ON SOUSCRIT 1
A FRIBOURG, CHEZ L.-J. SCHMID, ÉDITEUR
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ET POUR LA SUISSE ET L'ETRANGER AUX BUREAUX DES POSTES
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#L’'ÉMULATION,
RECUEIL AGRICOLE, INDUSTRIEL, COMMERCIAL, HISTORIQUE ET
LITTÉRAIRE.
N°1
{FRIBOURG, 1843 : TROISIÈME ANNÉE, SEPTEMBRE, PREMIÈRE, QUINZAINE.
CONDITIONS DE L’ABONNEMENT,
L'Emulation paraît tons les quinze jours dans ce même format. Chaque numéro contient B pages d'impression en caractères petit-romain. Les numéros d'une année réunis formeront un volume. bepris de l'abonnument, lafeuille rendne franco dans fous les lieux du Canton oùity aposte, est fixéà AU butz pour l'agnée. On ne peut s'abonner pour moins d'un an, Fout
abonnement de la Ville de Uribourg doit se faire au Bureau del'Emulation, Kue dela Préfeeture numéro 198.Les abonnements du dehors doivent se faire aux Mureaux de Poste res-peetifs, lettres ct argentaffranebis.
AGRICULTURE.
PATURAGES*.
Les pâturages ? sont l’un des principaux éléments
de
lari-chesse publique de l'Europe; ils sont, avec les champs cul-tivés en céréales, au premier rang des conditions d'existence des nations modernes , et leur histoire se lie à celle du genre humain.
Si, pendant l'enfance du monde, ce furent les forêts qui offrirent à l'homme un asile , c'est dans les pâturages que se formèrent et s’agrandirent les premières sociétés, quand une subsistance abondante leur fut assurée par les nombreux troupeaux. L'aurore de la civilisation apparut dans l’Orient avec les peuples pasteurs; les arts et les sciences naquirent au milieu des bergers , sur les rives de l’Euphrate et du Nil ; et ce sont les pâtres des Alpes qui, du hautde leurs pacages, ont donné les premiers à l’Europe le signal de son affran-chissement.
Les habitudes pastorales, qui tiennent à l’exisience des troupeaux et des prairies naturelles, ont toujours exercé la plus puissante influence sur la fortune, le caractère et la civilisation des peuples. Partout où les hommes sont passés immédiatement
de
l’étatsauvageà
lavieagricole, sans adoucir, par le calme et la solitude des pâturages, l'Apreté de leurs mœurs etla violence de leurs passions, la barbarie des siècles primitifss’estperpétuée sous l'empire desinstitutions sociales.Tout le temps écoulé depuis le commencement deschoses, n’a point suffi pour civiliser les peuples qui, dans la distri-bution géographique des animaux utiles du globe , furent privés de toute espèce de bétail. Les aborigènes des deux Amériques et de l’Australie semblaient, lorsqu'on découvrit
1 Il était resté dans nos cartons un dernier articlede M. €. Schaller, sur l’Economie rurale; nous en publions lecommencementdaus ceN°;
lasuiteparaîtra très-prochainement. (Note de l'Editeur).
= Nous répétons que lemot pé@rwrages est employé par nous dansson
acception laplus étendue, comprenanttoutes lescultures destinées à la nourriture des troupeaux. Nous désignerons sous [lcnom de pucages ces sortes d’herbages qui ne sont'utilisées qu’en y faisant paître lesbestiaux.
les vastes régions qu’ils habitaient , n’être réunis que par
les
besoins qui rassemblent les hyènes et les vautours, Ils avaient
pour
religion
les sacrifices humains, pour code l'esclavage des femmes, pour coutume l’infanticide, le meurtre des vieillards,la torture des prisonniers et l’antropophagie.
Les peuples arrivés à l’état agricole par la vie pastorale sont, au contraire, les promoteurs
de
la civilisation et l’hon-neur de l'humanité. Ce furent eux qui créérent, ilya
qua-rante siècles , tous les éléments de l’ordre social , et qui ont élevé les teinples de Memphis, les palais de Babylone ; le Parthénon et l’Alhambra. La grandeuret
la rapidité deleursprogrès, comparés avec la faiblesse et la lenteur de ceux des nations modernes de l'Europe , manifestent quelle puissance salutaire exerce la vie pastorale sur les phases diverses de l'existence des peuples. Dans les contrées de l'Orient, les hommesdescendus des montagnes dans
les
plaines, perdirent, en gardant leurs troupeaux, les inclinations sanguinaires des chasseurs, et conservèrent, quandils
s’adonnèrent à l'Agri-culture, les habitudes patriarcales des bergers, leurs vertus hospitalièreset,
sinon l'indépendance des tribus nomades,“du moins la liberté personnelle et l'égalité de tous devant l'autorité publique. Il fut loin d'en être ainsi dans les pays de l'Occident : leurs peuplades, quand elles sortirent de leurs forêts marécageuses , partagèrent leur temps entre la guerre etla chasse #; etlorsque la rapine et
le
gibierne
leur offrirent plus de secours suffisants , elles ne demandèrent à la terreque des inoissons *. Bientôt, attachées à la glèbe par la ty-rannie féodale , clies furent entraînées dans la servitude par l’Agriculture qui devait lesconduireà lacivilisation,
et
l'abru-tissement du serfsejoignitauxinclinations féroces du sauvage.
On sait qu’une nuit d'ignorance et de barbarie couvrit l’Europe pendant plusde mille années, Durant cette longue période , quoique laculture de la terre
ft
la seule occupationdes peuples, le sol des contrées les plus fertiles, loin de
pro-8 Quoties bella non ineunt muleum venatibus. Tacit. germ. Cap. 45,
9 Sola terre Leges fimperatur,dem. Cap, 26.
sp
Àex
téger par l’abondance des récoltes l’accroissement de la po-pulation, refusait mêmedenourrirle laboureur. On manquait de pain dans les régions douées du plus heureux climat. Il y eut en France , de1626 à 1741 , en 115 ans, 65 famines;
et pendant
cette
période , encore si peu éloignée de nous, les habitants de ce riche pays éprouvèrent , chaque troisième année , une disette qui élevait le prix des blés à une valeur triple ou quadruple de celle de nos jours, quoique lessalaires fussent alors trois ou quatre fois moins grands,En Angleterre, de 1069 à 1355, dans un espace de 286 ans, il y eut , d'après les recherches d'Edouard Howe, 421 disettes ou famines, cequi borne les moissons ordinaires ou abondantes presque au même nombre que celles qui ne suf-fisaientsur deux années,pasà la subsistanceil yen avaitde laune pendantpopulation
laquelle ;
d'oùillesuit que,peuplesouffrait la faim. ;
La Toscane, l’une des plus belles et des plus fécondes régions de l’Italie, étaitalors ravagée presque sans cesse par
la famine; elle en éprouvait communément
les
effets pendant 33 années par siècle, et Targion! Tozetti, qui a recueilli les annales de son Agriculture pendant 316 ans, a montré quependant
cette
périodeil
n’y cut que onze années d'abondance, et que les années de disctte furent au nombre de cent et onze.Lies causes de cette longue famine qui décima , en Europe, quarante générations, étaient l’imperfection de la culture et l’erreur de fonder uniquement sur les moissons des céréales
la subsistance des peuples. Des caleuls détaillés de John Cul-lum font connaître qu’en Angleterre on n’obtenait alors d’un acre de terre * que 8 à 9 buisseaux de blé ? , c’est-à-dire moins quela moilié de ce que donnent aujourd’hui les mêmes champs pour récompenser des travaux mieux dirigés. Tandis que maintenant on compte deux acres de pâturages pour une
“en terre delabour, il y avait, dans ce temps, 13 à 14 cents acresde culture pour 45 en prairies; ce qui réduisait néces-sairement les bestiaux à un si pelit nombre, que la viande devaitêtre totalement exclue du-égime alimentaire du peuple.
Cet état de détresse a sans doute cessé progressivement depuis 60 ans environ , par le perfectionnement
de
l'Agricul--ture , l’extension du commerce et les plus grandes facilités des communications; mais néanmoinsil s’en faut debeaucoup que parmi les peuples qui tiennent le premier rang dans la civilisation européenne, lasubsistance publiquesoit
garantie, comme clle devrait l'être , par la diversité de ses ressources et leur étendue, et qu’elle soit assurée contre les intempéries par la multiplication du bétail et des troupeaux. Ce qui se passe actuellement en Angleterre nie prouve que trop lavéritéde notre assertion, Cependant, l'Angleterre est citée à juste titre comme
le
pays où l’Agriculture a fait des progrès dignesde servir d'excinple aux autres peuples : mais ces
améliora-* L'acre est d'une pose et un neuvième. environ.
: boisseauest de 2 uerterons et 4 émines environ.
tions ne peuvent pas contrebalancer les inconvénients pro-venantde la fabrication excessive, des tois de monopole qui gènent
le
libre commerce des blés, et de la circonstance que tout le sol de l’Angleterre est possédé par un petit nombre de familles privilégiées qui l'ont rendu inaliénable. Citons un seul exemple.Le comté de Southerland en Ecosse, quoique d’une grande étenduc, appartient presque tout entier au duc de ce nom:
il
se compose de six cent soixante-neuf mille sept cent soixante hectares, dont soixante-douze mille cent quatre-vingt-trois seulement appartiennent à d’autres propriétaires : restent donc cinq cent quatre-vingt dix-sept mille cinq cent soixante-dix-sept hectares au duc dans ce comté, el vingt-cinq mille trois cent soixante-quinze hectares dans le comté de Ross; en
tout, une propriété d’un seul tennement
de
six cent vingt-deuxmille neuf cent cinquante-deux hectares, où un million sept cent trente mille quatre cent vingt-deux poses el deux neuvièmes de la mesure suisse (plus de quatre fois la superficie ducanton
de Fribourg). Mais, comme tout l’intérieur est un désert affreux, et qu’il n’y a que les côtes qui soientun peu peuplées par 22,000 habitants, cette terre immense et sans pareille,
à moins que ce ne soit dans les steppes de la Russie ou dans les forêts del'Amérique , ne rapporte qu’un million de francs
de France, cequi forme la cinquième partic durevenududuc.
M. Morceau de Jonnès, de l’institut de France et de l’aca-démie de Bruxelles, a publié, en 1829, des recherches sta-tistiques ct économiques sur les principales parties de l’Eu-rope, considérées sous les rapports importants qui nous oc-cupent maintenant. Cet aperçu montrera combien le bien-être des peuples demande encore de soins aux Gouvernements,
de travaux aux Agronomes ct de lumières aux Académies qui les divigent, pour améliorer ou créerles pâturages nécessaires
à la multiplication des animaux pâturants, et pour agrandir, parl’aceroissement de leur nombre, les moyens de subsis-tance de la population, et la richesse du commerce des pro duits agricoles,
En consultant le cadastre des principaux étatsdel’Europe, leurs documents publics, leurs statistiques, ct pour les trois péninsules du midi de notre continent , dont
le
territoiren’a
point encore été soumis à des opérations géodésiques, en dé-duisant des termes généraux, de données partielles, ou de termes numériques officiels qui perinettent de telles
déduc-tions, M. Moreau de Jonnès esl parvenu, au moyen de re-cherches persévérantes ct multipliées, à dresser un tableau sur lequel l'étendue des prairies et des pâturages des contrées
de l’Europe est exprimée en lieues moyennes, dans l’ordre
de la grandeur absolue des surfaces, et l'on y trouve l’indi-cation de leurs rapports avec l’étendue totale des pays.
On voit, par ce tableau, que nous regrettonsde ne pouvoir
donner en entier, que . . ° “ ° . .