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Objectif et méthodologie

1. Questions de recherche et objectif

2.3. Le traitement des données

2.3.2. Typologie des approches éducatives de l’ERE

La deuxième typologie retenue permet de préciser les différentes catégories d’analyse suivantes : les approches éducatives. Nous estimons en effet que les formes de médiation environnementale rencontrées dans les musées dépendent en grande partie de la manière dont les acteurs muséaux conçoivent l’éducation et plus particulièrement l’ERE.

Parmi les nombreuses typologies des différentes orientations d’ERE (recensées entre autres par Sauvé, 1997 ; Guilbert et Gauthier, 1998-1999), nous avons choisi la typologie proposée par Robottom et Hart (1993). Ces auteurs ont en effet développé une typologie de l’ERE reposant sur les trois paradigmes qui ont influencé d’une manière décisive la recherche en éducation. L’exploitation de ces travaux par de nombreux auteurs (entre autres : Sauvé, 1997 ; Bader, 1998-1999 ; Guilbert et Gauthier, 1998-1999 ; Sauvé, 1998-1999 ; Liarakou, Flogaitis, 2000) témoigne de leur pertinence.

Ces auteurs estiment que les trois différentes orientations de la recherche en éducation (les paradigmes positiviste, interprétatif et critique) permettent de distinguer trois approches différentes d’ERE. En effet, les orientations de la recherche en éducation ont de profondes implications sur l’ERE (Robottom, Hart, 1993).

Observons à présent ces trois approches d’ERE proposées par Robottom et Hart (1993) afin d’en dégager une grille d’analyse.

L’approche interprétative, selon Robottom et Hart (1993), est centrée sur les relations, les rapports entre l’apprenant et l’environnement (rapport affectif, symbolique, cognitif etc.).

L’objectif est de développer un rapport étroit et une empathie avec l’environnement :

« developing a sens of close rapport and empathy with the environment. This empathy is concerned with developing an appreciation of the environment as an individual personal value rather than a preparation for a vocation of a particular kind » (Robottom, Hart, 1993).

Il s’agit donc de développer une appréciation et une compréhension de l’environnement à travers l’interaction, le contact direct entre l’apprenant et l’environnement étudié : « important understandings about relationships among living and non-living aspects of environments, and especially about relationships between humans and their environments, are best gained through a process of interaction between learners and the environment being studied, rather than through a process of detached study of an objectified environment in a way that assumes a separateness of student-as-researcher and environment-as-object» (Robottom, Hart, 1993).

La connaissance est issue du contact avec l’environnement, construite par l’apprenant et son experience personnelle, l’approche interprétative s’inscrivant en cela dans le constructivisme :

« knowledge (…) comprises the reconstruction of intersubjective meanings, the result of a dialogical process between the inquirer and what is encountered » (Robottom, Hart, 1993).

Dans l’approche interprétative, l’environnement est donc le milieu d’apprentissage : « the environment is used as a context for learning through interactive activities » (Robottom, Hart, 1993). L’approche interprétative rejoint donc les formes d’éducation dans et par l’environnement telles que décrites par Lucas (1980-1981).

En résumé, Robottom et Hart (1993) retiennent quatre caractéristiques de l’approche interprétative :

• « the best source of environmental knowledge is the environment itself, not the preordinate, systematic body of information found in textbooks and formal lectures, in which the abstract imaginings of researchers are presented as a collection of objective disciplinary truths ;

the best form of environmental inquiry is the experience gained through interaction with the environment rather then through detached logical deliberations about it ;

subject matters to be gained through this kind of interaction are empathetic insight, emotional commitment and understanding of particular environmental situations ;

the important outcome of environmental education is not the development of generalisable, systematic knowledge about the environment, but an increased capacity to act morally and effectively in preserving the environment ».

L’approche interprétative vise donc à développer une appréciation et une compréhension de l’environnement grâce à une interaction avec ce dernier. Il s’agit de favoriser la capacité à agir en faveur de cet environnement et que cette volonté d’agir devienne une valeur personnelle chez les individus. Le rapport à l’environnement rentre ici dans le domaine de l’éthique.

L’approche positiviste vise surtout l’acquisition de connaissances (« the development of knowledge ») et les changements de comportements (« shape human behaviour) vers un comportement civique responsable à l’égard de l’environnement (Robottom, Hart, 1993).

L’acquisition d’un savoir à propos de l’environnement s’inscrit dans la perspective d’une éducation au sujet de l’environnement (Lucas, 1980-1981) et correspond à la transmission d’information : « the knowledge part of environmental education can be termed « education about the environment »- there needs to be a continuing emphasis on the teaching of information about living and non-living components of natural and human-made systems of various kind, their interrelationships, and the skills for investigating those relationships » (Robottom, Hart, 1993).

L’autre objectif de l’approche positiviste est le changement de comportement, « the acquisition of responsible environmental behaviour », se référant ainsi au domaine de la psychologie sociale et behavioriste : « environmental education should refer to the fields of behavioural and social psychology for its authority in terms of pedagogical organisation and practice » (Robottom, Hart, 1993).

Dans l’approche positiviste, les connaissances sont issues des experts qui identifient les problèmes, développent des solutions et transmettent les pratiques à adopter : « identifying in advance a range of innovation problems, developing solutions to those problems by drawing on controlled empirical testing of strategies by evaluation experts, and disseminating those solutions through the hierarchical networks sustained by the central authorities themselves » (Robottom, Hart, 1993). En effet, dans le cadre d’une ERE positiviste, les experts scientifiques déterminent les objectifs comportementaux à transmettre : « the first task is to devise a universally agreed set of objectives for environmental education, and the second task is to translate these objectives into instructional reality (Hungerford, Volk, 1990).

Fortunately, a set of recognised and agreed-upon goals for environmental education curriculum exists (Hungerford, Peyton, Wilke, 1980). These goals have been validated by panels of experts and have subsequently been used throughout the world as a guide for curriculum development and research » (Robottom, Hart, 1993).

Dans cette perspective, le positivisme s’inscrit dans le courant culturel de la modernité : « la croyance au progrès associé à l’explosion du savoir scientifique et aux promesses de la technologie, (...) s’appuie sur une quête d’objectivité et sur la rationalité instrumentale pour légitimer le savoir et l’organiser en disciplines » (Sauvé, 2000). Le positivisme inscrit donc le rapport à l’environnement dans le domaine de l’efficacité technique et scientifique.

De plus, en axant l’action sur le changement des comportements, le positivisme s’inscrit dans l’idée que « la crise écologique est une crise de comportements mal adaptés » (Rooney, Larochelle, 1998-1999). D’un point de vue critique, Robottom et Hart (1993) soulignent que

« l’objectif de l’adoption d’un « comportement civique responsable » relève du courant éducationnel béhavioriste. Ils critiquent le cadre de référence déterministe du béhaviorisme qui consiste à influencer les comportements en intervenant sur des variables susceptibles d’être contrôlées. Selon ces auteurs, cette approche est incompatible avec une éducation relative à l’environnement axée sur l’autonomie et le développement d’une pensée critique » (Sauvé, 1997).

Enfin, le courant de la critique sociale vise, selon Robottom et Hart (1993) le développement d’un engagement dans l’action, individuellement et collectivement, afin d’améliorer l’environnement physique et social : « the development of a commitment to work, personnaly and cooperatively, for a better physical and social environment » (Robottom, Hart, 1993).

L’approche de la critique sociale repose principalement sur des processus d’investigation des réalités environnementales, sociales et éducationnelles qui posent problèmes, « the processes of investigating real environmental issues », dans le but de transformer ces dernières. Plus précisément, ces investigations et l’engagement dans l’action doivent se faire collectivement (« history shows that collective action is usually more productive than individual efforts in political struggles ») et en relation avec l’environnement proche (Robottom, Hart, 1993).

Les investigations doivent être critiques, c’est à dire que l’apprenant doit pouvoir développer une analyse critique des valeurs et des intérêts sous-jacents, rendant ainsi visible la nature conflictuelle des réalités environnementales : « uncover and make explicit the values and vested interests of the individuals and groups » (Robottom, Hart, 1993).

Dans cette perspective, les connaissances ne dérivent pas d’experts et d’enseignements bien organisés (approche positiviste), ni d’une interaction personnelle avec l’environnement (approche interprétative) mais des processus d’investigations menés sur des réalités environnementales proches et réelles : « this form of environmental education curriculum gains its authority not through reference to other (non-educationnal) disciplines such as biological science, geography, natural ressources management and behavioural and social

psychology ; its gains its authority from the strongly educative processes of collaborative, critical self-reflection within particular practical situations » (Robottom, Hart, 1993).

Le courant de la critique sociale s’apparente ainsi aux caractéristiques du courant culturel de la post-modernité qui de façon générale « adopte une posture épistémologique relativiste (qui tient compte de l’interaction sujet-objet), inductive, essentiellement critique et socio-constructiviste, qui reconnaît le caractère complexe, singulier et contextuel des objets de savoir ; l’épistémologie postmoderne valorise le dialogue de savoirs de divers types (scientifique, expérientiel, traditionnel, etc.) dont la discipline n’est plus le principe organisateur et dont le critère de validité est la pertinence en regard de la transformation des réalités qui posent problèmes » (Sauvé, 2000).

En résumé, l’ERE dans une perspective de critique sociale repose d’une part sur des investigations menées collectivement à propos de réalités environnementales, sociales et éducationnelles qui posent problèmes dans un environnement proche et d’autre part sur une transformation de ces réalités. Les investigations impliquent un processus d’analyse critique des valeurs et des intérêts sous-jacents, dont la présence caractérise la nature conflictuelle des questions environnementales. Le courant de la critique sociale inscrit donc le rapport à l’environnement dans le domaine de la critique et du changement social. En continuité avec ce que nous avons vu dans la première partie, c’est bien dans ce courant de la critique sociale que nous souhaitons orienter nos travaux, pour les raisons déjà évoquées précédemment.

Rappelons que les trois approches que nous venons de décrire sont à envisager en complémentarité, selon le contexte, la thématique abordée, la représentation de l’environnement associée etc. Ainsi ces approches ne s’excluent pas mutuellement, et on peut envisager dans une même activité des moments positivistes, interprétatifs ou encore critiques.

Par exemple, dans les objectifs ci-dessous qui caractérisent une activité liée à une représentation biocentrique de l’environnement, on retrouve des objectifs positivistes (connaissance) et des objectifs interprétatifs (attachement) : « développer un attachement au milieu naturel (…) par des activités sensorielles et une connaissance élémentaire du fonctionnement de la vie (…) par des activités axées sur des concepts écologiques (cycle de la matière, courant d’énergie, interdépendance des formes de vie etc…)» (Pruneau, 1992).

Pour avoir un aperçu global de ces trois approches, nous proposons un tableau résumant leurs principales caractéristiques, élaboré à partir d’une synthèse proposée par Robottom et Hart (1993).

Tableau n°4. Trois approches de l’ERE (Robottom et Hart, 1993, adapté par Fortin-Debart) Approche interprétative Approche positiviste Courant de la critique sociale

Objectifs Développer un rapport étroit avec l’environnement et

Origine du savoir Issu de l’expérience personnelle

Issu des experts Issu des investigations

Domaine De l’éthique De l’efficacité scientifique et technique

De la critique et du changement social

Quels sont alors les positionnements des représentants de musées ? Pour répondre à cette question, nous avons d’abord demandé aux représentants de musée quels étaient les objectifs qu’ils souhaitaient atteindre. Puis par l’intermédiaire d’une deuxième question, et afin de préciser et de confirmer les réponses à la question précédente, nous leur avons demandé quels rôles ils envisageaient pour le visiteur dans la problématique environnementale et quelles étaient les conséquences en terme de démarches pédagogiques. En effet, nous pensons que les objectifs sont liés au rôle que l’acteur éducatif envisage pour l’apprenant : s’il envisage l’apprenant comme un citoyen capable de faire des choix politiques, la démarche éducative

devra privilégier une approche sociale et politique des réalités environnementales. A l’inverse, si l’apprenant est perçu comme un individu qui doit essentiellement changer de comportements à partir des informations scientifiques diffusées, la démarche éducative va s’inscrire logiquement dans le courant positiviste.