• Aucun résultat trouvé

La transférabilité des droits d’exclusivité d’un brevet à un autre

Chapitre IV : Les solutions non juridiques proposées pour résoudre le problème d’accès au

IV.1. Les solutions fondées sur la particularité des médicaments

IV.1.3. La transférabilité des droits d’exclusivité d’un brevet à un autre

L’autre solution plus ou moins importante parmi la multitude d’autres proposée est la transférabilité des droits d’exclusivité conférés par les brevets sur un médicament essentiel à un autre choisi par le titulaire de ces brevets. Elle est intéressante puisqu’elle traduit l’esprit prolifique

105 La demande pour un bien est dite élastique si la quantité demandée par le consommateur v arie substantiellement lorsque les prix varient. Elle est dite inélastique si au contraire la quantité demandée par le consommateur varie peu lorsque les prix varient (Chassagnon, 2013). La demande pour les biens de première nécessité est inélastique, ce qui est cas pour les médicaments. Un patient ne va pas diminuer sa dose quotidienne ou différer la prise de ces médicaments au motif que les prix de ces derniers ont augmenté (Chassagnon, 2013).

122

des auteurs qui se sont intéressés à la question des brevets face à l’accès aux médicaments. Après avoir expliqué brièvement en quoi consiste la transférabilité des droits d’exclusivité des brevets, nous allons voir que cette solution est loin de satisfaire les intérêts des chercheurs et des entreprises.

a. Notion de transférabilité des droits d’exclusivité d’un brevet

Comme mentionné précédemment, la transférabilité des droits d’exclusivité d’un brevet à un autre est une opération qui consiste, pour le détenteur, d’abandonner ses droits sur un brevet et les transférer sur un autre de son choix, en prolongeant la durée de validité de ce dernier ou en le réactivant s’il avait déjà atteint sa date d’échéance. Pour des défenseurs de cette solution, celle -ci consisterait à utiliser les médicaments à succès dans les pays développés pour favoriser l’accès aux thérapies pour les maladies infectieuses dans les pays en développement (Guesmi, 2011 : 425). Pour les maladies négligées, la proposition viserait à faire bénéficier aux firmes développant des produits destinés au traitement d’une des pathologies prévalant dans les pays du Sud, d’un système de « transférabilité du droit d’exclusivité du brevet » grâce auquel elles pourraient jouir d’un allongement de brevet sur un autre produit ou d’un « droit à un traitement prioritaire » de leur demande de mise sur le marché sur un autre médicament de leur choix qui est très utilisé dans les pays du Nord.

En d’autres mots, il s’agit d’accorder des avantages aux firmes pharmaceutiques qui investissent dans les recherches sur les maladies négligées ou tropicales, en leur accordant un allongement ou un délai supplémentaire pour un des brevets qu’elles choisissent elles -mêmes parmi ceux qui couvrent un médicament très vendu ou recherché dans les pays du Nord, en échange de quoi elles abandonnent leurs droits sur un médicament contre une maladie négligée ou un autre médicament recherché ou essentiel pour les pays du Sud. L’autre avantage qui peut être accordé aux firmes s’intéressant aux maladies négligées consisterait, selon ces auteurs, à leur accorder « un droit de traitement prioritaire » quand elles introduisent une demande d’autorisation de mise sur le marché de leurs nouveaux médicaments. Cependant, au regard de son fonctionnement et de se s fondements, il est permis de douter de l’efficacité de cette proposition à résoudre le problème de l’inaccessibilité des médicaments brevetés dans les pays du Sud.

123

b. La transférabilité des droits, une solution qui n’en est pas une

La transférabilité des droits constitue un mécanisme très compliqué à mettre en œuvre étant donné que les médicaments ne s’équivalent pas. Il serait en effet difficile de déterminer comment et dans quelles proportions un médicament est interchangeable avec un autre. En outre , la contrepartie qui consiste à accorder un droit prioritaire d’étude de leur dossier de demande de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) n’est pas à proprement parler un argument à faire valoir devant la complexité de la question des brevets dans le secteur de la santé. En effet, cet avantage administratif n’en est pas un, puisqu’il est du devoir des autorités chargées des dossiers de faire diligence et de donner suite dans les meilleurs délais aux demandes de toute entreprise qui dépose un dossier pour analyse. En effet, l’AMM est une décision administrative motivée par la satisfaction des exigences techniques de la demande et non d’un quelconque arrangement politique ou à l’amiable entre une firme pharmaceutique qui fait la demande pour son nouveau médicament et l’administration chargée d’examiner la demande et traiter le dossier d’une manière professionnelle et adéquate, le tout dans des délais raisonnables.

D’un autre côté, l’offre de prolonger la durée du brevet pour un médicament contre un autre est peu convaincante pour les firmes pharmaceutiques. Il serait en effet improbable ou surprenant que ces dernières investissent d’énormes ressources dans la recherche sur une maladie négligée dans l’unique but de pouvoir demander par la suite la prolongation du brevet sur un de leurs médicaments existants, même si ce dernier était le plus vendu dans les pays développés. En effet, le fabricant fait d’abord une évaluation du potentiel et des perspectives des profits qu’il va réaliser avant d’effectuer son investissement, surtout quand il s’agit de la recherche et développement portant sur les médicaments qui exigent d’importantes dépenses. Le fabricant investit en pensant à un marché donné, et il serait contre-productif de lui demander de se détourner de ce marché pour s’intéresser à un autre qui n’a rien à voir avec ses plans d’investissement. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le brevet est avant tout un titre national, sa prolongation dans un pays ne signifie pas qu’il le sera dans d’autres. Il y en a, parmi ces derniers, qui attendent impatiemment la fin de la durée du brevet pour pouvoir produire et commercialiser les génériques de ce médicament couramment utilisé ou recherché par leurs patients. Entreprendre des négociations pour arriver à des comp romis allant dans le sens de cette solution serait donc difficile, étant donné la divergence d’intérêt entre pays, dont les populations aimeraient profiter des médicaments moins chers, après l’expiration attendue de

124

leurs brevets, sans oublier les dépenses publiques de santé qui seraient allégées. On voit donc que, face à la problématique des brevets et l’accès aux médicaments, les marges de manœuvre sont limitées. Qu’en est-il de l’adoption des prix différenciés ou multiniveaux dans la résolution du problème ?