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Chapitre 4 – La Psychothérapie

4. La psychanalyse

4.4. Le trauma

Le terme traumatisme est employé pour désigner un impact psychique d’un évènement qui a marqué douloureusement l’existence d’une personne (Bokanowski, 2005b). À ne pas être

confondu avec la notion de stress, la situation de stress pouvant devenir traumatique pour l’individu et se traduire par un certain nombre de symptômes.

4.4.1. Définition du concept

Un évènement traumatisant peut faire irruption de l’extérieur par un accident ou une agression, il peut également venir de l’intérieur de l’individu, notamment suite à des cauchemars ou des souvenirs. D’un point de vue psychanalytique, la soudaineté et le degré de violence de l’irruption peuvent entraîner une sorte d’effraction d’une barrière pare-excitation. Il s’agirait du débordement d’une excitation devenant ingérable pour l’individu et pouvant résulter d'une perturbation psychique. Dans certains cas, lorsque les défenses du sujet tombent, l’effraction peut provoquer un effondrement de l’individu.

Selon Bokanowski (2005b), le traumatisme constitue un événement plutôt secondaire, se référant souvent à la théorie freudienne de la séduction. Il s’agit d’une force qui porte sur l’organisation des fantasmes inconscients du sujet. Pour Freud, le traumatisme est en lien avec « la force pressante des pulsions sexuelles et la lutte que leur livre le Moi » (Bokanowksi, 2005b, p. 286). Il s’agirait d’un conflit psychique qui a un rapport avec des fantasmes inconscients. La notion du traumatisme diffère du concept de trauma qui se constitue à un niveau plus précoce et se rattache aux investissements narcissiques.

Certains auteurs estiment que la psychanalyse est née avec la théorie de la séduction (Laplanche et Pontalis, 1968, Bokanowski, 2005a). Cette théorie, initialement élaborée par Freud avant d’être abandonnée par la suite, attribue les souvenirs des scènes de séduction comme étant à l’origine de la psychonévrose. Ces scènes, qui seraient soit phantasmatiques soit réelles, portent sur des abus sexuels, dont serait victime le sujet. Ainsi, aux aurores de la psychanalyse, Freud avait tendance à attribuer la genèse de la psychopathologie au traumatisme sexuel (Breuer et Freud, 1895). Généralement, on attribue la lettre de Freud à Fliess, datée de 1897, comme l’abandon de la théorie de séduction (Freud, 1897). Freud considère alors que le trauma n’est pas nécessairement lié au vécu, mais au fantasme. Un glissement théorique apparaît dans les œuvres après le soi-disant « tournant des années 1920 », à l’occasion de l’introduction de la seconde topique (avec les trois instances : le ça, le moi et le surmoi, ainsi que le principe de répétition, notamment développé dans Au-delà du principe de plaisir en 1920). Le traumatisme serait alors lié à une forme de détresse primaire présente chez le nourrisson. Il serait propre au débordement de l’angoisse qui survient lorsque le Moi n’arrive plus à se protéger d’une effraction, qui peut être d’ordre interne ou externe. Les répétitions des rêves traumatiques, quant à elles, s’expliqueraient par une tentative du

sujet de faire reparaître l’évènement traumatique pour mieux le maîtriser. Dès 1926, avec Inhibition, symptôme, angoisse (Freud, 1926), Freud explique l’angoisse et le trauma par la perte d’objet et l’angoisse de séparation. Ainsi, le trauma par effraction prend une place minime dans son champ théorico-clinique. À la fin de sa vie, notamment dans L’Homme Moïse et la religion monothéiste (1939), Freud rejoint des idées précédemment avancées par Ferenczi. Selon le disciple de Freud, les expériences traumatiques précoces peuvent entraîner des atteintes précoces du moi et créer des blessures narcissiques. Des demandes parentales liées à des privations d’amour peuvent engendrer une sidération psychique et créer du désespoir. Il s’agit en général d’une absence de réponse de la part de l’objet ou bien d’une réponse inadéquate, qui peut mener à une autodéchirure, une paralysie de la pensée et du moi et des blessures narcissiques non cicatrisables. Ainsi, selon la conception du trauma de Ferenczi, il serait « la traduction d’une absence, ou d’une série d’absences, de réponse adéquate de l’objet face à une situation de détresse » (Bokanowski, 2005a, p. 31-32). Cette absence provoque un sentiment de détresse primaire qui se réactive à la moindre occasion. Affectant le narcissisme, il perturbe l’organisation de l’économie pulsionnelle et engendre des mécanismes de défense comme le clivage. Ce mécanisme entrave le processus de liaison pulsionnelle et occasionne une « paralysie psychique ». Selon le disciple de Freud, il incombe à l’analyste de réactiver la partie clivée « morte en hibernation ». La levée du clivage s'amorce par la capacité de l’analyste à pouvoir penser l’évènement traumatique. Cette conception du vécu du trauma est perceptible dans une partie de l’exposé de 1930, « Principe de relaxation et néocatharsis ». Selon Ferenczi :

[ …] une analyse ne saurait être considérée comme achevée [ …] si l’on n’a pas réussi à atteindre le matériel mnésique traumatique […] Après avoir accordé toute l’attention qui revient à l’activité fantasmatique en tant que facteur pathogène, j’ai été amené, ces derniers temps, à m’occuper de plus en plus fréquemment du traumatisme pathogène lui-même » (Ferenczi, 1930, p. 93).

Le moyen de lever le clivage se fait alors par la capacité de l’analyste à pouvoir penser l’évènement traumatique. Ainsi, Ferenczi accentuait alors la cure sur l’aspect primaire de la relation et le transfert de type maternel et préconisait à l’analyste de rentrer en contact avec l’enfant dans l’adulte pour prendre connaissance des traumas survenus de manière précoce.

Freud finit par rompre avec son disciple en raison de divergences théoriques. Alors que Freud avait abandonné la théorie de séduction depuis plusieurs décennies, Ferenczi jette un pavé dans la mare lorsqu’il y fait implicitement référence lors de son exposé au Congrès de Budapest. Ferenczi donne alors l’impression de régression en invoquant une théorie

abandonnée par Freud. Il mettait en quelque sorte en cause la conception de la névrose en tant que résultat d’un conflit psychique. De plus, il avait une conception de la cure moins orthodoxe que celle de Freud. En proclamant une certaine élasticité de la cure, il l'axe davantage sur l’aspect primaire et se centre sur la relation de transfert de type maternel. Ferenczi est amené à déplorer « l’hypocrisie professionnelle » dans le positionnement de nombreux psychanalystes en faisant référence à leur sentiment de toute puissance, leur forme de certitudes quant à leur savoir, l’indifférence à la souffrance (Ferenczi, 1931, p. 101) :

« L’attente froide et muette, ainsi que l’absence de réaction de l’analyste, paraissent alors souvent jouer dans le sens d’une perturbation de la liberté́ d’associations. Dès que le patient se trouve disposé à tout livrer en s’abandonnant réellement, à dire tout ce qui se passe en lui, il émerge soudain de son état, en sursaut, et se plaint qu’il lui est vraiment impossible de prendre au sérieux ses mouvements intérieurs quand il me sait tranquillement assis derrière lui, fumant ma cigarette et réagissant, tout au plus indifférent et froid, par la question stéréotypée : « Qu’est-ce qui vous vient à ce propos ? » Alors j’ai pensé qu’il devait y avoir des moyens d’éliminer cette perturbation des associations pour fournir au patient l’occasion de déployer plus largement sa tendance à la répétition, tendance qui lutte pour arriver à percer. Mais il m’a fallu pas mal de temps pour recevoir, une fois de plus des patients eux- mêmes, les premiers encouragements quant à la manière d’y parvenir ».

Ferenczi propose donc des innovations techniques marquées par l’attitude active et empathique du praticien. Alors qu’il portait un intérêt particulier au trauma, il semblerait que son positionnement se reflète dans des formes psychothérapeutiques destinées à prendre en charge des patients victimes de certains traumas.

Qu'en est-il de cette forme de thérapie ?

4.4.2. La psychotraumatologie et la victimologie

Dans la victimologie ou la traumatologie, les méthodes de débriefing portant sur l’élaboration des récits des évènements sont des mesures souvent préconisées.

Certains auteurs estiment que le trauma provoque une atteinte narcissique susceptible de balayer l’illusion de toute-puissance (Behaghel, 2010). Le travail de reconnaissance, qui suit, de sa propre vulnérabilité, correspondrait à un véritable travail de deuil où le sujet est amené à reconnaître l’impuissance du « Je ». La mise en place d’un cadre psychothérapeutique particulièrement sécurisant favoriserait la reconstitution du « Je ». Ce cadre correspond à une sorte d’accueil chaleureux de la personne, pour ne pas la mettre en situation d’impuissance. La mise en place des séances de « débriefing collectif » peut apporter au sujet le ressenti d’être soutenu par son entourage (Behaghel, 2010).

La question d’un cadre sécurisant est un élément souvent évoqué dans le domaine des thérapies des victimes de trauma. Par exemple, Bessoles (2006) indique que la situation traumatique peut provoquer des envahissements d’affects, susceptibles d’être régulés par « la reconstitution progressive des enveloppements psychiques primaires pour le patient, la mise en place d’un cadre contenant et sécurisant et la promotion de l’expression des affects » (Bessoles, 2006, p. 233).

La méthode de psychotraumatisme permettrait au patient de faire un récit de son trauma afin d’établir des liens entre la souffrance psychique et les situations ou évènements rencontrés. Damiani (2009) parle du phénomène de contextualisation, Pignol (2011) opte pour le vocable d’historiage. Waintrater (2003), dans son ouvrage dédié aux groupes de rescapés des génocides (notamment la Shoah), fait référence aux véritables entretiens de témoignage des rescapés. Elle souligne le fait que le témoignage ne vise pas principalement la recherche d'un sens latent ou de conflits inconscients, mais plutôt l’élaboration d’un récit pour contribuer à la compréhension d’un évènement ou d’une situation. Il permet aux victimes de donner une signification collective d’un vécu.

L’acte thérapeutique dans le trauma et la victimologie ne viserait donc pas seulement le récit des conflits et tensions. Il essaierait également de favoriser un travail psychique, notamment la remémoration et l’élaboration du vécu. Il s’agirait d’un travail qui irait plus loin que la simple « description des faits », qui permettrait de fournir à l’individu une « aide à redevenir un sujet désirant ». Il serait question pour le thérapeute et le patient de donner un sens, en établissant des liens psychiques et des représentations liées au trauma. La victime serait alors amenée à « intégrer et penser » l’évènement traumatique sans être détruite par les représentations (Damiani, 2003).

Certains auteurs soulignent que le phénomène « d’après-coup » est susceptible d’atteindre la victime dans un second temps. Ainsi, le traumatisme subi pourrait réactiver des évènements endurés antérieurement, qui serviront de « caisse de résonance » (Damiani, 2003). Le travail clinique a donc pour but de tenir compte des liens existants entre l’évènement actuel et les traumas antérieurs, tout en intégrant d'éventuelles scènes fantasmatiques.

Enfin, alors que l’attitude bienveillante du thérapeute est préconisée, une neutralité trop poussée, avec trop de silences ou de l’inactivité du côté du thérapeute, risquerait de provoquer un sentiment d’abandon chez le sujet. Ainsi, il serait préconisé, de la part du thérapeute, d’avoir un positionnement interactif dans le cadre de la relation thérapeutique.

Parfois divisé en plusieurs étapes (Pignol, 2011, Damiani, 2003), l’entretien psychothérapeutique peut se dérouler selon différentes phases. Ainsi, le premier chaînon

consisterait à conduire une présentation du cadre institutionnel avant de passer au questionnement sur les faits, les pensées et les émotions. Enfin, la dernière partie impliquerait de poser des questions et faire des relances pour permettre au patient d'effectuer un travail de reconstruction et d’élaboration afin de donner un sens à ce qui lui est arrivé. Les entretiens avec la victime sont considérés être plus une « guidance » qu’une simple écoute. Le thérapeute fait à la fois un travail sur l’évènement ainsi que sur les implications personnelles du sujet dans la sphère sociale, avec une attention aux phénomènes de culpabilité du patient.

4.4.3. La psychologie géopolitique clinique

Proche de l’ethnopsychiatrie, la psychologie géopolitique clinique est applicable à la prise en charge des patients victimes de tortures. L’angle d’approche reste celui du psychologue clinicien, dans la mesure où elle s’intéresse à la manière dont les individus et les groupes sont traversés par l’histoire collective contemporaine. En interaction avec différents champs disciplinaires, la psychologie géopolitique clinique est considérée en tant que « pratique engagée » et tient compte des : « modes d’action et l’impact, sur la psychologie des individus, de ces faits politiques et sociaux contemporains » (Sironi, 2007, p. 198).

Considérée comme une approche transdisciplinaire de terrain, elle procède à la mise en synergie de diverses disciplines. Elle tient compte de l’influence du collectif sur l’individu et vice-versa. L’instigatrice de l’approche, Françoise Sironi, considère que dans le cadre de la clinique de la torture, le praticien doit éviter de procéder au « plaquage d’interprétations psychologisantes (problème de la petite enfance, conflits relationnels, carences affectives précoces) sur des faits qui appellent en réalité une complexification des lectures et des interventions. » (Sironi, 2007, p. 200).

Les facteurs collectifs et géopolitiques se placent au centre de la pratique thérapeutique. L’objectif dans cette pratique reste d’éviter d’interpréter, comme relevant de « matériau intrapsychique », ce qui provient d’éléments en lien avec une composante culturelle ou historique. Comme dans l’ethnopsychiatrie, les problématiques psychologiques développées par les individus sont en interface avec les mondes culturels, politiques, sociaux ou religieux. Elles restent des reflets des « malaises collectifs contemporains ou en devenir ». L’approche se penche sur la traçabilité psychologique individuelle et collective des événements politiques présents et passés.

Le suivi thérapeutique de Sironi consiste à construire l’articulation entre les éléments du contexte politique actuel, l’histoire culturelle et l’histoire singulière. Son approche est considérée agir dans le monde et sur le monde avec une méthode de recherche-action. La clinique du traumatisme conserve l’objectif de permettre au patient de comprendre la nature d’un traumatisme et de mettre en place une thérapeutique efficace pour prendre en charge des patients qui ont été torturés (Sironi, 1999). Ainsi, le thérapeute va chercher à retrouver la

théorie du tortionnaire, la livrer, la discuter ou la construire ensemble, pour mener la thérapie sur un « mode pédagogique ou intellectuel » (Sironi, 2007). La classification nosographique, quant à elle, prend une importance relative. « À bien y regarder, tout diagnostic psychologique est politique, car il est le reflet de la manière de considérer ce qui relève de la norme et de la déviance sociale, sexuelle, culturelle, dans une société et à une époque données » (Sironi, 2007, p. 203). Sironi préconise, pour les cliniciens, de bonnes connaissances dans d’autres disciplines, en l’occurrence l’anthropologie, l'histoire ou la politique, les sciences économiques et juridiques. Par ailleurs, les cliniciens sont invités à rester entourés par des experts dans les domaines précités.

4.4.4. Articulations entre la clinique du travail, la psychanalyse et le trauma

Alors que la psychanalyse s’intéresse à la névrose et à la décompensation, la clinique du travail se penche sur la question de la préservation de la normalité. Ainsi, les travaux de Christophe Demaegdt apportent des éclaircissements importants sur l’articulation entre la clinique du travail, la clinique du trauma et la psychanalyse (Demaegdt, 2012, 2014, 2015). Avec en toile de fond des questionnements portés par plusieurs membres de la société psychanalytique pendant la première guerre mondiale, concernant le travail du soldat, les travaux de Demaegdt font référence aux discussions sur l’étiologie des névroses de guerre et les questions sur la définition du traumatisme.

Lors des discussions sur les névroses liées à la première guerre mondiale, plusieurs psychanalystes les expliquent par un conflit sexuel entre désirs et interdits inconscients (souvent en invoquant l’hystérie masculine). Cependant, dans son texte de 1919 Introduction à la psychanalyse des névroses de guerre (cité par Demaegdt, 2012), Freud avance l’idée que les traumatismes de guerre seraient une forme particulière de la névrose traumatique, favorisée par un conflit du Moi. Freud fait alors référence au conflit entre « l’ancien moi pacifique » et le « nouveau moi guerrier » du soldat. Au lieu de situer le conflit dans la névrose de guerre entre le Moi et les pulsions sexuelles, le conflit se situerait à l’intérieur du Moi du sujet. L’effroi spécifique au traumatisme du soldat serait la conséquence d’une rencontre soudaine avec un « ennemi intérieur ». La névrose de guerre serait alors une fuite du sujet et de son ancien Moi pacifique qui se défend de son nouveau Moi guerrier. L’introduction par Freud, en 1920, de la pulsion de mort dans Au-delà du principe du plaisir permet de solder la question épineuse sur l’étiologie du sexuel dans les névroses de guerre. Grâce à l’introduction d’un dualisme pulsionnel (Eros et Thanatos), la violence du soldat est

attribuée à la pulsion de mort (ce qui relève du hors sexuel). Or, qu’en est-il de la névrose traumatique du soldat ? Alors que Freud explique, dans un premier temps, le trauma de ces patients hystériques par le père incestueux, il abandonne sa neurotica et attribue dans un second temps le trauma aux fantasmes sexuels refoulés. Enfin, il introduit la pulsion de mort permettant d’attribuer le trauma au débordement de cette dernière. Les atrocités commises pendant la guerre des tranchées s’expliqueraient alors par une agressivité originelle inscrite dans le programme biologique de l’humain. Cela permet d’évacuer la question sur le travail du soldat (et du pourquoi et comment de ces actes violents) sans s’attarder sur les questions du clivage du Moi.

Alors que Freud explique certains passages à l’acte violents par la pulsion de mort (donc un reliquat métabiologique et non sexuel), la clinique du travail base une partie de ses écrits sur les avancées de Laplanche (1987), notamment la « Théorie de séduction généralisée ». Selon Laplanche, l’interaction entre l’enfant et l’adulte s’inscrit dans un travail de traduction active par l’enfant des « messages énigmatiques » de l’adulte, impliqué dans le soin de l’enfant. Par ses fantasmes inconscients, l’adulte transmet des messages à l’enfant qui activement fait un travail d’herméneute. Certains messages violents et de domination peuvent arrêter la pensée du nourrisson et provoquer soit un état de sidération et/ou un excès d’excitation. Ces messages chargés par la violence et la domination restent non traduits (et donc non refoulés) et se sédimentent dans une zone de l’inconscient appelée par Dejours « l’inconscient amential » (Dejours, 2003b) ou bien par Laplanche « l’inconscient enclavé » (1987). La confrontation d’un sujet à la violence et à la domination de l’environnement social peut lui demander de répondre à ces zones sédimentées de l’inconscient. Ces situations qui provoquent l’augmentation d’une tension chez l’individu sont susceptibles de déclencher un déchaînement de violence, sous forme d’un passage à l’acte dépourvu de toute réflexion et logique associative de la pensée. À la place d’un travail de sublimation, qui nécessite la répression puis la liaison pulsionnelle, le déchaînement et l’économie sado-masochiste peuvent être mobilisés pour renforcer la violence et les rapports de domination. Ce phénomène peut expliquer le processus permettant au sujet de participer de façon zélée à un système qu’il réprouve pourtant moralement. Selon la clinique du travail, le conflit du Moi chez le sujet clivé (notamment lorsqu’il provoque la décompensation) coïncide avec la déstabilisation du clivage. Alors que les parties clivées consistent en deux secteurs du Moi qui fonctionnent indépendamment l’un de l’autre, la clinique de travail permet de comprendre ce qui autorise le maintien du clivage ou bien ce qui amène à le déstabiliser et à provoquer une

crise identitaire. Une solution, pour l’individu, de garder les zones de clivage intactes, serait d’opérer un clivage radical des deux parties du Moi, ce qui nécessiterait d’arrêter la pensée au détriment de toute réflexion et liaison pulsionnelle. La souffrance éthique, qui aura lieu lorsque le sujet commence à souffrir par ses actes commis, reprouvés moralement, requiert un début de pensée avec comme conséquence la déstabilisation du clivage.

L’angle d’approche dans la psychodynamique du travail explique par sa dimension sociale les phénomènes de stratégies défensives indiquant comment ne pas décompenser. Dans la clinique, les phénomènes de violence, notamment la servitude volontaire et le zèle peuvent révéler certaines formes de décompensations en invoquant le clivage du Moi et la souffrance éthique.

4.4.5. Articulations entre la clinique du travail et la clinique psychanalytique

La clinique du travail se distinguerait avant tout par la place accordée au travail dans