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3. L’intégration de l’Education Relative à l’Environnement dans l’enseignement scolaire en France : de

3.2. Les projets éducatifs interdisciplinaires

3.2. Les projets éducatifs interdisciplinaires

L’intégration de l’ERE dans le système scolaire passe, comme le souligne le Conseil National des programmes, « par la réalisation de projets alliant action et réflexion, débordant le cadre traditionnel des apprentissages et nécessitant souvent des sorties hors des lieux scolaires » (Conseil National des Programmes, cité par Giolitto, Clary, 1994). L’organisation de projets dans l’enseignement scolaire a d’abord reposé sur les initiatives d’enseignants motivés et encouragés par la mise à leur disposition de structures officielles types PAE. Depuis peu, la réforme des collèges et des lycées a mis en place au sein même des horaires d’enseignement obligatoire des procédures d’organisation de projets interdisciplinaires.

3.2.1. Des projets à l’initiative des enseignants

Avant la réforme des collèges et lycées que nous aborderons dans le paragraphe suivant, la mise en place de projet interdisciplinaire reposait uniquement sur l’initiative des enseignants, encouragée depuis 1981 par la mise en place des PAE ou Projet d’Action Educative. Ces projets permettent de pratiquer des activités interdisciplinaires en liaison avec la communauté éducative élargie et avec le soutien d’intervenants extérieurs : « un PAE est fondé sur l’initiative des équipes pédagogiques, sur la participation active des élèves et sur la

collaboration des partenaires extérieurs... Cette procédure contractuelle est destinée à encourager les équipes d’enseignants volontaires qui, au travers d’un projet concret, rigoureux et cohérent avec les orientations ministérielles, cherchent à enrichir et diversifier leur enseignement et à l’adapter aux besoins spécifiques des élèves » (BO, 8/09/1988).

Les projets peuvent prendre diverses formes. A titre d’illustration, nous avons retenu les ateliers paysage, l’opération « 1000 défis pour ma planète » et les classes environnement.

L’atelier paysage, adopté à la rentrée de 1992 (note de service n°92-163 du 25 mai 1992) est

« conçu comme un carrefour de disciplines dans lequel le paysage est abordé dans toutes ses dimensions. C’est aussi un lieu de pratique critique qui permet l’élaboration et la réalisation de projets d’aménagement » (BO n°11, 03/1993).

L’opération « 1000 défis pour ma planète », organisée par les ministères de l’Environnement, de l’Education Nationale, de l’Agriculture et de la Jeunesse et des Sports est également un tremplin, financier notamment, pour de nombreux projets portant sur l’environnement. Ces projets doivent être conduits avec l’aide de partenaires extérieurs et bénéficier d’un « parrain technique » qui en garantit la rigueur scientifique et dont l’organisme support prend en charge une partie du financement. Pour l’année scolaire 1993-1994, les 1000 défis retenus (sur les 2643 dossiers présentés) ont rassemblé 122 871 jeunes et 3775 parrains techniques. Parmi les thèmes les plus souvent traités, on note l’aménagement (19,7%), les milieux naturels, faune et flore (19,3%), les déchets et les technologies propres (18,4%) et l’eau (13,4%). Viennent ensuite : l’environnement urbain, la forêt, le paysage, le bruit, l’énergie, l’air, les risques majeurs, le transport etc. (Giolitto, Clary, 1994).

Les classes d’environnement constituent également des structures privilégiées pour un PAE.

Une directive de 1993 a proposé ainsi que toutes les classes de découverte s’inscrivent dans une démarche d’éducation à l’environnement. De plus, cette directive exprime le souhait de voir un maximum d’élèves bénéficier de ces classes : « le souci de la connaissance de l’environnement figure parmi les objectifs pédagogiques des classes de découverte définies par la note de service n°82-399 du 17 septembre 1982, mais avec un contenu non spécifique, en l’occurrence l’exploration de nouveaux milieux. Il faut désormais aller plus loin et affirmer la primauté de l’environnement en tant que cadre pédagogique interdisciplinaire et que base de réflexion pour la préparation, le déroulement et l’exploitation de ces classes. Pour ce faire,

les classes de découverte (classes de neige, classes de mer, classes vertes, classes de ville) prennent le nom de classes d’environnement. (…) Situés dans ces perspectives, les classes d’environnement de l’école primaire sensibilisent les enfants aux problèmes des relations entre l’homme et son milieu et ouvrent leur esprit à la notion prospective, préparant ainsi des approfondissements ultérieurs au collège puis au lycée. Actuellement, un élève sur deux, en moyenne, part en classe d’environnement pendant sa scolarité primaire avec de notables différences entre les départements. Il convient d’améliorer cette situation, avec l’objectif qu’à terme, chaque élève bénéficie d’au moins une classe d’environnement au cours de cette période » (BO n°8, 02/1993).

Si la mise en place de tels projets peut paraître lourde et parfois onéreuse, il existe la solution de support de projet interdisciplinaire plus « léger » à exploiter, comme les mallettes ou les guides pédagogiques par exemple. En général réalisées par des associations ou diverses structures d’ERE, ces mallettes sont ensuite proposées aux écoles.

A titre d’illustration, le CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique) et la FEEE (Fondation pour l’éducation à l’environnement en Europe) ont réalisé un guide pédagogique autour du thème de l’environnement à un niveau européen. Le « Guide du jeune reporter pour l’environnement » est le fruit d’un travail de terrain réalisé depuis 1990 dans plus de 350 lycées en Europe, dans le cadre de la campagne « Jeunes Reporters pour l’Environnement » (JRE) conduite par la FEEE. Le guide rassemble des conseils pratiques, des idées d’actions et des pistes de travail issus de ces dix années d’expériences. Il s’adresse à tous les lycéens souhaitant s’engager dans une démarche similaire d’information sur le développement durable.

D’une manière générale, le bilan des PAE est mitigé. Si de nombreuses expériences ponctuelles ont vu le jour et ont certainement eu des impacts positifs auprès des élèves, il semble que leur mise en place reste difficile : « il n’y a pas de plage horaire prévu et ces projets se développent dans le temps de façon pratiquement parascolaire avec un investissement bénévole des enseignants » (Deleage, Souchon, 1993).

Pour illustrer le faible impact des PAE, Deleage et Souchon (1993) ont calculé qu’en 1989, 10% des PAE étaient en relation avec des thématiques environnementales. Vu le nombre d’élèves participant à des PAE (environ un quart des classes et un tiers des établissements),

Deleage et Souchon estiment que seulement 1% des élèves ont participé à un PAE relatif à l’environnement...

La situation semble en voie d’amélioration, notamment avec la réforme des collèges et des lycées : les projets interdisciplinaires deviennent en effet partie intégrante des enseignements obligatoires.

3.2.2. Des projets au sein des enseignements obligatoires

La réforme des lycées initiée par le ministre de l’Education national de l’époque, Jack Lang, a permis la mise en place dès 2000 de projets interdisciplinaires au sein même des enseignements obligatoires des classes de première et de terminale : « les Travaux Personnels Encadrés (TPE) qui seront introduits à partir de la rentrée 2000 en classe de première, puis à la rentrée suivante en classe de terminale, s’inscrivent dans les objectifs fondamentaux de la réforme des lycées. (...) Ils s’appuient sur un approfondissement des disciplines fondamentales de chaque série, tout en encourageant une démarche interdisciplinaire. (...) Les Travaux Personnels Encadrés sont élaborés par les élèves qui sont mis en situation de responsabilité dans la conduite d’un projet jusqu'à son terme » (Ministère de l’Education nationale et de la Recherche, 1999).

De manière concrète, les élèves, seuls ou en groupe, choisissent un sujet précis qui s’articule sur deux disciplines dominantes de la série. Le projet encadré par les deux enseignants des disciplines concernées aboutit à une réalisation concrète et fait l’objet au moment de l’évaluation d’une communication orale. En classe de première, le TPE constitue essentiellement une préparation et une initiation à cette démarche, alors qu’en terminale, les élèves doivent réaliser un TPE plus abouti qui sera pris en compte au baccalauréat.

Quelques thèmes environnementaux sont proposés parmi la liste des thèmes imposée par le ministère de l’Education nationale. A titre d’illustration, trois thèmes proposés aux élèves de première S s’apparentent à une problématique environnementale : l’eau, les risques naturels et technologiques, les sciences et les aliments. En classe de terminale, le thème de l’Europe est proposé aux élèves de toutes les séries et comporte un « volet environnemental » : unité et diversité de l’ensemble européen, la gestion de la biodiversité et de l’environnement naturel

(les parcs nationaux, la pollution de l’air et de l’eau, l’effet Tchernobyl, les pluies acides, la réglementation de la chasse et de la pêche).

De même, la réforme des collèges institue pour la rentrée 2001 la mise en place d’Itinéraires de Découverte. Ces itinéraires, obligatoires pour tous les élèves du cycle central sont réalisés au cours de deux heures hebdomadaires et reposent sur une approche interdisciplinaire de certaines parties du programme, développée à travers un projet autonome qui doit aboutir à une production personnelle ou en équipe. Les thèmes sont communs à deux disciplines au moins et sont regroupés dans quatre domaines : la nature et le corps, les arts et les humanités, les langues et les civilisations, la création et les techniques. En fin de quatrième, une épreuve anticipée du Brevet portera sur l’évaluation des Itinéraires de Découverte.

Les Itinéraires de Découverte sont inscrits dans la continuité des parcours diversifiés et des travaux croisés, instaurés à partir de 1997 (BO n°10, 6/03/1997 ; BO n°23, 10/07/1999 ; BO n°25, 29/07/2000). Ils sont par ailleurs clairement fondés sur des principes voisins des TPE des lycées : « toutes ces parentés de démarches montrent bien finalement la convergence des réformes engagées à différents niveaux du système éducatif français » (Ministère de l’Education nationale, 2002).

D’abord limitée à la seule initiative des enseignants, l’organisation de projets interdisciplinaires devient donc partie intégrante de l’enseignement obligatoire. Cette évolution constitue bien entendu un terrain favorable à l’ERE. On peut toutefois énoncer certaines réserves, car au-delà des directives officielles, l’intégration de telles procédures pédagogiques implique des changements importants dans tout le système éducatif : formation des enseignants et des équipes pédagogiques, adaptation institutionnelle des lycées et des collèges etc. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de projets interdisciplinaires constitue la voie choisie par le système éducatif français. Comme nous allons le voir à présent, elle est favorisée par des partenariats que les instructions officielles recommandent.