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3. L’intégration de l’Education Relative à l’Environnement dans l’enseignement scolaire en France : de

3.1. L’approche intégrée de l’ERE dans les programmes d’enseignement

En France, le premier acte officiel est un protocole d’action, signé le 2 novembre 1971, entre le ministère de l’Education nationale et celui chargé de l’Environnement. Il suggère de mettre l’accent dans les programmes scolaires sur la protection de la nature et l’amélioration du cadre de vie et de donner aux élèves une culture générale en matière d’environnement. Dans le prolongement de ce protocole, la commission de l’environnement, créée en janvier 1977 par le ministère de l’Education nationale, propose la mise en place d’un certain nombre de mesures concrètes susceptibles de favoriser la naissance d’une ERE, telles que la facilitation des sorties d’élèves, la sensibilisation et la formation des enseignants etc8.

Suivent ensuite de nombreux actes, parmi lesquels ceux instituant plus précisément les modalités d’intégration, et que nous étudierons par la suite. Depuis, l’ERE est officialisée et surtout son enjeu est admis par les autorités concernées : « l’éducation à la sécurité, à la prévention des risques majeurs et à la protection de l’environnement constitue une préoccupation du système éducatif » (BO n°4, 01/1992).

Parallèlement aux directives officielles, différents projets pilotes sont menés (Giolitto, Clary, 1994). A titre d’illustration, dès 1973, dans 19 écoles normales, un projet d’action de l’école en faveur de l’environnement mettait en place des recherches-action ayant pour but d’expérimenter des procédures interdisciplinaires. Ce projet devient en 1990, sous l’égide de

8 Haby R., 1977, Instruction générale sur l’éducation des élèves en matière d’environnement. Ministère de l’Education nationale.

l’OCDE, l’« ENSI9 project » (OCDE/CERI, 1991). Citons encore le programme de recherche mené par l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP) : « Vers une éducation relative à l’environnement », dans le cadre du PNUE10.

Dès le départ, l’orientation choisie par l’Education nationale a consisté à ne pas ajouter une nouvelle discipline mais plutôt à intégrer la problématique environnementale aux disciplines existantes : « l’environnement ne peut en aucun cas constituer une nouvelle discipline » (circulaire de 1977, ministère de l’Education nationale). En effet, tous les spécialistes s’accordent à dire que l’ERE ne doit pas être considérée comme une éducation à part :

« l’éducation pour l’environnement est partie intégrante d’une éducation de base.

Interdisciplinaire par nature, elle sous-tend les aspects de chacune des disciplines qui contribuent à la perception de base, à la compréhension et à l’intérêt pour les interactions fondamentales entre l’homme et son environnement- qui est à la fois naturel et créé par l’homme » (Roth, 1977, cité par Giordan, Souchon, 1992).

L’ERE n’est donc pas une nouvelle forme, un nouveau type d’enseignement, c’est une dimension intégrante de l’éducation globale contemporaine qui tente d’intégrer harmonieusement différentes préoccupations éducationnelles complémentaires et interreliées (Sauvé, 1997). Dès 1980, l’UNESCO (1980) définissait l’ERE comme une dimension : « cette éducation ne vient pas s’ajouter aux programmes éducatifs comme une discipline séparée ou un sujet d’étude particulier, mais comme une dimension qui doit leur être intégrée ». La pluridisciplinarité constitue donc l’un des premiers aspects de l’intégration de l’ERE dans le système scolaire français.

La pluridisciplinarité

La plupart des enseignements disciplinaires fournissent les connaissances nécessaires à la compréhension de l’environnement : « tout problème d’environnement relève de plusieurs champs, si bien que l’on a besoin de faire appel à différentes disciplines pour éclairer un problème donné » (Giolitto, Clary, 1994).

9 ENSI : ENvironmental and School Initiatives

10 Vers une éducation relative à l’environnement, Programme international de l’éducation à l’environnement, UNESCO-PNUE, juillet 1976-décembre 1977, Recherche pilote, INRP, Paris.

Il faut donc envisager l’intégration de l’environnement dans chaque discipline, ce qui nécessite une révision des programmes : « le ministère de l’Education Nationale et de la Culture, sur la base des propositions du Comité national des programmes, améliorera la cohérence des contenus et activités d’enseignement en matière d’environnement et intégrera cette préoccupation lors de la refonte de ses programmes, notamment sur les points suivants : la notion de responsabilité individuelle et collective ; l’historique des approches scientifiques, techniques, philosophiques et artistiques de l’environnement ; les principaux exemples de cycles naturels ; la dimension économique des problèmes d’environnement et les liens entre environnement et développement ; les notions de risque majeur et de maîtrise des progrès scientifiques et techniques. Seront concernés les enseignements de sciences, de géographie, d’économie, de littérature, de philosophie, l’éducation civique, sociale et familiale, l’éducation physique et sportive» (BO n°3, 01/1993).

Plus précisément, et avant de voir comment chaque cycle intègre les questions environnementales dans les différentes disciplines, nous allons préciser les différents statuts de ces disciplines. Certaines disciplines sont fondamentales, « dans la mesure où elles fournissent un nombre important de concepts directement liés à l’environnement, c’est le cas principalement de l’écologie et d’une partie des sciences humaines (surtout : géographie humaine, économie) » (Deleage, Souchon, 1993). Par exemple, l’économie permet aux élèves de réfléchir « aux coûts ou, au contraire, aux plus-values résultant de la prise en compte des problèmes d’environnement, ou encore et surtout, à la manière de concevoir un développement durable » (Giolitto, Clary, 1994). Par ailleurs, la philosophie est susceptible quant à elle d’amener l’élève de terminale à réfléchir sur les relations que les hommes entretiennent avec la nature, ainsi que sur la notion d’éthique.

Les disciplines scientifiques expérimentales (sciences de la vie et de la terre -SVT- et physique-chimie) offrent une démarche scientifique indispensable pour envisager les réalités environnementales. Par exemple, les SVT permettent de « situer l’humain dans la nature vivante et le cosmos » (Deleage, Souchon, 1993). De plus, et dans l’idéal, ces disciplines doivent s’ouvrir aux relations Sciences-Société en évoquant par exemple les contributions des SVT dans l’agriculture ou les manipulations génétiques, ou celles de la physique-chimie dans la recherche d’énergies renouvelables etc.

Enfin, un troisième groupe de disciplines, désignées sous le nom de « disciplines-outils » (Deleage, Souchon, 1993) rassemble celles qui interviennent comme moyen d’expression et de transmission de l’information (mathématiques, français, langues étrangères etc.). Par exemple, les mathématiques sont indispensables pour appréhender les statistiques, notamment lorsqu’on aborde la notion de risque (Girault Y., Girault M., 2003). Le français contribue par la maîtrise des discours, à donner « la capacité de formuler ses opinions, de prendre en compte l’interlocuteur » et « participe ainsi à la tâche générale d’éducation du citoyen » (extrait de programme de français, 1999).

Notons par ailleurs que d’autres disciplines sont moins sollicitées par l’ERE mais peuvent également y participer. Ainsi, le programme d’éducation physique et sportive (1999) souligne que « les activités physiques de pleine nature sont l’occasion d’apprendre à respecter l’environnement physique et humain ».

Plus précisément, chaque cycle intègre de manière spécifique l’ERE : ainsi, d’une manière générale, l’objectif au primaire est d’aider « l’enfant à percevoir les relations de l’homme avec son milieu » (Deleage, Souchon, 1993). De plus, l’éducation civique participe dès le primaire au sens de la responsabilité personnelle et collective, d’une part face aux problèmes liés à l’environnement et aux atteintes qu’on lui porte, d’autre part en relation avec les ressources individuelles, collectives et sociales et à leur caractère limité.

Au collège et au lycée, les disciplines sont plus nombreuses et l’ERE « s’enrichit progressivement des apports conceptuels des différentes disciplines, d’acquis cognitifs de plus en plus nombreux et précis, de pratiques méthodologiques intellectuelles d’analyse et d’abstraction plus efficaces » (Deleage, Souchon, 1993). Les disciplines particulièrement concernées sont les suivantes : histoire et géographie, éducation civique, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre (SVT), économie.

L’introduction de l’ERE dans les différentes disciplines repose, comme nous venons de l’analyser, sur une approche pluridisciplinaire. En réalité, les directives ministérielles insistent sur la nécessité de dépasser cette pluridisciplinarité pour atteindre une véritable interdisciplinarité : « le référent à une ERE par trop morcelée dans chaque discipline est (...) dénoncé comme dangereux dans la mesure où il peut contribuer à renforcer le

cloisonnement ; la notion de champ disciplinaire ou de domaine (à partir de l’énoncé de thèmes transversaux et globaux) est un axe de coopération préférable » (propositions du groupe de travail interministériel « environnement-éducation nationale, 1990).

L’interdisciplinarité

L’interdisciplinarité exige une coordination des différentes disciplines en vue d’une vision globale des réalités environnementales. C’est dans cet esprit que l’environnement est défini comme un thème transversal. Cette orientation ne pose pas trop de problèmes au primaire. En effet, « dans tout l’enseignement primaire, la compétence multidisciplinaire des maîtres simplifie, en outre, les démarches pratiques de la mise en œuvre de l’éducation pour l’environnement : le maître est l’équipe interdisciplinaire à lui tout seul » (Deleage, Souchon, 1993).

Par contre, le cloisonnement disciplinaire au collège et au lycée implique la mise en place de dispositifs pédagogiques spécifiques : les enseignants et les élèves ont alors « la possibilité de se livrer à des activités interdisciplinaires » à travers « des « thèmes transversaux » dans le premier cycle du second degré, et des « projets d’actions éducatives » (PAE) dans le premier et second degré » (Giolitto, Clary, 1994).

Les thèmes transversaux sont apparus dans les « Programmes et instructions » de 1985 pour les collèges et impliquent de développer des « relations entre les différentes disciplines ». Ces thèmes transversaux sont au nombre de six : éducation à la consommation, au développement, à l’environnement et au patrimoine, à l’information, à la santé et à la vie, à la sécurité. Ils supposent une concertation des professeurs. Par exemple, le programme de collège (1999) invite les professeurs de Sciences de la Vie et la Terre et de Physique Chimie à élaborer des activités coordonnées : « en début d’année, les deux professeurs choisissent un thème corrélé aux programmes des deux disciplines ». Les thèmes sont divers : pluies acides, effet de serre, ozone dans la haute et basse atmosphère …

Plus généralement, les directives officielles proposent aux enseignants de différentes disciplines de mettre en commun leur projet concernant l’environnement. Chaque thème peut faire l’objet d’un exposé par un groupe d’élèves, face à un ou plusieurs enseignants de disciplines différentes. Ce genre de travail suppose l’existence d’une réelle équipe

pédagogique et un suivi régulier du dossier « environnement » : « à cet égard, la meilleure solution semble être de réserver un onglet du cahier de textes à l’environnement et d’y noter avec régularité le travail effectué, la discipline concernée, les éléments d’évaluation proposés et surtout le travail demandé aux élèves » (extrait de programme, 1999).

L’interdisciplinarité est vraiment la base de l’intégration de l’ERE dans l’enseignement scolaire. Elle nécessite alors d’être prise en compte d’une part dans la formation des enseignants et d’autre part dans l’élaboration de ressources pédagogiques pour les enseignants. De plus, elle implique la notion de projet comme démarche éducative. En effet, la mise en place de projet permet de fédérer plusieurs disciplines et de les croiser autour d’un thème et d’un objectif communs : « la pluridisciplinarité structurelle d’une thématique environnementale nécessite de juxtaposer l’apport de chaque discipline et de pratiquer une démarche véritablement interdisciplinaire. L’ERE ne peut alors s’exprimer que dans le cadre de projet pédagogique global » (Boillot-Grenon, 1994).