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Chapitre 5 – Espace de dialogue : un dispositif pour discuter des changements

4. EDD : un dispositif discutable

4.2. Un outil de discussion contestable

Après s’être focalisé sur le déroulement du dispositif dans le département DO, nous élargissons notre analyse à l’ensemble des 11 EDD (4 avec des cadres de proximité, 7 avec des agents) que nous avons animés et suivis dans six départements. Cela nous a permis de relever les points qui portent, selon nous, à questionnement.

4.2.1. Des objectifs pas toujours clairs

Comme nous l’avons vu, l’objectif du dispositif affiché par la direction générale est l’amélioration des conditions de vie au travail. Cependant, derrière celui-ci se cachent en réalité des enjeux de dialogue social, des enjeux syndicaux avec des mécanismes forts de revendication sur les conditions de travail que les six directions locales rencontrées interprètent à leur propre manière. En s’intéressant exclusivement aux dires des participants comme le propose le dispositif, ces directions ne savent souvent pas comment faire pour aboutir à partir de ces dires, propos plutôt généralisants, à des transformations réelles des situations de travail particulières. Le terme d’espace de dialogue ne présume en rien du dispositif, de ses objectifs et de sa méthodologie.

4.2.2. L’origine des facilitateurs qui modifie les discussions

Certains facilitateurs sont intervenus dans le département où ils exercent leur activité de travail. Cinq des onze binômes suivis avait effectivement des liens avec le département où se déroulaient les EDD, pouvant même connaitre personnellement certains participants pour avoir travaillé avec eux ou pour les avoir encadrés. Dans ces cas, une gêne se dégage souvent de la part des participants aux EDD qui restent sur leur réserve, mais aussi de la part des facilitateurs qui peuvent se mettre en retrait de la situation, allant jusqu’à créer un déséquilibre dans le binôme de facilitateurs. Par ailleurs, quelques directions locales ont eu des réactions vives à la lecture du relevé de dialogue et/ou lors de la restitution immédiate. Les facilitateurs se trouvent pris en tenaille entre les propos des participants et la direction. Nous constatons qu’il est plus facile de gérer ces relations si les facilitateurs n’ont pas de lien hiérarchique au

sein de la direction où se tient l’EDD. Ces derniers osent en effet faire remonter les propos de manière plus directe. De plus, lorsque l’un des deux facilitateurs du binôme a un niveau hiérarchique assez élevé, la direction locale accorde à ses dires souvent plus de poids, et la crédibilité du binôme peut s’en trouver plus facilement assurée.

4.2.3. Des participants qui se méfient souvent des EDD

La plupart des EDD réalisés soulève des questionnements des participants quant à l’intérêt réel et l’utilité d’un tel dispositif, dont le déroulement manque souvent de transparence pour les participants. Bien que certains participants assistent aux réunions en disposant du protocole de mise en œuvre d’un espace de dialogue, dans la plupart des cas, ils ne connaissent pas bien la démarche et ne sont pas vraiment conscients des attentes et des réponses que peut leur apporter un tel dispositif. Leur présence est alors due à un effet de curiosité ou à des incitations diverses comme « faire plaisir à notre chef de service » et les facilitateurs doivent souvent rassurer les participants. A la fin des réunions d’EDD, la plupart des participants relèvent la nécessité de discuter collectivement de leurs conditions de travail et certains remercient même les facilitateurs d’avoir pris le temps de les écouter.

4.2.4. Des directions inquiètes des propos pouvant être tenus

L’EDD est le premier outil mis à disposition dans cette administration qui garantit une discussion libre des participants et la fidélité du relevé de dialogue par rapport aux propos tenus. C’est pourquoi certaines directions locales ont quelques inquiétudes et craignent les éléments qui peuvent en sortir. Celles-ci ont parfois tendance à vouloir contenir ces échanges, soit en contournant le volontariat effectif de l’ensemble des agents (3 sur 6), soit en exerçant une pression sur le rôle des facilitateurs (1 sur 6). Après la tenue de chaque réunion, la restitution immédiate qui évoque l’ambiance générale de l’EDD et la présentation des points transverses pour lesquels il est demandé une amélioration, tient un rôle informationnel rassurant pour celles-ci.

4.2.5. Un contenu orienté des échanges

L’utilisation de la grille de relevé de dialogue centrée sur les risques psychosociaux (RPS) se questionne à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les six axes définis par le collège d’expertise en 2011 ont été construits dans un but statistique au niveau du territoire national. Cette logique quantitative se trouve ici confrontée à une utilisation décalée d’une logique qualitative

appliquée à des situations particulières de la DGFiP. Les objectifs poursuivis pouvant être contraires entrainent des confusions dans l’application d’une telle grille à des propos tenus.

Par ailleurs, cette grille est présentée aux participants en début de réunion comme trame de discussion, et les facilitateurs relancent les participants de manière à remplir entièrement les différents onglets. Ce remplissage ne permet pas de repérer les sujets plus sensibles que d’autres. Focalisée sur les RPS, cette grille ne permet pas non plus des discussions véritablement ouvertes, et encore moins des discussions sur l’activité. L’analyse qui peut en être faite est tronquée et ne porte pas sur le travail réel. Les participants d’un EDD, cadres comme agents, appartiennent souvent à plusieurs types de services (SIE, SIP, Trésorerie, etc.) mélangés lors des réunions. Malgré notre connaissance des différentes situations de travail, il est également quasiment impossible de distinguer le type de service dans les propos transcrits dans les relevés de dialogue, excepté lorsque les facilitateurs y font mention, ce qui crée un effet de généralisation des propos. Le caractère qualitatif est ainsi perdu et le dispositif perd en puissance pour transformer ensuite les situations de travail.

4.2.6. Une restitution immédiate qui surprend les participants

La restitution immédiate n’était pas mentionnée dans la première version du protocole de mise en place des EDD en 2011. Même si les facilitateurs la citent lors de la présentation du déroulement pendant la première réunion, les participants des 11 EDD suivis ont tous été surpris des mesures qui peuvent être prises par la direction avant la validation du relevé de dialogue, notamment des communications trop rapides des directions suite aux restitutions immédiates. Les cas relevés sont tous positifs, puisque les participants ont apprécié la réactivité des directions locales. Par exemple, une direction a résolu un problème matériel dans les 48 heures après la tenue de l’EDD, alors qu’il s’agissait pour les participants d’une demande résiduelle.

4.2.7. Des réponses apportées par la direction pas toujours adaptées aux situations

Bien que les participants soient conscients des faibles marges de manœuvre des directions locales, ils ont de réelles attentes, souvent orientées autour de l’organisation du travail. Les réponses des directions sont alors de deux types : des réponses aux allures de justification pour expliquer la situation et ses contraintes, et des réponses concrètes en vue d’améliorer le quotidien des services. Lorsque l’équipe de direction élargie ou pas (ex. présence des chefs de

service dont les agents ont participé à un EDD) a été impliquée dans la démarche de recherche puis de formulation des solutions, nous constatons que les solutions proposées sont souvent mieux acceptées par les participants de l’EDD lors de la seconde réunion.

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