ce réseau.

On peut donc considérer qu’entre 2002 et 2006, Veolia Transport et Keolis se seront partagé l’essentiel des transports de l’agglomération stockholmoise. Depuis la fin du contrat de Citypendeln, Keolis a perdu de l’importance, mais reste toujours présent sur le réseau de surface.

Le cas de Melbourne est assez similaire, les acteurs n’étant pour leur part pas tout à fait les mêmes. On retrouve CGEA Transport, implantée en Australie à partir de 1998 avec le contrat d’exploitation de l’ensemble des autobus urbains de Perth. Dès l’automne 1998, elle se retrouve pré-qualifiée sur quatre des cinq lots mis en appel d’offres pour reprendre les transports publics de l’agglomération de Melbourne. Finalement, elle en remporte un en juillet 1999 : le réseau ferroviaire régional « Hillside » (240 km de voies). National Express apparaît comme le grand gagnant avec trois lots : deux réseaux régionaux (Bayside et V. Line) et un lot de lignes de tramways (Swanston). Le dernier lot (Yarra Trams) échoit à Transdev, en partenariat avec une entreprise australienne de BTP (Transfield) et de la société d’ingénierie Egis, qui appartient également au groupe Caisse des Dépôts. Pour une première participation sur le continent australien, ce résultat constitue une divine surprise ! Mais des difficultés se font jour, essentiellement du fait que le réseau de tramways a été divisé artificiellement

en deux lots172. Les négociations avec l’autorité organisatrice sur la mise en site propre du réseau et

une meilleure priorité aux feux sont difficiles, ce qui rend la rentabilisation du réseau plus aléatoire. Transdev se démarque alors de son concurrent britannique en jouant la carte de la qualité : achat de nouveaux tramways modernes, certification ISO 14001, etc. Mais, si le chiffre d’affaires se développe, les résultats ne s’améliorent pas : le contrat s’avère structurellement déficitaire. Les choses sont pires pour National Express qui dégage trois fois plus de pertes annuelles (60 millions de AU$) en 2002. Une renégociation s’engage avec l’État de Victoria, au cours de laquelle National Express jette

l’éponge, passant par pertes et profits une caution de 180 millions d’€. Au 1er janvier 2003, les trois

lots dont il avait la charge repassent en régie directe en attendant un nouvel appel d’offres. À l’issue de ce dernier, en avril 2004, Connex et Transdev se partagent les trois lots en souffrance : l’intégralité du réseau de tramways revient à Transdev, qui peut désormais se proclamer plus important exploitant de tramways au monde, et l’intégralité du réseau ferroviaire d’agglomération échoit à Connex.

À nouveau, mais sans contestation comme à Stockholm, deux groupes français se partagent l’ensemble des transports d’une agglomération. Ils ont même créé une filiale commune (Metlink) pour gérer l’intermodalité tarifaire et le partage des recettes, et réussi à convaincre l’État de Victoria de la nécessité pour lui d’investir dans les infrastructures, dans une configuration « à la française ».

Les stratégies s’analysent à la fois dans le temps (quels choix successifs ont été effectués) et dans l’espace (y-a-t-il eu des continents et des pays privilégiés ?). Nous avons tenté de les relire a posteriori, en nous focalisant plus particulièrement sur le chemin de fer régional, mais sans ignorer que les choix dans ce domaine pouvaient découler d’une stratégie globale multimodale (ces opérateurs sont avant tout des opérateurs de transport

172 Les observateurs avisés pensent que cette division en deux lots avait pour seul but de comparer les performances des deux opérateurs avant de tout confier au meilleur...

public, quel que soit le mode offert), voire multi-métiers (Veolia Transport appartient à un groupe présent, outre les transports, dans l’énergie, l’eau et la propreté). On peut donc passer par l’urbain pur, voire par la propreté ou l’eau, pour parvenir à décrocher des contrats ferroviaires...