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Chapitre 1 – La Fonction Publique à la recherche d’un modèle de management

2. Pilotage par la performance : le choix d’une politique de gestion par indicateurs

2.1. La performance : une notion floue

Le choix managérial opéré par la DGFiP, le pilotage par la performance, pourrait laisser entendre que la définition de la performance est unique et acceptée par tous. Toutefois, la littérature abondante sur la performance révèle une absence de consensus tant sur sa définition que sur les critères de sa mesure.Etymologiquement, le mot performance est issu de l’anglais

to perform « réaliser », ce qui renvoie à l’accomplissement d’une action sans a priori sur la

nature, ni le niveau ou la mesure du résultat à obtenir, et Parformer de l’ancien français « parfaire » qui renvoie plutôt à l’idée de qualité. En management public et en science de l’administration, la performance se positionne sur un continuum avec d’un côté le pilotage par les résultats financiers quantitatifs, et de l’autre la conformité aux lois et choix politiques (Bartoli & al., 2011). But à poursuivre par le management public, la performance est devenue la promesse de l’ensemble des réformes de la Fonction Publique, avec dorénavant un mode de gouvernement par l’assujettissement de la décision politique à une logique de résultats (Ogien, 2012).

2.1.1. Une notion polysémique

Selon Pesqueux (2004), la performance est le résultat optimal à obtenir qui se décline différemment en fonction des sphères professionnelles. Bourguignon (1996) la considère comme une notion floue indissociable d’un système de valeurs à trois niveaux : le résultat par

le niveau d’atteinte de l’objectif, l’action par le processus traduisant la potentialité en réalisation, et le succès en fonction de l’ambition de l’objectif fixé et de la subjectivité du jugement. Pour Lorino (2003, p.5), « est performance dans l’entreprise tout ce qui, et seulement ce qui, contribue à atteindre les objectifs stratégiques et à améliorer le couple

valeur-coût ». Une organisation consomme des ressources, les coûts, pour répondre aux

besoins des clients en produisant une valeur. Longtemps réduite à cette dimension financière, la performance était définie comme « le résultat d’une organisation tel qu’on peut le lire dans

les états comptables et financiers traditionnels » (Cappelletti, 2010, p.41), où les actionnaires

imposent leurs objectifs de rentabilité sur les court et moyen termes, sans prendre en compte les coûts de santé. Pour les ergonomes, cette représentation n’est que partielle (Petit, 2005) : elle ne permet qu’une analyse a posteriori en termes financiers (Bourgeois & Hubault, 2005), en ne prenant en compte que le travail ayant une production directe et en excluant les temps indirectement productifs (Blazejewski & Hubault, 1999), pourtant nécessaires à la réalisation de l’activité.

Concernant l’atteinte des objectifs stratégiques, deux dimensions sont associées à la performance : le déroulement de l’action et son résultat (Lorino, 2003). La performance porte en même temps l’efficacité – capacité à réaliser les objectifs fixés –, et l’efficience – moyens mis en œuvre pour produire un résultat (La Villarmois, 2001 ; Santo & Verrier, 2007). L’accroissement de l’efficience s’explique par la maximisation de l’utilisation des ressources, soit en augmentant la production sans les coûts, soit en maintenant le niveau de production en réduisant les coûts. Barabel & Meier (2010) reconnaissent une définition naïve de la performance comme mesure objective de l’efficacité et/ou de l’efficience d’une action. Dans ce cas, il faut s’intéresser à la mesure des résultats obtenus rapportés aux moyens utilisés pour l’obtenir, puis relativiser cette mesure en fonction du contexte et du niveau de risques pris par rapport à un référentiel : il s’agit en quelque sorte de benchmarking (Dohou & Berland, 2007). Mais cette objectivité est impossible à maintenir, de par les choix des résultats à mesurer et des référentiels de comparaison, les modalités de calcul, tous subjectifs.

A ces différents modèles d’efficacité, Bourgeois (2002) ajoute le point de vue de la santé qu’elle soit physique, mentale, morale ou sociale, en observant le coût du travail sur la santé des opérateurs mais aussi ce que le travail apporte dans la construction de la santé. Du point de vue ergonomique, la dimension économique de la performance est à confronter avec ces aspects humains (Bourgeois & Hubault, 2005). En ce sens, selon Bourguignon (1996), la

performance est un construit social, alors que Quinn & Rohrbaugh (1983) la considèrent plutôt comme un construit de faits observables basés sur des objectifs rationnels, des processus internes, une ouverture vers l’extérieur de l’organisation et la valeur des ressources internes. Dans sa revue des travaux théoriques sur la performance, La Villarmois (2001) retrouve ces deux grandes dimensions qu’il oppose : une première objective et économique par un critère chiffré, et une seconde subjective et politique par un critère humain. En remettant en cause la conception singulière de la performance, cette analyse met l’accent sur la notion de construit social, négocié par l’organisation et les différents acteurs (Dohou & Berland, 2007).

2.1.2. Vers une performance organisationnelle aux contours variables

La prise en compte des objectifs divergents des différents acteurs a fait évoluer la notion de performance dans les organisations. Pour Barabel & Meier (2010), la performance organisationnelle a pour but de mesurer l’organisation dans son ensemble et de prendre en considération la capacité à satisfaire l’ensemble des acteurs. Dans cette perspective, une mesure simple de performance n’est plus possible, il faut plutôt analyser l’organisation au niveau des processus créant de la valeur, puis rechercher des indicateurs de performance complexes qui prennent en charge la multi-dimensionnalité.

La littérature actuelle reste confuse sur la notion de performance organisationnelle, et il semblerait que la performance globale ou encore durable y soit plus ou moins confondue. Cette notion de performance globale a émergé en Europe avec le développement durable et émane de « la déclinaison des principes du développement durable à l’échelle des entreprises

par le biais de la responsabilité sociétale » (p.2), en intégrant volontairement à la

performance économique, des dimensions sociales et environnementales (Dohou & Berland, 2007) : il faut à la fois produire bien et adopter un comportement éthique (Berland, 2010). Pourtant, l’éthique et la rationalité économique ne sont pas sur le même plan, ce qui crée des problèmes lorsqu’une organisation fait ses choix stratégiques en ignorant l’une ou l’autre. Pour La Villarmois (2001), la performance, pilier des systèmes, occupe une place centrale dans les mécanismes de contrôle : « il faut être performant partout et tout de suite » (Berland, 2010, p.12). Dohou & Berland (2007) notent que la notion de performance se diversifie et a un regain d’usage. Aujourd’hui, les organisations tentent de maintenir ensemble la dimension financière et les autres dimensions subjectives de la performance, en repositionnant

radicalement la gestion des ressources humaines au cœur de la constitution du travail (Hubault, 2005).

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