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Problématique et axiologie de la recherche

3. Axiologie de la recherche

3.2. Les principaux choix épistémologiques

Notre recherche s’appuie sur deux types d’études : l’étude des représentations sociales des acteurs muséaux et l’étude de situations muséales particulières.

3.2.1. L’étude des représentations

Le principal choix épistémologique a été de centrer une partie de nos travaux sur la notion de représentations. Comme nous venons de le voir, nous avons en effet choisi d’analyser les représentations d’acteurs muséaux : les représentations de l’environnement, de la nature, des approches éducatives etc. Nous pensons que l’analyse des représentations des acteurs muséaux permet un éclairage des pratiques muséales. Vu l’importance des représentations dans nos travaux, nous souhaitons donc au préalable préciser quelques généralités sur les représentations et justifier ce choix épistémologique.

C’est dans le contexte anti-behavioriste qu’apparaît l’intérêt de la théorie des représentations :

« toutes nos expressions affectives, nos conduites, nos réponses corporelles et verbales sont des effets, non pas d’une excitation extérieure en tant que telle, mais de la représentation que nous en avons » (Moscovici, 1984). C’est en effet à Moscovici (1961, 1974) que l’on doit la réapparition du concept des représentations sociales, forgé tout d’abord par Durkheim (1878)19 sous le terme de représentations collectives.

A l’instar de Garnier et Sauvé, nous soulignons la pertinence de la théorie des représentations (Moscovici, 1961, 1984 ; Jodelet, 1999) lorsqu’on aborde les thématiques environnementales :

« la théorie des représentations sociales offre un éclairage particulier favorisant une meilleure compréhension des rapports entre la personne, le groupe social et l’environnement ; elle permet de mieux saisir les dynamiques sociales impliquées dans les enjeux environnementaux » (Garnier, Sauvé, 1998-1999).

19 Durkheim E., 1878, Représentation sociale et représentation collective, Revue métaphysique et sociale, Paris.

De nombreux auteurs ont ainsi montré, notamment dans le cadre de la psychologie de l’environnement, les liens qui existent entre la représentation et l’agir : « l’étude des représentations sociales s’avère des plus importantes en ERE en raison du lien dialectique qu’elles entretiennent avec l’agir » (Sow, 1998-1999). De plus, comme nous l’avons déjà souligné, « l’environnement est un objet social, voire essentiellement politique (politique : qui concerne les choses publiques). Il est donc objet de représentations sociales. Or, en tant que processus de décodage et grille de lecture de la réalité, les représentations orientent la communication sociale et servent de guide pour l’action » (Garnier, Sauvé, 1998-1999).

Pour insister sur l’importance de la prise en compte des représentations sociales, le recours au champ de l’éducation à la santé est intéressant. Par exemple, dans le domaine de la santé, comme celui de l’environnement, les représentations, les perceptions, les sentiments prennent souvent le dessus par rapport aux faits et aux données objectives : « according to the « Health Belief Model » the subjective perceptions of the situation rather than objective medical facts would influence the patient’s action » (Girault, Hargous, 1996).

Le risque et sa perception par les individus et la société illustre bien cette subjectivité et cette discordance entre les faits et leur perception, leur représentation. A titre d’illustration, les cas de mélanomes malins augmentent régulièrement, et les expositions solaires, les coups de soleil de l’enfance sont des facteurs de risques bien identifiés. Pourtant, malgré les campagnes de prévention sur les méfaits du soleil, ce risque est ignoré de la population. Parallèlement, une bonne partie de la population française arrête régulièrement de manger certains fromages lors d’annonces de cas de listériose alors que le risque reste faible. Cet exemple montre à quel point les comportements ne sont pas dictés par les faits, mais surtout par des représentations culturelles et sociales qui définissent ce qui est acceptable (CNRS, 1998, colloque « Risque et société »).

De manière plus précise, la représentation est définie comme « une forme de savoir pratique reliant un sujet à un objet » (Jodelet, 1999). Plus précisément, c’est « le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique. (...) La représentation est donc un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation » (Abric, 1999).

C’est donc « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. (...) On reconnaît généralement que les représentations sociales, en tant que systèmes d’interprétation régissent notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales » (Jodelet, 1999). Autrement dit, la représentation sociale « apparaît comme une vision fonctionnelle et normative permettant à l’individu de donner un sens à ses conduites, de comprendre la réalité au travers de son propre système de référence et de développer une activité d’assimilation et d’appropriation de cette réalité » (Abric, 1999). Les représentations sociales sont comme « des réalités préformées, des cadres d’interprétation du réel, de repérage pour l’action, des systèmes d’accueil des réalités nouvelles » (Jodelet, 1984).

Ce système d’interprétation repose sur l’organisation d’éléments divers : « éléments informatifs, cognitifs, idéologiques, normatifs, croyances, valeurs, attitudes, opinions, images, etc. » (Jodelet, 1999). La représentation sociale est donc un processus à la charnière du social, de l’affectif et du cognitif. Par ailleurs, deux dimensions sont donc impliquées dans le concept de représentations sociales : la dimension individuelle puisque la représentation « est déterminée par le sujet lui-même (son histoire, son vécu) » (Abric, 1999) et la dimension sociale car elle est également déterminée « par le système social et idéologique dans lequel il [l’individu] est inséré et, par la nature des liens que le sujet entretient avec ce système social » (Abric, 1999). C’est donc « à l’interface du psychologique et du social que nous plaçons la notion de représentation sociale » (Jodelet, 1984).

Derrière l’apparence consensuelle d’une définition des représentations, il apparaît que ce terme de représentation est utilisé dans des secteurs divers de sciences humaines, avec des sens souvent différents et flous (Flament, 1999). Par exemple, en didactique des sciences, de nombreuses études (notamment Giordan, Girault, Clément, 1994) ont montré le rôle des représentations comme système d’accueil du savoir, pouvant faire obstacle ou au contraire servir d’appui à l’apprentissage. Ici, la représentation prend le sens suivant de « déjà-là conceptuel qui, même s’il est faux sur le plan scientifique, sert de système d’explication efficace et fonctionnel pour l’apprenant » (Astolfi, Develay, 1989). C’est une image mentale (Clément, 1994). Les didacticiens proposent le terme de conception pour décrire cette forme de représentation. La conception se situe donc plus au niveau de l’individu, contrairement à la

représentation sociale, déterminée également par des liens sociaux, par une situation sociale, même si ces derniers éléments influencent les conceptions.

Les représentations sociales sont donc plus larges, englobant le sens de conception tel qu’il est utilisé en didactique, puisque Moscovici (1984) définit ainsi la représentation sociale : « une manière d’interpréter le monde et de penser notre réalité quotidienne, une forme de connaissance sociale. Et corrélativement, l’activité mentale déployée par les individus et les groupes pour fixer leur position par rapport à des situations, événements, objets et communications qui les concernent ». De plus, Clément (1994) rajoute qu’une situation d’enseignement implique non seulement les représentations vis à vis des savoirs mais aussi les représentations sociales sur la situation d’enseignement et ses acteurs, les élèves et les enseignants. Nous prendrons donc comme terme de référence les représentations, tout en considérant qu’elles englobent la conception telle qu’elle est définie en didactique.

Nous avons fait une rapide analyse des représentations sociales et il évident que le sujet est beaucoup plus complexe que cela. L’étude de leur structure, leur dynamique, leur transformation débouche sur des recherches spécifiques. Cependant, il était important pour la suite de notre recherche de clarifier ce concept souvent flou.

3.2.2. L’analyse de situations éducatives

Pour la dernière partie de notre recherche, nous n’analysons plus la médiation muséale à travers le prisme des représentations des acteurs muséaux. Nous avons choisi de décrire des situations muséales dans le but d’analyser les possibilités des musées de sciences à intégrer l’approche critique et de cerner les possibilités d’exploitation par les scolaires. Plus précisément, nous étudions des situations muséales qui offrent aux élèves visiteurs des situations d’apprentissage collectif. Dans cette perspective, nos travaux reposent sur une notion issue des sciences de l’éducation, la notion de conflit socio-cognitif. Nous analysons en effet la mise en place au sein des musées des situations d’apprentissage collectif, situations explorées dans le cadre de l’éducation formelle par Perret-Clermont (1979), Blaye (1989) et plus récemment par différents travaux menés au sein de l’INRP (Astolfi, Peterfalvi, etc.).

Cette recherche est donc centrée sur l’exploitation de situations éducatives par les groupes scolaires, le partenariat est quant à lui abordé dans une dernière partie consacrée à divers propositions concernant le partenariat école-musée pour une ERE.