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Chapitre I : Problématique, cadre opératoire et définition des principaux concepts

I.2. Définition des principaux concepts

I.2.2. Les concepts liés aux médicaments et aux brevets

Un médicament est « toute substance ou composition possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales et pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical, restaurer ou corriger leurs fonctions physiologiques ou immunologiques » (PSF, 2004). Dans ce travail, il sera beaucoup allusion aux médicaments, et plus

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globalement aux produits pharmaceutiques, qui sont légèrement différents des premiers. Dans la littérature relative aux difficultés d’accès aux médicaments, il est souvent fait référence aux médicaments brevetés, aux médicaments génériques et aux médicaments essentiels. Il est donc important, pour la clarté dans la lecture, de préciser toutes ces notions.

a. Produits pharmaceutiques

Dans ce travail, le sens qui sera donné au concept « produit pharmaceutique » est celui qui lui généralement reconnu dans le cadre des accords de l’OMC. Selon ces derniers, l’expression « produit pharmaceutique » s’entend de tout produit breveté ou fabriqué au moyen d’un procédé breveté du secteur pharmaceutique. Il inclut les principes actifs nécessaires à la fabrication des médicaments et les autres produits sanitaires ainsi que les kits de diagnostic nécessaires à leur utilisation (OMC, 2003). Ainsi, outre les médicaments, les produits pharmaceutiques englobent aussi tout ce qui est nécessaire à la prise en charge de personnes souffrant d’une pathologie en vue de les soigner, y compris le matériel nécessaire pour le diagnostic, le traitement, l’hospitalisation, la réadaptation, le suivi des malades convalescents, etc. Les termes « médicaments » et « produits pharmaceutiques » seront donc utilisés invariablement étant donné qu’ils sont tous d’usage médical. Cependant, une différenciation devra être observée entre les termes utilisés pour désigner les médicaments selon qu’ils sont brevetés ou non. On parlera alors de médicaments originaux ou de médicaments génériques.

b. Médicaments originaux ou princeps

Appelé aussi spécialité, le médicament original ou princeps est celui reconnu comme étant nouveau et innovant et pour lequel un brevet, toujours valide, a été délivré à son inventeur par les autorités compétentes d’un pays et qui est fabriqué et commercialisé sous son nom de marque exclusif qui lui est uniquement réservé par le brevet portant sur son invention (Elliot, & al. 2003 : 2) Si un brevet n’a pas été demandé ou que la demande faite a été refusée ou encore que la durée prescrite a expiré, d’autres personnes que l’inventeur peuvent, en toute légalité fabriquer, importer ou vendre ce médicament sans demander l’autorisation de son inventeur. Ce produit fabriqué par les autres que le breveté est appelé en termes techniques « un médicament générique ».

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c. Médicaments génériques

Un médicament générique est la copie d’un médicament original, fabriqué sous licence (contractuelle ou obligatoire) ou après l’expiration du brevet qui le protégeait, c’est-à-dire après que l’invention soit tombée dans le domaine public. En principe, le médicament générique est commercialisé sous la dénomination scientifique officielle de son principe actif ou alors sous un nouveau nom approuvé comme marque de la firme qui le fabrique24. Ce nouveau nom doit être différent au nom de marque que porte le médicament original. Le nom du médicament générique est lui aussi protégé par les règles relatives à la protection des marques en faveur de la firme ou de la personne qui a dénommé ainsi le médicament générique en question (PSF, 2009a).

En principe, un médicament générique est interchangeable avec son médicament original dont il est la copie, étant donné que les deux médicaments doivent avoir le même principe actif, les mêmes propriétés et qualités thérapeutiques (Espié, 2012 : 1). Les produits génériques doivent être conformes aux normes de qualité et de sécurité applicables aux produits brevetés et doivent obtenir, comme ces derniers, l’autorisation de mise en vente (Gervais, 2010 : 82). Il n’y a donc pas d e liens entre la propriété intellectuelle et la qualité des médicaments (Guesmi, 2011 : 562-565), même si les prix des médicaments génériques sont souvent inférieurs à ceux des médicaments princeps. Cet écart de prix s’explique, non pas par la différence de qualité des médicaments, mais par le fait que le fabricant des génériques vend ses produits au prix coûtant, incluant seulement les coûts de production, de distribution et de commercialisation, sans y incorporer les dépenses relatives à la recherche. Par exemple, les génériques des antirétroviraux des premières générations sont actuellement vendus à des prix situés entre 80 et 95% moins chers par rapport aux nouveaux produits brevetés (Vershave, 2004 : 229). Selon cet auteur, on trouve aujourd’hui des trithérapies génériques pour 140 dollars américains par an et par patient au lieu de plusieurs dizaines de milliers de dollars pratiqués dans les pays riches pour les médicaments brevetés et pour les effets thérapeutiques similaires (Vershave, 2004 : 230).

Il faut noter pour conclure ce point des médicaments génériques qu’il ne faut pas confondre ces derniers avec les médicaments contrefaits. Les « marchandises contrefaites » sont celles qui

24 En effet, le nom du médicament reste protégé d’une manière illimitée par le droit des marques et ne peut jamais tomber dans le domaine public, à moins que le titulaire de la marque l’abandonne ou ne paie plus les frais relatifs à la protection de sa marque.

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sont constituées par des copies frauduleuses des produits d’origine (Fabre, 2009 : 17). Selon l’OMS, « un médicament contrefait est un médicament qui est délibérément et frauduleusement muni d’une étiquette n’indiquant pas son identité ou sa véritable source » (OMS, 1992 : 7). La contrefaçon peut concerner un médicament original ou générique, et parmi les produits contrefaits, il en est qui contiennent de bons ou de mauvais ingrédients. Il en est d’autres où le principe actif est en quantité insuffisante, n’en contiennent pas du tout ou dont l’emballage a été falsifié (Elliot, & al. 2003 : 2).

Dans cette nomenclature des médicaments, un autre concept est souvent utilisé en ce qui concerne les brevets : les médicaments essentiels. En effet, en lisant les certains écrits portant sur les problèmes d’accès aux médicaments dans les pays en développement, on croirait que les médicaments essentiels sont ceux dont les brevets sont tombés dans le domaine public, comme si ce sont tous des génériques. En principe, la signification du concept « médicaments essentiels » n’a rien à voir avec les brevets : il y a des nuances à faire quant à l’utilisation de ce vocable de médicaments essentiels.

d. Les médicaments essentiels

Selon l’OMS, « les médicaments essentiels sont ceux qui satisfont les besoins de soins de santé de la majorité de la population »25 (OMS, 1999). Le critère pour considérer un médicament comme essentiel est donc l’échelle à laquelle le médicament est sollicité par les patients. La conséquence de la reconnaissance d’un médicament comme essentiel est que ce dernier doit être disponible en qualité et en quantité suffisante, ainsi qu’à un prix abordable pour les personnes qui en ont besoin (Elliot, & al., 2003 : 5).

Pour les médicaments réputés comme essentiels, l’OMS a établi une liste de référence qui est modulable ou adaptable selon les pays et leurs spécificités ou leurs situations locales (OMS, 2011). En effet, la décision de considérer un médicament comme essentiel demeure une responsabilité nationale (OMS, 2013). La plupart des médicaments inclus dans beaucoup de listes nationales sont souvent ceux tombés dans le domaine public. Les nouveaux médicaments brevetés, donc dispendieux, ne figurent pas sur la plupart de ces listes, les autorités nationales ne disposant

25 Traduction à partir de l’anglais du rapport du Comité d’experts de l’OMS sur les médicaments essentiels, novembre 1999 (cité par Elliot, & al., 2003 : 5).

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pas toujours les budgets pour assumer un tel engagement dans le cas de ces médicaments budgétivores. En effet, vu que la conséquence du classement d’un médicament comme essentiel est qu’il doit être accessible pour tous, ce qui implique qu’il doit être fourni gratuitement ou remboursé par la sécurité sociale, les autorités nationales sont réticentes à mettre sur cette liste la plupart des médicaments brevetés. Ce ne sont donc pas les brevets qui déterminent le caractère essentiel ou non d’un médicament, mais une décision politique, ce qui fait que dans les pays dé veloppés, il n’est pas rare de trouver sur leur liste des médicaments encore sous brevets, même si leur nombre est là aussi limité. Comme on le verra, tous les médicaments essentiels ne peuvent pas faire l’objet des actions du FIRM, étant donné que la plupart de ces médicaments relèvent déjà du domaine public et sont généralement bon marché. Cependant, comme l’OMS, le FIRM aura la latitude de déclarer un médicament comme essentiel, au regard de son potentiel impact sur la santé mondiale et c’est cette décision qui déclenche la procédure de rachat en vue de le rendre public et libre de droits. Si on peut admettre qu’il peut y avoir une liste des médicaments essentiels, il ne devrait pas y avoir une autre pour les maladies négligées. Qu’est-ce qu’une maladie négligée ou rare ?