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Analyse des discours des représentants de différentes institutions muséales françaises

3. Interprétation générale des résultats

3.1. Diversité des représentations et des thématiques

De manière synthétique, nous pouvons distinguer deux représentations largement privilégiées par les représentants des musées : l’écocentrisme et l’anthropocentrisme, alors que es représentations biocentriques et sociocentriques apparaissent peu dans les discours des représentants de musées, comme l’indique la figure suivante.

Figure 4. Les différentes représentations de l’environnement dans les discours des représentants des institutions muséales

Nous estimons que cette caractéristique de la médiation muséale des questions environnementales est globalement positive dans le cadre d’une ERE : l’opposition classique et radicale entre biocentrisme et anthropocentrisme est effectivement délaissée pour une représentation plus globale de l’environnement, prenant à la fois en compte les valeurs intrinsèques de la nature mais aussi les motivations à une meilleure qualité de vie.

Le biocentrisme est donc peu présent et il concerne majoritairement les discours des représentants des musées d’histoire naturelle, et en moindre proportion ceux des parcs naturels régionaux et des CPIE. Il est essentiellement axé sur les notions de faune et de flore, abordés de manière générale ou à travers l’exemple d’une espèce particulière dans des expositions temporaires par exemple. De même, le sociocentrisme est très peu représenté dans les discours des représentants de musées, sauf pour les écomusées qui abordent les processus sociaux (évolution technique, sociologique, démographique) qui lient la communauté d’un territoire à son milieu environnant. Plus précisément, nous retrouvons donc cette orientation sociocentrique en majorité dans les écomusées, et en très faible proportion dans les parcs naturels régionaux et les CPIE.

biocentrisme écocentrisme anthropocentrisme sociocentrisme

Mais revenons aux représentations privilégiées dans les discours des représentants de musées.

A partir de ces deux représentations, on peut distinguer trois axes thématiques forts :

• dans une orientation écocentrique, le fonctionnement des milieux naturels ;

• dans l’orientation anthropocentrique, les problèmes de qualité de vie (eau, déchets) et la notion de territoire.

D’une manière générale, il est intéressant de noter que deux de ces thèmes (milieux naturels et déchets) correspondent aux pratiques classiques de l’ERE : « il faut reconnaître qu’elle a souvent été réduite à une seule éducation au milieu naturel, ou encore elle a été limitée à l’exploitation du thème de la gestion des déchets, dans une perspective d’éco-civisme » (Sauvé, 2000). Au contraire la notion de territoire est un aspect de l’ERE qui semble encore peu abordé. Dans cette perspective, le partenariat avec des institutions muséales qui centrent leur discours sur la notion de territoire constitue une occasion d’ouvrir les pratiques d’ERE à de nouvelles problématiques.

Le fonctionnement des milieux naturels

Le fonctionnement des milieux naturels est très largement abordé par la plupart des institutions muséales. Dans certains cas, l’impact des activités humaines sur ce fonctionnement est envisagé. D’une manière générale, nous retrouvons cette représentation essentiellement dans les parcs nationaux, mais aussi dans les musées d’histoire naturelle, les CPIE et les CCSTI.

Les problèmes de qualité de vie (eau, déchets)

Il est intéressant de noter que ces trois dernières institutions associent à cette représentation écocentrique les thèmes anthropocentriques de l’eau et des déchets. Ces thèmes sont associés le plus souvent à l’idée de problèmes : problèmes de pollution de l’eau, problème du devenir des déchets etc. En abordant ces problèmes, les musées s’inscrivent donc dans un certain travers de l’ERE, dénoncé par différents auteurs. Ainsi, Berryman (1997) estime que « la plupart sinon tous les problèmes du monde naturel ne devraient pas être transférés aux écoles dans l’espoir que les enfants les résolvent maintenant ou plus tard lorsqu’ils seront adultes.

Peut-être devrions-nous prendre nos responsabilités comme adultes et le faire nous-mêmes ».

D’autres ont fait ce même constat, notamment à propos des bandes dessinées scientifiques

consacrées à l’ERE. Par exemple, certains ouvrages destinés aux enfants proposent « diverses actions le plus souvent incompréhensibles pour des enfants si jeunes et en tous cas irréalisables », ce qui de manière générale démobilise et culpabilise le lecteur au lieu de le responsabiliser (Girault, 1991).

Ainsi, les musées proposent parfois des thématiques qui demandent une prudence particulière dans le cas d’une exploitation avec des élèves en bas âge. Cette prudence s’avère d’autant plus nécessaire que l’absence de questionnement critique et social comme nous le verrons dans le paragraphe suivant accentue les risques d’incompréhension et de démobilisation. Nous retiendrons que d’une manière générale, de nombreux musées proposent donc dans une perspective d’éco-civisme d’aborder les problèmes de tri des déchets et de consommation d’eau. Dans cette perspective, ces musées reproduisent les pratiques classiques de l’ERE, parfois restrictives, ce qui semble mettre en évidence le manque de ponts entre les pratiques d’ERE (en général et au musée) et la recherche en ERE.

Le territoire

La notion de territoire est quant à elle principalement abordée par les représentants des parcs naturels régionaux et des écomusées. Pour les représentants des parcs naturels régionaux, l’objectif est la valorisation du patrimoine naturel et culturel du territoire, alors que pour les représentants des écomusées, il s’agit davantage de s’intéresser aux processus d’occupation et d’usage de ce territoire par les sociétés qui y habitent, notamment à travers le thème récurrent de l’agriculture. Rappelons qu’une autre partie des représentants d’écomusées centrent davantage leurs discours sur les sociétés du territoire en étudiant leur évolution et leur rapport à l’espace environnant, et ce dans une perspective sociocentrique.

En centrant leurs discours sur la notion de territoire, ces institutions muséales participent à révéler l’identité de ce territoire, à ses propres habitants mais aussi à ses visiteurs. En cela, ils participent au processus identitaire que Rasse (1995, 1997 ; Rasse et Girault, 1996) décrit de manière plus générale à propos des musées de société. Par ailleurs, cette forme de médiation s’inscrit dans l’une des orientations actuelles de l’ERE identifiées par Sauvé (200128), le

28 Intervention dans un séminaire réunissant plusieurs responsables pédagogiques des musées scientifiques de Montréal (Biosphère, Biodôme, Insectarium, Jardin botanique etc.), des chercheurs en ERE, sciences de l’éducation et muséologie, et l’Equipe de Recherche sur la Médiation Muséale du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, mai 2001, Insectarium, Montréal.

biorégionalisme qui repose principalement sur des projets communautaires et sur l’écotourisme.

Afin d’avoir une vision claire des différentes représentations privilégiées dans les différentes institutions muséales, nous proposons le tableau suivant.

Tableau 14. Les thématiques et représentations privilégiées par les représentants des institutions muséales

Institutions muséales Représentations Thématiques

Parcs nationaux Ecocentrique Milieux

Musées d’histoire naturelle, CPIE, CCSTI

Biocentrique/Ecocentrique

Anthropocentrique

Objets naturels/Milieux

Eau, déchets (éco-civisme) Parcs naturels régionaux Ecocentrique

Anthropocentrique

Milieux

Patrimoine Ecomusées Anthropocentrique

Sociocentrique

Usage et occupation du territoire

Systèmes sociaux liés au territoire