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HAPITRE RRAINS

II. Au cœur des trois stations d’étude : approfondissement de la démarche méthodologique

1. Les entretiens semi-directifs comme piliers des trois phases de la recherche

1.1. Les entretiens semi-directifs au cœur de la démarche

· Au-delà d’une méthode, une construction

Assimilé à une « improvisation réglée » (Bourdieu, 1980) l’entretien semi-directif repose sur un socle méthodologique pour le moins flexible. Celui se fonde en effet sur un « savoir-faire

artisanal, un art discret du bricolage » (Kaufmann, 2011). Dès lors, il semble assez aisé d’admettre qu’il n’existe pas une unique méthodologie de l’entretien et que, bien au contraire, coexistent une grande diversité de méthodes et d’instruments dédiés. En tout état de cause, l’entretien de recherche impose nécessairement d’établir un rapport égalitaire entre le chercheur et l’interrogé, qui permette de faire en sorte que la personne interrogée ne se sente pas contrainte de livrer des informations.

L’entretien semi-directif s’apparente à un recueil d’informations permettant au chercheur de s’imprégner et s’approprier le contexte entourant les réponses de la personne interrogée aux différentes questions. C’est bien cet aspect particulier qui va distinguer l’entretien du questionnaire, ce dernier ne permettant pas de nourrir l’analyse de ces éléments de contexte. Cependant, s’attacher à s’imprégner du contexte a un corollaire : cela conduira à s’extraire d’une méthodologie rigoureuse et formatée pour au contraire disposer de suffisamment de libertés à même de permettre une récolte optimale des informations souhaitées. En cela, l’entretien s’apparente en quelque sorte à une « improvisation réglée » (Bourdieu, 1980). Ainsi, en s’appuyant sur un guide d’entretien65, l’entretien nous permettra de questionner l’évolution de la gouvernance en étudiant notamment « la structure [des relations liant des individus

ou des structures] de façon à identifier l’existence de personnes ou organisations clés (nœuds) qui focalisent les interactions ou au contraire les cas d’individus ou d’organisations isolés » (Chia et al., 2010). Avant d’être mise en œuvre, cette méthodologie devra cependant s’entourer de quelques précautions.

x Une anonymisation des propos indispensable

Tous les entretiens ont été réalisés sous la garantie de la préservation de la confidentialité des propos enregistrés. Cette confidentialité était annoncée en début d’entretien et était présentée comme l’anonymisation des données recueillies. L’interviewé savait ainsi que ses propos allaient pouvoir être cités, mais qu’en revanche il ne serait pas possible (ou peu aisé) au lecteur d’établir un lien entre la liste des personnes interrogées et les citations intégrées dans le corps du texte. Loin d’être un artifice de l’entretien, nous avons pu constater à plusieurs reprises que la confidentialité répondait à une réelle attente des personnes interrogées. En effet, nous ne souhaitions pas récolter de « discours lissé », mais bien davantage parvenir à identifier les véritables opinions qui animent les acteurs, leurs perceptions de l’activité touristique, leur vision de l’avenir, etc. pour ensuite parvenir à reconstituer la toile des relations, des jeux d’influence, des jeux de pouvoir. Or l’expression d’un désaccord, tout comme la dénonciation d’agissements estimés a minima incorrects ne se réalise pas à la vue et au su de tous, mais requiert bien davantage la garantie d’une certaine discrétion. Plusieurs des personnes interrogées ont ainsi demandé en cours d’entretien une confirmation de la protection de leur anonymat. Si le plus souvent cette confirmation a suffi à libérer leur parole, des demandes d’interruption de l’enregistrement ont pu être formulées, le temps d’une phrase ou de manière plus pérenne (cf ci-après). Dans cette situation où la rigueur scientifique se trouve confrontée aux exigences du terrain, et dans le but d’avoir tout de même quelques repères lors de l’intégration des citations dans le texte, nous avons choisi de « coder » le nom des interviewés selon un même procédé qu’illustre le tableau ci-dessous. Les citations prendront alors la forme suivant : nom du massif_sphère de l’acteur_ numéro. En prenant l’exemple du maire de la Bresse, cela nous conduit donc à retenir : V_pol_1, l’attribution du numéro étant laissée à notre discrétion.

Massif Nom Alpes Jura

Massif

Central Pyrénées Vosges

Code utilisé A J MC P V

Sphère d’acteurs66

Nom Economique Politique Civile Supra-locale67 Code utilisé éco pol civ suploc

Tableau 10, Procédé d'encodage des citations

1.2. Une recherche structurée en trois phases

L’intitulé initial de la recherche nous a amenés à questionner la mise en œuvre de l’adaptation dans les stations de moyenne montagne. En amont s’est donc imposée une clarification des notions mobilisées. Ainsi, s’il est fait référence à la station de moyenne montagne, ses contours demeurent flous et peu évidents à identifier. En conséquence, la première phase de nos travaux a visé à rechercher une définition de la station de moyenne montagne qui ferait consensus quel que soit le massif considéré. Pour cela, nous avons été amenés à mobiliser les différentes ressources, tant qualitatives que quantitatives, dont nous disposions : littérature grise, articles scientifiques, propos recueillis d’interviewés et données issues de la base de données Station d’Irstea-Grenoble.

Evoquée à compter des années 1970, la notion de station de moyenne montagne a véritablement vu sa portée s’accentuer en devenant la bénéficiaire de la politique mise en œuvre par le Conseil régional de Rhône-Alpes. Pour la première fois, cette politique a permis de dépasser la seule approche qualitative en dotant la station de moyenne montagne de critères de définition quantitatifs. Dans ce cadre, l’acteur supra local a été amené à jouer un rôle fondamental dans la définition des contours de la station de moyenne montagne. Aussi, devant ce constat, la seconde phase de notre recherche nous a amenés à questionner l’écho de cette politique d’accompagnement au bénéfice des stations de moyenne montagne auprès des autres collectivités locales porteuses de politiques d’accompagnement similaires. Ceci nous a alors amené à réaliser un « Tour de France des massifs » visant à) analyser ces différentes politiques en s’appuyant sur les documents contractuels ainsi que la réalisation d’entretiens semi-directifs.

66 La notion de « sphère » mobilisée ici renvoie aux analyses de la gouvernance réalisées par F Gerbaux et al. (2007), et présentée dans le deuxième chapitre. Pour rappel, trois sphères d’acteurs sont identifiées : la sphère économique (éco), la sphère politique (pol) et la sphère civile (civ). La sphère politique comprend en premier lieu la commune ou l’intercommunalité, les services de la commune, ainsi que de différents organismes tels l’office de tourisme ou les remontées mécaniques. La sphère économique quant à elle comprend l’ensemble des socio-professionnels dont l’activité contribue directement ou indirectement à la valorisation de l’activité touristique. Par sphère civile, nous entendons l’ensemble des acteurs d’un territoire déterminé n’étant ni acteurs économiques, ni acteurs politiques ni même touristes. Dès lors, la sphère civile nous permet de désigner essentiellement les résidents d’une commune ou d’une intercommunalité ainsi que les membres d’associations dont l’action s’ancre sur le territoire d’étude ou l’une des actions impacte ce même territoire. La première situation renvoie donc aux différentes associations de dynamisation, protection ou valorisation de la vie locale, tandis que la deuxième situation renvoie quant à elle par exemple aux associations de défense de l’environnement nationales, mais pouvant mener ponctuellement une action sur le territoire concerné.

67 Si les acteurs supra-locaux ne figurent pas dans l’approche fondatrice des trois sphères d’acteurs, nous les incluons dans cette approche et les considérons comme une quatrième sphère d’acteurs.

Trois points ont tout fait l’objet d’une attention particulière :

Ͳ la notion de station de moyenne montagne, sa diffusion dans les différents massifs, la définition retenue et les critères de définition mobilisés ;

Ͳ la nature des projets pour lesquels ces stations pouvaient prétendre à un accompagnement par l’acteur public. La question sous-jacente ici posée était alors celle de la diversification, et de l’écho dont elle bénéficiait à l’échelle nationale ;

Ͳ l’échelle territoriale de mise en œuvre de cette politique, avec sous-jacente la question de l’existence d’une contrainte pour la définition d’un territoire de projet à l’échelle intercommunale ou au contraire la mise en place d’un accompagnement au bénéfice de la station sans qu’il n’y ait davantage de contrainte territoriale.

Cette phase a ainsi permis de nourrir les réflexions issues du premier temps de la recherche, relatif à l’identification de contours pour la station de moyenne montagne. En outre, celle-ci a permis de préparer la troisième phase de notre recherche. En effet, par ce « Tour de France des massifs » nous avons pu repérer des stations de moyenne montagne où une diversification des activités touristiques était initiée, et où pouvait se poser avec pertinence la question de l’innovation organisationnelle, et, au travers d’elle, celle de l’évolution de la gouvernance.

C’est cet aspect particulier que s’est attachée à explorer la troisième phase de cette recherche. Par une plongée au cœur de nos trois stations, nous avons tâché de comprendre et de restituer les jeux d’acteurs impactant la nature de la diversification tout comme son échelle de mise en œuvre. Ici, l’objectif a véritablement été de parvenir à identifier les évolutions de la gouvernance, et enfin parvenir à identifier des « formes » de la gouvernance de la diversification.

Cette phase de recherche s’est essentiellement appuyée sur la réalisation d’entretiens semi- directifs68 dans les trois stations et leur territoire support69, entretiens réalisés tout autant

auprès d’acteurs publics que privés. Ces entretiens ont été enregistrés et intégralement retranscrits. Leur analyse s’est ensuite appuyée sur le codage de leur contenu à l’aide du logiciel NVivo. Ce logiciel a ainsi permis de catégoriser les propos tenus par les acteurs rencontrés à l’aide d’une grille d’analyse élaborée a priori, à partir du cadre théorique retenu et du guide d’entretien. Au fil du codage des entretiens, cette grille a ensuite été affinée afin de tenir compte des propos tenus et ainsi d’intégrer des dimensions qui avaient pu être occultées ou insuffisamment prises en compte (Figure 27). L’analyse des entretiens s’est focalisée sur le discours tenu bien plus que sur le texte lui-même et ceux-ci n’ont dès lors donné lieu à aucune analyse linguistique.

68Cf la liste des entretiens réalisés présentée en annexe n°2. 69Cf point suivant.

Figure 27, Grille d'analyse mobilisée sous NVivo Elaboration propre.

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