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HAPITRE RRAINS

I. Quelle définition pour la station de moyenne montagne ?

3. Des trajectoires d’évolution spécifiques

Lire les stations de moyenne montagne comme des outils d’aménagement du territoire revient à affirmer le rôle de ces stations dans la dynamique économique, démographique mais également sociale de leur territoire d’ancrage. En effet, si les stations et leur autorité organisatrice affirment fréquemment la création d’emplois visant à l’installation de nouvelles populations, qu’en est-il réellement ?

Notre démarche mobilise ici une méthodologie inductive. En effet, au moment de nous poser cette question de l’existence de trajectoires d’évolution des stations de moyenne montagne, nous avions, par la littérature scientifique, par le discours tenu par certains acteurs locaux recueilli en entretien semi-directif et par pratique de l’observation participante, une idée, encore peu construite, des trajectoires de stations qui pourraient à termes être mises en évidence. Ainsi, nous avons cherché, en observant la situation de stations implantées dans différents contextes territoriaux, à confirmer ces trajectoires d’évolution pressenties et à les illustrer au moyen d’exemples choisis. De fait, si nous avons fondé notre réflexion sur

l’observation de la situation de nombreuses stations, nous ne présenterons ici que l’aboutissement de cette réflexion, celle-ci ne constituant pas l’objet principal de notre recherche.

Pour parvenir à identifier ces trajectoires d’évolution, nous avons interrogé différents indicateurs socio-économiques de la commune support de la station. Ainsi, nous avons mobilisé tout autant des critères démographiques (évolution de la population due au solde migratoire, évolution de la population due au solde naturel), des critères économiques (évolution du nombre d’actifs sur la commune, évolution du nombre de chômeurs, évolution de la population active) ainsi que des critères relatifs à la dynamique foncière et immobilière locale (évolution du nombre de résidences principales, évolution du nombre de résidences secondaires). Nous avons appliqué ces indicateurs à plusieurs stations implantées dans différents contextes territoriaux et avons fait le choix de présenter ici la situation de trois stations dont les trajectoires sont particulièrement représentatives des trajectoires d’évolution identifiées. Ainsi, nous fondons ici notre analyse sur les stations de Villard-de-Lans (Alpes), de Métabief (Jura) et de la Bresse (Vosges).

-40 0 40 80 120 160 Evol. chômeurs 99-09

Evol. pop active 99- 09 Evol. emplois à la commune 99-09 Evol. résidences secondaires 99-09 Evol. résidences principales 99-09 Evol. solde naturel

99-09

Evol. solde migratoire 99-09 VILLARD DE LANS -40 0 40 80 120 160 Evol. chômeurs 99-09

Evol. pop active 99- 09 Evol. emplois à la commune 99-09 Evol. résidences secondaires 99-09 Evol. résidences principales 99-09 Evol. solde naturel

99-09

Evol. solde migratoire 99-09 METABIEF -40 0 40 80 120 160 Evol. chômeurs 99-09

Evol. pop active 99- 09 Evol. emplois à la commune 99-09 Evol. résidences secondaires 99-09 Evol. résidences principales 99-09 Evol. solde naturel

99-09

Evol. solde migratoire 99-09

LA BRESSE

Figure 34, Dynamiques socioéconomiques de communes supports de stations de moyenne montagne. Source : INSEE (RGP 2009).

Phénomène sans doute le plus marqué, celui illustré dans la figure ci-dessus par la station de Métabief. Au-delà d’une augmentation très marquée du nombre de chômeurs, la commune a également connu entre 1999 et 2006 une augmentation très forte de la population active, combinée avec une diminution des emplois à la commune et une augmentation du nombre de résidences principales. Ici, la situation géographique de la commune, à cinq kilomètres de la frontière suisse, vient impacter la fonction touristique de la station. C’est ainsi la fonction résidentielle (Martin, 2013; Stock, 2001) de la commune qui se trouve mise en avant, au détriment de la fonction touristique originelle.

Ce phénomène de résidentialisation s’inscrit dans un contexte plus global, avec l’observation au niveau national d’une double tendance. La première rend compte de l’augmentation régulière des prix de l’immobilier (Fareniaux et Verlhac, 2008). Celle-ci génère alors une augmentation de la spéculation, contraignant les populations aux revenus les plus modestes à s’installer dans des territoires périurbains connaissant une pression immobilière moindre. La seconde tendance rend quant à elle compte de l’attractivité croissante des territoires disposant des aménités les plus recherchées. En effet, lorsque « les populations urbaines perçoivent une

détérioration de leurs conditions de vie […], la valeur relative des aménités associées aux espaces périurbains et ruraux augmente » (Dissart, 2012a). Au-delà de cette sensation d’une détérioration des

conditions de vie en milieu urbain, d’autres facteurs interviendront comme éléments de motivation aux migrations d’agrément : l’importance prise par les loisirs, les gains économiques ou encore la perspective d’accroître sa connaissance par un développement intellectuel et spirituel (Glorioso et Moss, 2007). Dès lors, la montagne, et plus encore la moyenne montagne, se dote d’une double attractivité, relative à son appartenance rurale et sa spécificité montagnarde (Cognard, 2010). Les stations de moyenne montagne, implantées à proximité de pôles urbains, ne vont pas rester extérieures à ce phénomène. Bien au contraire, leur inscription en zone de montagne, de même que leur capacité d’hébergement vont les rendre particulièrement attractives. Aussi, dans un contexte où l’avenir des stations de moyenne montagne est questionné, ces atouts peuvent déboucher sur un changement de vocation de ces stations (François et Marcelpoil, 2008). Dans ce cadre, l’activité touristique entrera alors en concurrence avec l’activité résidentielle, réputée moins aléatoire et plus rentable.

La station de Métabief, implantée à quelques kilomètres de la frontière suisse, constitue ainsi un lieu de vie particulièrement attractif pour les travailleurs frontaliers. Cela se traduit alors par une augmentation du nombre de résidences principales et du nombre d’actifs, ainsi qu’une diminution d’emplois à la commune. La forte augmentation du nombre de chômeurs témoigne quant à elle d’un ralentissement de la dynamique économique locale, au profit des communes avoisinantes. Cette attractivité renouvelée ne sera cependant pas sans conséquences pour la préservation de l’activité touristique. La conversion des lits touristiques et résidences secondaires en résidences permanentes (Marcelpoil, 2009) ne sera ainsi pas sans générer de conflits d’usage entre la fonction touristique traditionnelle et la fonction résidentielle nouvelle, conflits d’usage d’autant plus marqués que la station bénéficiera d’une attractivité « nationale ou a fortiori internationale » (Duvillard et al., 2007). Nul besoin cependant de stations internationales pour que ce phénomène soit mis en évidence. La station de Saint-

Pierre de Chartreuse a ainsi fait l’objet de nombreux travaux sur cette question de la périurbanisation (Duvillard et al., 2007; François, 2007; Marcelpoil et al., 2006). En effet, située à moins de trente kilomètres de Grenoble, la commune connaît une situation analogue à celle de Métabief. Dans ce schéma où la conversion des lits touristiques en lits permanents pose la question de la préservation de la vocation touristique de la station, il est possible de déduire une fonction résidentielle qui s’affirme dans ces stations, prenant alors le pas sur leur fonction originelle d’aménagement du territoire.

Les stations de Villard-de-Lans (Alpes-Vercors) et de la Bresse (Vosges) présentent quant à elles des dynamiques sociodémographiques bien moins marquées. La station de la Bresse s’est ainsi engagée, entre 2009 et 2012 dans une phase de modernisation de grande ampleur. Ce sont en effet trente-six millions d’euros qui ont été investis pour moderniser la station. Augmentation de la capacité d’hébergement touristique, restructuration du front de neige (commerces, locaux d’accueil), implantation d’un télésiège débrayable six places, création d’une luge sur rails quatre saisons apparaissent comme autant de projets structurants ayant permis à la station de prendre un nouvel élan. Ainsi, en l’espace de trois ans, la station de la Bresse a totalement changé de visage et propose aujourd’hui une offre de ski alpin à même de concurrencer les « grandes stations » notamment alpines. Ici, la dynamique locale se joue donc au plus près du domaine skiable, et la neige reste plus que jamais appréhendée comme une industrie. Cette station, à l’image de tant d’autres gardant à l’esprit le modèle de la station intégrée issue du Plan Neige, s’inscrit par là-même dans une trajectoire de développement économique.

Nulle existence à Villard-de-Lans d’une telle dynamique de renouvellement des infrastructures de remontées mécaniques. Bien davantage, la stabilité de sa dynamique socio- économique la conduit à s’inscrire en continuité de la fonction qui avait originellement motivé sa création, la fonction d’aménagement du territoire. Dans ce contexte, il est, d’une manière générale, confirmé que mêmes déficitaires, ces stations participent au maintien des populations et des services sur des territoires qui, sans cela, risqueraient d’être particulièrement délaissés. Dès lors, au vu du rôle fondamental de ces stations pour leur territoire support, celles-ci seront bien au cœur des préoccupations des acteurs locaux, lesquels apporteront leur soutien matériel ou immatériel pour permettre l’exploitation de ces sites, y compris lorsque, parfois, l’équilibre économique n’est pas atteint.

Les stations de moyenne montagne, poursuivant à l’origine une fonction d’aménagement du territoire, vont ainsi voir leur fonction évoluer, au regard des contextes territoriaux ou des objectifs poursuivis par les acteurs locaux. Ce sont donc trois trajectoires de stations de moyenne montagne qui peuvent être mises en évidence. La première renvoie à une fonction de résidentialité, où la vocation touristique originelle entre en concurrence avec une vocation résidentielle pour des périurbains attirés par les aménités qu’offrent ces stations. Une deuxième est une fonction de performances économiques, où ce sont véritablement les domaines skiables qui font l’objet de toutes les attentions. Enfin, d’autres stations ne s’inscrivent pas au cœur d’une dynamique particulière, et s’inscrivent dès lors bien davantage dans la continuité de leur fonction originelle d’aménagement du territoire.

Amené à jouer un rôle de pionnier dans la définition de la station de moyenne montagne, l’acteur supra-local voit exprimées les limites d’une approche quantitative. Son action ne s’est cependant pas cantonnée à proposer une définition de la station de moyenne montagne. En effet, intervenant auprès de stations identifiées ou non comme étant des stations de moyenne montagne, l’acteur supra-local va mettre en place une action publique plus ou moins contraignante nous conduisant à questionner, pour chacune de nos trois stations d’étude, l’intensité de la proximité institutionnelle éloignée ainsi développée.

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