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Chapitre 4 – La Psychothérapie

4. La psychanalyse

4.1. Cure type et psychothérapie à inspiration psychanalytique

La question sur la visée (psycho ? )thérapeutique de la psychanalyse est sujette à controverses. Widlöcher (1994) indique que la visée thérapeutique ne serait pas nécessairement immédiate dans le cadre d’un travail psychanalytique. La « guérison des symptômes » ne serait alors qu’une conséquence indirecte d’un travail d’ouverture de nouvelles voies de la pensée et d’élargissement des champs de représentations. Il s’agirait alors, selon lui, de permettre à l’analysant de tendre vers une plus grande liberté de penser, ce qui également peut s’accompagner d’un effet thérapeutique. Dans tous les cas, Widlöcher reconnaît l’existence de points de vue différents sur la conception de la pratique analytique. Alors que certains praticiens proclament une certaine orthodoxie dans la pratique, elle pourrait être perçue soit comme une méthode soit comme une science « qui doit se développer et se renouveler » (Widlöcher, 1994 ; p. 459).

Il est à noter que la pratique psychanalytique au cours des dernières décennies n’est plus exclusivement réservée à la cure-type, mais laisserait une part de plus en plus importante à la psychothérapie (Charbonnier, 2002). Toutefois, des controverses existent quant à la question des critères qui différencient psychothérapie et psychanalyse. Alors que Freud recevait ses analysants cinq fois par semaine, la question se pose aujourd’hui de savoir si la définition d’une cure-type est déterminée par le nombre de séances par semaine ou bien par le processus qui se déroule. Quant à la technique, il est également difficile de distinguer les pratiques propres à la cure psychanalytique de la thérapie.

Laplanche et Pontalis (1967) entendent la psychanalyse comme souvent opposée aux diverses formes de psychothérapies d’orientation non psychanalytique. La pratique psychanalytique se singulariserait alors par l’analyse du transfert et l’interprétation du conflit inconscient. Dans le sens de « psychothérapie analytique », ils veulent signifier une forme de thérapie s’appuyant sur des principes théoriques et techniques de la psychanalyse.

Charbonnier (2002), quant à lui, fait plutôt la distinction entre ce qui est une méthode psychanalytique ou bien une méthode d’une autre orientation. Il indique que le fait de suggérer, conseiller, verbaliser ses propres sentiments à l’égard de son patient, toucher le patient ou une absence de cadre précis seraient des techniques qui appartiendraient à des pratiques clairement non psychanalytiques.

En revanche, Kernberg (1999, cité par Charbonnier, 2002) affirme que la psychanalyse et la psychothérapie ont une théorie commune, mais des objectifs qui varient : la psychanalyse chercherait à intégrer un conflit inconscient refoulé ou dissocié alors que la psychothérapie psychanalytique essaierait de réorganiser la structure psychique dans un contexte de changement.

Gilbert Diatkine (2012) semble également faire une certaine distinction entre thérapie et cure- type en indiquant que le psychanalyste ne tenterait pas d’influencer le patient, alors que le psychothérapeute poserait beaucoup de questions à son « malade » et lui donnerait de nombreux conseils. Ainsi, Diatkine semble distinguer la cure-type et la thérapie par le degré d’utilisation de la suggestion.

Roussillon (2006) paraît aller dans le même sens que Diatkine, bien qu’il n’indique pas clairement ce qui ferait la différence entre thérapie et cure-type. Selon Roussillon, Freud aurait estimé que l’opposition ne passe pas entre la psychanalyse et la psychothérapie, mais entre la psychanalyse et la suggestion. Roussillon écrit sur la suggestion dans le cadre d’une psychothérapie :

« Le choix passe en effet par le fait d’utiliser la suggestion, celle qui est inévitable et inhérente à la situation - qui surgit de l’existence même du transfert, et sur laquelle l’analyste n’a aucun contrôle car elle ne dépend pas de lui mais du fait que ses interventions sont “reçues” à partir de la position qu’il occupe dans le transfert - pour «dépasser » la suggestion par l’analyse du transfert, et le fait d’utiliser la suggestion pour exercer une influence sur le patient » (Roussillon, 2006, p. 43).

Ainsi, alors que l’élimination de l’influence du thérapeute sur le patient serait inévitable (elle ferait partie de la relation transférentielle), l’analyse du transfert serait la pierre angulaire de la pratique psychanalytique. Il ne s’agirait pas d’emblée d’éliminer la suggestion de la pratique psychanalytique, mais plutôt de prendre des précautions pour ne pas avoir d’effets induits ou d’induction sur la vie psychique du patient. Alors qu’il ne définit pas clairement la différence entre psychothérapie et cure-type, Roussillon semble critiquer le fait que certains praticiens soutiennent que le cadre psychothérapique (par différence à la cure-type) autoriserait une certaine perte de rigueur :

« comme si les impératifs de la pratique psychanalytique sembleraient pouvoir se relâcher dès que l’on quitte la stricte définition de la cure-type et que l’appellation de « psychothérapie » autorisait toutes les variantes et tous les aménagements ! » (Roussillon, 2006, p. 45).

Par conséquent, il serait difficile de clairement faire la distinction entre la cure-type et la psychothérapie. Il ne s’agirait pas seulement d’une question dans l’application de façon « orthodoxe » ou non (position allongée sur le divan ou bien en position assise en face à face, nombre de séances par semaine, place pour la suggestion délibérée ou pas). Une question centrale pourrait être l’utilisation ou non de la suggestion, ce qui serait lié à l’urgence ou pas d’une visée thérapeutique immédiate. Est-ce que le praticien frustre le patient ou non, quitte à nuire au travail psychanalytique propre à la relation transférentielle ?

Compte tenu des questionnements sur la relation transférentielle dans la cure-type et la psychothérapie, la partie suivante vise à développer ce concept.