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Chapitre 4 – Un croisement de méthodes pour accéder au travail des cadres de proximité

1. Terrains de recherche : des choix pour saisir la variabilité des situations de travail

1.1. Départements de taille différente : des spécificités de gestion

Nous supposons que la taille des départements a des conséquences diverses sur l’activité d’encadrement et le rapport au travail des équipes encadrées par les cadres de proximité :

Le nombre d’échelons hiérarchiques intermédiaires entre les cadres de proximité et les directeurs départementaux (ou directeurs régionaux) varie en fonction de la taille de la direction locale. Plus la direction est importante, plus le nombre de cadres en direction est élevé. Nous avons mené l’étude sur deux départements de taille très différente, le but étant de voir si ces aspects de direction à « taille humaine » versus « usine », selon les dires des cadres rencontrés, ont un impact sur la prescription du travail des cadres de proximité, leurs relations avec la hiérarchie et les agents encadrés, et leur façon de s’emparer des outils de gestion mis à leur disposition ou créés par eux-mêmes.

Les moyens mis à disposition, humains, financiers et techniques, sont différents en fonction de la taille de la direction locale. Cela a des conséquences sur le soutien technique reçu par les cadres de proximité et celui qu’ils sont en mesure d’assurer auprès des équipes qu’ils encadrent, que ce soit l’utilisation d’outils ou l’acquisition de connaissance métier.

La carte nationale des directions s’est achevée en 2012 avec la création de la direction des finances publiques de Mayotte, suite à sa départementalisation. Il y a aujourd’hui 101 directions régionales et départementales des finances publiques dans les départements de métropole et d’outre-mer, 3 directions locales des finances publiques pour les collectivités d’outre-mer, 10 directions spécialisées de contrôle fiscal (DirCoFi) et 2 directions spécialisées comptables.11 Nous avons focalisé notre recueil de données sur les directions régionales et départementales des finances publiques (DRFiP et DDFiP) car elles sont les plus représentées à la DGFiP de par leur nombre sur le territoire français. Suite à la fusion, dans chaque département, une Direction Départementale des Finances Publiques (DDFiP) a été créée, excepté lorsque le département est chef-lieu de la région. C’est alors une Direction Régionale des Finances Publiques (DRFiP) qui a été mise en place. Bien que DDFiP et DRFiP soient au

même niveau hiérarchique, les différences principales entre ces deux types de direction sont la taille du département et les moyens mobilisés. Pourtant, d’un département à l’autre, les caractéristiques des directions sont différentes. Le recueil a eu lieu dans plusieurs départements (cf. Tableau 4) pour capter cette variabilité.

Direction locale12 Classe13 Nombre d’agents

DO 4 450

RE 4 Moins de 500

RO 1 3400

DE 2 Entre 500 et 999

Tableau 4 : Catégorisation des départements dont sont issus les recueils de données

Des entretiens ont été menés dans les départements DE et RE. L’étude s’est ensuite principalement focalisée sur deux directions locales : la Direction Départementale des Finances Publiques (DDFiP) DO et la Direction Régionale des Finances Publiques (DRFiP) RO. Ces deux directions sont de taille différente. La DDFiP DO est de classe 4 (sur 4), soit l’une des plus petites directions au niveau national, en termes de nombre d’agents et de tissu économique. A l’inverse, la DRFiP RO fait partie des plus grosses directions (classe 1) selon ces critères de classe et de nombre d’agents.

1.2. SIE, SIP et Trésorerie : les services les plus représentés et bouleversés

Nous supposons que l’activité des cadres de proximité varie en fonction du type de service encadré, notamment :

Le type de public et la relation au public varie de manière inter service et intra service, même si tous les services étudiés assurent une activité dite « de service ». Les Services des Impôts des Entreprises (SIE) et Services des Impôts des Particuliers (SIP) assurent un travail de masse avec le calcul et le recouvrement des impôts des contribuables (particuliers et entreprises), alors que le cadre en secteur public local construit des partenariats avec les ordonnateurs (élus locaux et partenaires publics) en les conseillant, au-delà du fait de gérer leurs recettes et leurs dépenses. Certains services étudiés ne reçoivent qu’un seul des deux types de publics (SIP, SIE, Trésorerie

12Les noms des départements sont maintenus anonymes en conservant toutefois la distinction de taille des départements et le type de données récoltées. D pour direction Départementale ; R pour direction Régionale ; O pour les cadres rencontrés en Observations, auto confrontations et ateliers réflexifs ; E pour les cadres rencontrés en Entretiens.

13 Les départements sont divisés en quatre classes en fonction de leur taille en termes d’agents et de la richesse du tissu économique, allant de 1 pour ceux considérés les plus grands à 4 pour les plus petits.

Municipale, Paierie départementale), d’autres les deux (Trésorerie Mixte). Au sein d’un même type de public, l’accueil peut être différent en fonction de la demande de l’usager, mais aussi de plus en plus souvent de son agressivité.

La taille de l’équipe encadrée induit un mode de management plus ou moins près des personnes encadrées par le cadre de proximité. Plus l’équipe est petite, plus le cadre est proche géographiquement de ses agents, plus il les soutient en réalisant lui-même certaines tâches techniques à condition de les connaitre. Plus l’équipe est grande, plus il y a de relais intermédiaires entre le cadre et les agents encadrés, plus le cadre parait loin pour l’équipe.

Le positionnement géographique du service par rapport à la direction locale, par rapport aux autres services déconcentrés du département, modifie l’utilisation des moyens de communication. Les déplacements inter services des agents et des cadres sont souvent privilégiés pour rechercher des informations ou transférer des dossiers lorsque les services sont rassemblés dans les mêmes locaux. Il en est de même pour le positionnement géographique du bureau du cadre de proximité, soit au cœur du service ou au contraire excentré. Services Nombre de sites Répartition d’emploi Poste comptable Trésoreries Mixtes 1713 19% X Trésoreries Spécialisées 967 X Services des Impôts des Particuliers (SIP) 487 20% X Services des Impôts des Entreprises (SIE) 539 14% X

SIP-SIE 217 X

Conservations des hypothèques 354 Centres des Impôts Fonciers 205

Pôles de Recouvrement Spécialisé 104 X Centres Des Impôts 42

Centres Prélèvement Services 4

Tableau 5 : Répartition des services déconcentrés de la DGFiP au 1er janvier 2012

Les services déconcentrés couvrent plusieurs métiers en accueillant divers publics. Les services les plus représentés en termes de sites sur le territoire et de répartition d’emploi (cf. Tableau 5) sont les Trésoreries, les Services des Impôts des Particuliers et les Services des Impôts des Entreprises. Nous nous intéresserons plus particulièrement au travail des cadres de proximité qui pilotent la performance au quotidien dans ces trois types de service dont les

caractéristiques sont détaillées dans l’Annexe 5. A eux trois, ils représentent près de 80% des sites et 53% des emplois de la DGFiP. Il s’agit de postes comptables, c’est-à-dire que le cadre de proximité est un comptable public tenu responsable personnellement et pécuniairement. Ces trois types de services sont également ceux qui ont connu le plus de changements suite à la création de la DGFiP (cf. Chapitre 1). Pour comprendre les enjeux qui s’y jouent et leurs impacts au niveau des cadres de proximité, les encadrés ci-dessous détaillent les spécificités de ces trois types de services.

Depuis le 1er janvier 2006, le Service des Impôts des Entreprises (SIE) est l’interlocuteur unique des entreprises, des professions libérales, des artisans, des commerçants et des agriculteurs pour l’ensemble de leurs démarches fiscales, de la déclaration au paiement des impôts professionnels. Conformément à l’arrêté du 8 juin 2010, les Services des Impôts des Particuliers (SIP) concourent « à l’ensemble des missions d’assiette, de recouvrement, de contrôle et de contentieux afférentes aux impôts directs relevant du Trésor Public et aux sommes de toutes natures qui s’y rapportent, sans préjudice des compétences des autres services déconcentrés et à compétence nationale de la Direction Générale des Finances Publiques en matière fiscale ».

L’apparition des SIE et SIP dans le cadre de la fusion Direction Générale des Impôts (DGI) et Direction Générale de la Comptabilité Publique (DGCP) vise à répondre à l’un des quatre objectifs prioritaires de la création de la DGFiP celui de « mieux répondre aux attentes des usagers en leur offrant un guichet fiscal unique sur l’ensemble du territoire ». Ces deux types de services possèdent des processus de production « typiques » de l’activité de la DGFiP car ces activités significatives des opérations courantes à réaliser, comme le traitement des obligations déclaratives ou encore la gestion du contentieux, sont partagées par un grand nombre d’agents. Outre ces récentes réformes organisationnelles très profondes, ces deux types de service connaissent une profusion de changements techniques avec l’arrivée continuelle de notes de service.

Les trésoreries sont des services de proximité, dont le cœur de métier est de gérer des budgets, de

payer les dépenses engagées par les différents ordonnateurs que sont les collectivités locales, les syndicats de communes, ou encore les organismes publics, et d’encaisser les recettes émises. Certaines trésoreries sont municipales lorsque l’activité est dédiée aux municipalités, d’autres sont mixtes lorsqu’elles assurent cette fonction tout en réalisant du recouvrement d’impôts. D’autres encore sont spécialisées : les trésoreries hospitalières sont consacrées à la gestion d’un hôpital, les paieries départementales ont un ordonnateur unique qui est le conseil général. Avec la politique de réduction d’emplois, les trésoreries sont souvent des services de petite taille (excepté les paieries départementales), réparties sur l’ensemble du territoire français et rencontrent des difficultés à rester ouvertes pour les usagers. D’ailleurs, l’inquiétude des chefs de poste est la disparition à terme de ce service de proximité, les plus petites d’entre elles étant actuellement amenées à fusionner pour assurer un service de qualité.

Les services rencontrés dans le département RO font partie d’une direction régionale des finances publiques de classe 1 (plus de 2000 Agents). Ces services sont de dimension conséquente à la fois par la taille des agglomérations qu’ils gèrent et le nombre d’agents présents. Quatre des 6 services étudiés ont plus de 20 personnes. Pour répartir le travail, ces

services sont souvent divisés en plusieurs secteurs. Par exemple, les SIE et SIP observés dans RO comprennent tous cinq équipes de travail. Au contraire, 4 des 8 services étudiés dans le département de DO de classe 4 (moins de 500 agents) comprennent 10 personnes et moins. Alors que le plus gros service de RO est composé de 56 agents, le plus gros service de DO comprend 36 agents. Les villes gérées dans les services du département DO sont souvent plus petites mais plus nombreuses que dans les services du département RO.

Ces critères de sélection de taille de département et type de service nous ont poussés à intégrer à l’étude un service de direction locale afin de vérifier si les hypothèses énoncées ci-dessus pour les services déconcentrés sont également valides. Il s’agit d’un service de production au sein de la DRFiP RO, c’est-à-dire qu’il gère les dépenses et les recettes de trois ministères au niveau régional : ordonnateurs à fort pouvoir politique, sommes manipulées à enjeu important. Ce service est situé dans le même bâtiment que la direction régionale. Comme les autres cadres de proximité de l’étude, ce chef de service doit rendre compte des résultats de son service par des indicateurs, sa responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée. A la différence des comptables seuls dans leurs services, le poids de la hiérarchie est plus élevé puisque ce cadre travaille en collaboration directe avec son chef de division.

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