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Chapitre 4 – La Psychothérapie

2. L’alliance thérapeutique

Définie comme « une collaboration mutuelle, le partenariat, entre le patient et le thérapeute dans le but d’accomplir les objectifs fixés » (Biouy et Bachelart, 2010, p. 318), Freud faisait implicitement référence au concept d’alliance en évoquant la collaboration comme facteur nécessaire dans le

23 Il est à noter que l'IPT est en Suède considérée comme une forme de thérapie préconisée par les pouvoirs

publics dans la réhabilitation des patients.

24 L’idée sur comment une théorie est susceptible de guider une pratique ou bien si c’est la pratique qui forge la

théorie fait écho au débat épistémologique entre ce que Julien Dumesnil (2011) nomme la théorie du « sceau » et la théorie du « projecteur » (également reprise dans la thèse de Duarte Rolo de 2013). En faisant référence à Popper qui oppose la théorie du « sceau » et la théorie du « projecteur », la première alternative place l’origine de la connaissance dans l’expérience. Ce point de vue situe la connaissance suite à une accumulation de recueil d’observations. En revanche, la théorie du « projecteur » considère que le savoir théorique prime sur l’expérience vécue. Selon la théorie du « sceau », l’action forge la théorie, alors que selon l’alternative du « projecteur », c’est la théorie qui permet de produire l’action.

processus thérapeutique (Breueur et Freud, 1895). Il faisait alors mention d’une dimension du transfert, qui correspondrait à la motivation du patient à vouloir coopérer avec l’analyste (Freud, 1912).

La notion d’alliance thérapeutique en tant que telle est introduite par Elisabeth Zetzel (Zetzel, 1956). Elle affirme alors que « l’alliance est dépendante de la capacité fondamentale à former une relation de confiance stable » (Biouy et Bachelart, 2010, p. 319). Une notion similaire, celle d’alliance de travail, est présentée par le psychanalyste américain Ralph Greenson (Greenson, 1965). Ce dernier se serait alors inspiré de la notion de « transfert positif paternel » pour définir« l’aptitude du patient à travailler dans la situation analytique » (Petot, 2011 p. 137). Le « moteur de l’alliance », quant à lui, serait lié au désir du patient de surmonter sa maladie. Selon Greenson, la relation thérapeutique est alors assimilable à la capacité du patient et du thérapeute à travailler dans le sens de l’objectif visé.

Luborsky fait partie des thérapeutes qui développent le concept d’alliance aidante (helping alliance). Il conçoit ce concept selon deux pôles (Luborsky, 1984 cité par Petot, 2011). Un des pôles correspond à une coopération active entre le patient et le thérapeute. Cette forme d’alliance serait typique pour les patients dotés d’un positionnement actif pendant la thérapie. Ce serait des patients qui fourniraient du matériel au clinicien et faciliteraient les interprétations de type psychanalytique. À l’autre pôle se situent les patients qui forment une alliance plus passive, impliquant plus de dépendance et de docilité. Cette forme d’alliance serait un héritage du « transfert paternel freudien » et rendrait le patient sensible à l’influence du thérapeute (Petot, 2011). Luborsky considère que les deux formes d’alliance favoriseraient l’avancée de la thérapie. Toutefois, l’alliance active représenterait une forme supérieure de coopération. Elle favoriserait les interprétations de la part du thérapeute et permettrait de se rapprocher davantage de la cure-type psychanalytique. En revanche, les patients qui présenteraient une alliance plus proche de la « passivité » auraient besoin d'une forme de thérapie plus « soutenante ».

Reynaud et Malarewicz, (Reynaud et Malarewicz, 1996 cités par Chambon et Marie-Cardine, 2003) soulignent que les changements observés en psychothérapie sont liés aux facteurs généraux (dont l’alliance thérapeutique) et facteurs spécifiques (propres à une technique psychothérapeutique). De même, la relation thérapeutique (conçue en tant que relation vécue d’aide et de travail en commun) ainsi que la relation transférentielle et contre-transférentielle

correspondraient aux aspects curatifs de la psychothérapie dans les facteurs définis par Young (Young, 1992). Il conçoit la relation thérapeutique selon 5 facteurs :

• Le sentiment d’efficacité personnelle et estime de soi. • Pratique de nouveaux comportements.

• Régulation ou accroissement du niveau d’activation émotionnelle. • Induction d’attentes positives et amélioration de la motivation. • Expériences génératrices d’insight et de changements de perception.

L’alliance thérapeutique serait alors définie comme une attirance ou un sentiment positif chez le patient. Pour produire cet effet, le patient devrait percevoir son thérapeute comme une personne compétente (Chambon et Marie-Cardine, 2003). Les qualités d’écoute, d’attention et d’observation sont les fondements essentiels de la relation thérapeutique. Elles consisteraient à savoir « écouter avec tout son corps » (Chambon et Marie-Cardine, 2003, p. 62).

Selon plusieurs études, la qualité de l’alliance thérapeutique est parfois considérée comme plus déterminante de l’avancée de la thérapie que les techniques spécifiques appliquées par le praticien (Biouy et Bachelart, 2010). Dans cette logique, Lambert (Lambert 1992 cité par Bachelart et Parot, 2014) détermine quatre éléments permettant de prédire l’issue d’une psychothérapie ; les facteurs relationnels communs (dont l’alliance thérapeutique) et les attentes du patient seraient, selon cette étude, « responsables » de 45 % de l’avenir de la thérapie. Bordin, quant à lui, affirme que l’alliance ne serait pas curative en soi, mais constituerait un outil permettant au patient d’adhérer à la thérapie. Une alliance forte lui permettrait alors de s’engager dans les activités spécifiques, propres à la thérapie (Bordin, 1979). En revanche, alors que des études mettent en avant la corrélation entre l’intensité perçue de l’alliance thérapeutique et la rémission des symptômes, aucune étude n’a pu établir une relation causale entre les deux (Biouy et Bachelart, 2014). Ainsi, il est difficile de déterminer si la qualité de l’alliance est une conséquence de la qualité du praticien ou vice- versa.

Quels sont les éléments jugés, par les patients, comme importants chez le thérapeute ? Dans une étude (Sloane et al., 1975), les items, qui selon la grande majorité des patients sont importants chez le thérapeute, seraient les éléments suivants :

• La personnalité du thérapeute ;

• le fait d’aider le patient à comprendre le problème ;

• l’encouragement de permettre au patient petit à petit d’affronter les choses qui le tracassent ; • l’impression de pouvoir parler à une personne compréhensive ;

• l’impression d’arriver à mieux se comprendre soi-même.

Selon cette étude, la perception du praticien par le patient serait donc l’élément le plus important dans sa relation avec lui. Cette perception d’une personne compétente et digne de confiance augmenterait alors les chances de progrès, indépendamment de l’approche du thérapeute.

Le concept de l’alliance thérapeutique sera approfondi par des psychanalystes américains, représentants de l’École de psychologie du moi (Petot, 2011). Cette notion sera également adoptée par des courants psychologiques non psychanalytiques, dans l’objectif de trouver une notion propre à la « relation interpersonnelle » en psychothérapie. Alors que les praticiens psychanalystes font référence au concept du transfert, d’autres thérapeutes préfèrent faire usage de la notion d’alliance thérapeutique, concept plus compatible avec leurs postulats et concepts. Ainsi, certains auteurs estiment inutile de faire une distinction entre les notions d’alliance thérapeutique et de transfert (Brenner, 1979 cité par Bachelart et Parot, 2014). Le choix du terme serait alors avant tout lié à l’appartenance à une école de psychothérapie.