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Les aéroports desservis et les compagnies « low cost » autour du Bassin Méditérranéen : de nouveaux liens de dépendance ?

Bibliographie du chapitre 1

Chapitre 2 : La déréglementation du transport aérien

2.3. Le cas singulier des compagnies « low cost »

2.3.3. Une composante touristique éminente des dessertes des compagnies à bas prix européennes

2.3.3.2. Les aéroports desservis et les compagnies « low cost » autour du Bassin Méditérranéen : de nouveaux liens de dépendance ?

L’analyse des dessertes aéroport par aéroport met en évidence 28 destinations où aboutissent plus de 10 liens OD (figure 2.39). Ces dernières totalisent 649 des 863 liens de notre échantillon, ce qui montre une concentration géographique importante.

L’Espagne y est sans surprise le pays le plus représenté, avec notamment trois plates-formes qui attirent à elles seules 30 % des liens : Palma de Majorque, Malaga et Alicante. Nice arrive en quatrième position avec 35 liens, mais c’est le seul aéroport français présent au sein de ces 28 destinations. La Grèce et l’Italie se partagent l’essentiel du reste.

Si l’on s’intéresse à la diversité des dessertes en prenant pour critère le nombre de compagnies à bas prix touchant une plate-forme donnée, notre analyse met en évidence des situations de monopole ou de quasi-monopole d’une compagnie sur onze destinations. Nous entendons par là la présence d’une seule low cost ou sa domination écrasante (21 OD sur 22 sont par exemple assurées par Air Berlin à Las Palmas et à Rhodes) au sein de sa catégorie. Cela n’exclut pas une alternative charter ou régulière, mais les conséquences sur les rapports de force entre la compagnie à bas prix ultra-dominante et le gestionnaire d’aéroport peuvent être importantes. C’est le prix à payer pour bénéficier de dessertes directes avec une large sélection de villes des pays émetteurs, ce que ne permettait pas la trame antérieure de desserte par les compagnies nationales. Les îles Canaries n’étaient ainsi atteignables auparavant par vol régulier que via Madrid ou dans une moindre mesure via Barcelone, avec des temps de correspondance parfois importants. Il en était de même pour de nombreuses îles grecques, desservies exclusivement via Athènes.

Figure 2.39 : Les aéroports des régions mono-touristiques européennes les mieux desservis par les compagnies à bas prix en 2005

L’analyse de la place de l’offre low cost au sein de l’ensemble des dessertes touchant ces aéroports (tableau 2.39) montre une certaine diversité de situations. En pratique, un seul aéroport, Gérone, n’accueille en exclusivité que les vols de la compagnie Ryanair, ce qui lui confère un caractère de vulnérabilité marqué et de grande dépendance vis-à-vis du

0 1000 km

N

Légende :

Nombre de liens OD “low cost” touchant l’aéroport

74 54 47

30-35 20-2915-1910-14 Nombre de compagnies “low cost” assurant une

desserte régulière de l’aéroport

Situations de monopole ou de quasi-monopole (n’exclut pas une desserte par compagnies régulières ou charter)

11 - 16 5 - 10 2 - 4

Air Berlin Ryanair

Jersey Venise Pise Olbia Nice Girone Mahon Palma Catane Ibiza Palerme Corfou Thessalonique Kos Antalya Rhodes Heraklion Hurghada Valence Alicante Malaga Murcie Faro Jerez Tenerife Las Palmas Lanzarote Fuerteventura PZ-2006

partenaire aérien. Ce dernier est de surcroît connu pour l’importance de ses exigences financières vis-à-vis des plates-formes desservies.

Les autres offrent une alternative, soit sous forme de vols charters, soit sous forme de dessertes régulières par des compagnies classiques, avec une très nette prédominance des compagnies nationales sur des liaisons purement domestiques. En d’autres termes, l’offre à bas prix est une offre directe qui épargne les désagréments d’un changement sur une plate-forme de premier ou de second rang, et qui ne remplace que des liaisons charter qui étaient par essence bien plus irrégulières. Cela permet aux opérateurs locaux de bénéficier d’un flux de clientèle plus régulier dans le temps et de s’émanciper de la tutelle des grands tour-opérateurs (TUI, Condor, etc.) en accueillant des individuels ayant auto-organisé leur séjour par Internet.

Notre analyse, qui n’a porté que sur le nombre de liens OD offerts, gagnerait à être approfondie en mesurant l’ensemble de l’offre (places offertes, fréquences), ce qui constituerait un travail de compilation important qu’il n’a pas été jusqu’ici possible de réaliser. On peut trouver une approche globale, tous acteurs du marché confondus, dans la thèse de Frédéric Dobruzskes (2007, p. 244-246).

Tableau 2.39 : Poids des compagnies à bas prix dans l’ensemble des dessertes des aéroports lorsqu’elles sont en situation d’exclusivité dans leur catégorie (source : OAG)

Pays Destination Nombre

d’OD à bas prix

Nombre de Compagnies

à bas prix

OD assurées par des compagnies classiques OD à bas prix / ensemble des OD régulières (%) Domestiques Internationales Grèce HERAKLION 25 2 4 1 83,33

Espagne LAS PALMAS 22 2 14 10 47,83

Grèce RHODES 22 2 6 0 78,57

Espagne GERONE 20 1 0 0 100,00

Espagne FUERTEVENTURA 19 1 3 0 86,36

Espagne LANZAROTE 18 3 7 72,00

Espagne MAHON (Minorque) 17 4 9 0 65,38

Grèce KOS 16 1 1 0 94,12

Grèce CORFOU 14 1 1 0 93,33

Turquie ANTALYA 14 1 4 5 60,87

Egypte HURGHADA 10 1 2 0 83,33

Il serait également instructif d’analyser le jeu d’acteurs au niveau de chaque destination : les compagnies à bas prix, lorsqu’elles sont un opérateur majeur sur une plate-forme aéroportuaire, sont-elles en position de peser lourdement sur le fonctionnement du marché touristique local, et notamment sur les tarifs pratiqués dans la mesure où, de leur point de vue, l’ensemble des prestations associées (locations de voiture, hébergement, restauration, loisirs, etc.) doivent être également low cost ?

*

On peut considérer que l’apport principal des compagnies à bas prix aux espaces touristiques spécialisés est une diversification des clientèles. Le nombre de pays d’origine tend à augmenter, le nombre de villes d’origine au sein des pays émetteurs également. L’auto-organisation des séjours, grandement favorisée par l’usage intensif d’Internet, prend progressivement le pas sur les forfaits tout compris, vendus par des TO essentiellement localisés dans les pays émetteurs.

Cependant, il est à craindre que ne se reconstituent dans certaines circonstances des situations de quasi-monopoles susceptibles de nuire aux intérêts des acteurs touristiques locaux. La subordination vis-à-vis des tour-opérateurs peut être remplacée par la dépendance vis-à-vis d’un unique apporteur d’affaires, tenté de profiter de sa position en vendant au prix fort les liens qu’il met en place sur son site Internet ou les clients qu’il apporte. La ville catalane de Gérone, accès privilégié à la Costa Brava exclusivement desservi par Ryanair jusqu’en juin 2007, constitue un terrain qu’il serait intéressant d’explorer.