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Les approches interactionniste et institutionnaliste comme piliers de l’économie des proximités

II. L’économie des proximités comme clé de lecture de la gouvernance territoriale

1. Fondements théoriques de l’économie des proximités

1.2. Les approches interactionniste et institutionnaliste comme piliers de l’économie des proximités

Depuis 1993 et la publication d’un premier numéro de la Revue d’économie régionale et urbaine (RERU) fondant les réflexions sur l’organisation spatiale des phénomènes économiques, les débats en économie des proximités ont donné naissance à une communauté scientifique à part entière ayant proposé et enrichi des approches théoriques variées. Aussi, en dépit d’une multiplicité d’approches, deux approches principales peuvent être mises en évidence : les approches interactionniste et institutionnaliste, que nous allons présenter ci- après.

x Approche « interactionniste » : une approche duale de la

proximité

L’approche interactionniste des proximités distingue deux formes de proximités. La première, la proximité géographique, renvoie au précédent développement, sur lequel nous ne

reviendrons pas. Nous centrerons ainsi nos propos autour de la seconde forme de proximité : la proximité organisée. Cette dernière est d’essence relationnelle. Elle renvoie à « la capacité

qu’offre une organisation de faire interagir ses membres » (Torre et Rallet, 2004). Dans ce schéma,

l’hypothèse selon laquelle les relations sont a priori plus aisées entre acteurs d’une même organisation qu’entre des acteurs externes à cette organisation est donc posée. Ce postulat repose sur l’existence de deux logiques, une logique d’appartenance et une logique de similitude (Gilly et Torre, 2000).

Mobiliser la logique d’appartenance revient à questionner l’effectivité des relations évoquées (Angeon et al., 2006). Cette logique désigne en effet l’existence d’interactions entre les membres d’un même réseau, d’un même graphe de relations, que ces relations soient directes ou intermédiées (Torre et Beuret, 2012). Dès lors vont être considérés comme proches deux membres d’une même organisation qui interagissent et voient leurs relations facilitées par les règles ou routines de comportement propres à l’organisation. A. Torre et A. Beuret (2012) prennent ainsi l’exemple d’interactions qui seraient facilitées par l’appartenance de deux acteurs à un même club de tennis, qui voient par là-même leurs relations facilitées. La deuxième logique, la logique de similitude, s’intéresse quant à elle à « l’adhésion mentale à des

catégories communes » (Torre et Beuret, 2012), à l’adhésion à un même espace de

référence(Angeon et al., 2006). Ici est donc tout particulièrement visée la communauté de croyances et de savoirs liant les participants (Talbot, 2008).

Ces deux logiques, loin d’être antinomiques, apparaissent au contraire pour partie complémentaires, pour partie substituables (Rallet et Torre, 2004). Complémentaires car le fait de partager des représentations permet de limiter les interprétations divergentes des différentes règles, et ainsi de « rendre effective la coordination par les règles » (Rallet et Torre, op. cit.). En revanche, elles sont également substituables puisqu’un fort rassemblement autour de valeurs communes permettra de compenser des règles formelles d’organisation moins marquées, et de voir la naissance d’une cohésion, permettant ensuite de faire naître des interrelations. Ainsi, une forte proximité organisée se traduira par une efficacité accrue des tentatives de concertation entre les acteurs, alors que l’absence d’une telle proximité risquera de se traduire par le développement d’affrontements entre les acteurs (Bouba-Olga et al., 2009).

x Approche « institutionnaliste » : une approche en triptyque de la

proximité

La deuxième approche des proximités est quant à elle une approche d’inspiration institutionnaliste (Talbot, 2005 ; Gilly et Torre, 2008). Celle-ci distingue, outre la proximité géographique, deux formes de proximité : la proximité institutionnelle et la proximité organisationnelle (Pecqueur et Zimmermann, 2004).

La première, la proximité institutionnelle, « repose sur l’adhésion des acteurs à des règles d’action

communes, explicites ou implicites (habitus), et, dans certaines situations, à un système commun de représentations, voire de valeurs » (Gilly et Lung, 2005). L’institution dans cette approche n’est pas

appréhendée dans son acception politique et juridique. Elle exprime au contraire « l’adhésion

d’agents à un espace commun de représentations, de règles d’action et de modèles de pensée et d’action »

(Moquay et al., 2001). En cela, les actions collectives construisent et contrôlent les actions individuelles.

Définies par J.R. Commons comme « des actions collectives qui construisent et contrôlent, sans les

déterminer totalement, les actions individuelles » (Commons, 1934, cité par Talbot, 2005), les

institutions apparaissent alors tout autant comme des contraintes que des ressources pour l’action (Corei, 1995, cité par Talbot, 2005).

Ainsi, à l’image de la proximité géographique s’entendant comme le partage d’un espace physique, la proximité institutionnelle renvoie au partage par les différents acteurs d’un espace dont l’appropriation collective conduit à la formalisation d’un monde commun, indispensable lorsque des velléités d’actions collectives commencent à s’affirmer. Il semble en effet incontournable de partager ne serait-ce qu’a minima des représentations, un langage, de se conformer à des coutumes, des règles ou autres pour parvenir à proposer un projet collectif. Bien loin de pouvoir être appréhendée comme la traduction d’une situation pérenne, cette forme de proximité est au contraire une proximité en constante construction et évolution.

Définie par Th. Kirat et Y. Lung (1995) comme la forme de proximité liant « les agents

participant à une activité finalisée dans le cadre d’une structure finalisée », la proximité organisationnelle

met l’accent sur le regroupement d’agents au sein d’une même organisation ou d’un ensemble d’organisations, à l’image des réseaux de coopérations, des secteurs d’activité ou encore de système productifs locaux (Gilly et Lung, 2005).

D. Talbot (Talbot, 2005) assimile cette proximité organisationnelle à une forme de proximité institutionnelle. Celui-ci relève en effet qu’à l’image de cette dernière, il s’agit de partager un espace social, qui cette fois sera visible par tous. Les organisations seront alors perçues « comme des institutions dotées de structures de pouvoir […] et d’un mémoire composée de routines comprises

comme autant de ressources cognitives mobilisées pour [la mise en cohérence des actions individuelles] et pour atteindre efficacement les objectifs fixés » (Talbot, 2005).R. Boschma (2004) choisit quant à lui de

distinguer proximités organisationnelle et cognitive. Pour cela, il définit la proximité organisationnelle comme « la mesure dans laquelle les relations sont partagées au sein d’un agencement

organisationnel ». Sont alors placés au cœur de l’analyse l’intensité des relations ainsi que le

degré d’autonomie des acteurs au sein de ces arrangements organisationnels.

Si la proximité organisationnelle apparaît indispensable, son excès peut générer des effets indésirables. Ainsi, par le risque d’être « enfermé » dans des relations d’échange spécifiques, parfois asymétriques, une proximité organisationnelle trop importante peut être défavorable à l’apprentissage et l’innovation. Une situation d’équilibre doit donc être trouvée entre une proximité organisationnelle excessive traduisant un manque de souplesse, et une proximité organisationnelle trop faible, risquant de voir se développer des situations d’opportunisme (Boschma, op. cit.).

Une synthèse des deux approches « dominantes » des dynamiques de proximité peut être proposée à l’aide du tableau ci-dessous :

Approche « institutionnaliste » Proximité géographique Proximité organisationnelle Proximité institutionnelle Approche « interactionniste » Proximité géographique

Proximité organisée Logique d’appartenance Logique de similitude

Tableau 5, Les approches institutionnaliste et interactionniste des proximités

Au-delà de ces deux approches des proximités, d’autres auteurs ont proposé des approches divergentes. Sans rechercher ici à faire preuve d’exhaustivité quant aux formes de proximité proposées par les différents auteurs, nous cherchons bien davantage à mettre en évidence deux approches : celles de R. Boschma ainsi que celle de O. Bouba-Olga et M. Grossetti.

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