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I. Une application de la gouvernance territoriale aux stations de sports d’hiver

3. Gouvernance territoriale et stations de sports d’hiver

3.1. Diffusion du concept de gouvernance aux destinations touristiques

x La construction de la « destination touristique »

L’industrie du tourisme se caractérise par le rassemblement d’un grand nombre d’entreprises en un lieu restreint dans l’objectif de fournir aux touristes un nombre finalement limité de services (Pechlaner et Tschurtschenthaler, 2003). Ceux-ci cependant ne les appréhendent pas de manière individuelle, mais bien davantage de manière globale (Baggio et al., 2010). Pourtant, la diversité des acteurs parties prenantes à ces destinations touristiques est bien réelle :

« These destination stakeholders include accommodation businesses, attractions, tour companies, and others providing commercial services; government agencies and tourism offices as well as representatives of the local community » (Baggio et al., 2010).

La destination est alors appréhendée comme une offre globale reposant sur l’offre conjointe de différents acteurs coopérant dans la chaîne d’approvisionnement (Flagestad et Hope, 2001; Luthe et al., 2012). Bien loin de donner lieu à une unicité, ces coopérations laissent au contraire entrevoir un large spectre des modes d’organisation des différents acteurs. Aussi, de nombreux auteurs se sont alors attachés à proposer des typologies des modes de gouvernance des destinations touristiques. En effet, si le concept de gouvernance est relativement ancien, son application dans le champ touristique est lui bien plus récent : peu de travaux appliquent ce concept de gouvernance aux destinations ; il en résulte de fait que la « gouvernance de la destination » ne constitue pas un concept largement diffusé (Nordin et Svensson, 2007). Pourtant trois hypothèses sur le fonctionnement d’une destination conduisent à mobiliser ce concept de gouvernance pour comprendre les dynamiques d’une destination touristique (Nordin et Svensson, op. cit.) :

Ͳ La destination constitue un système multi-acteurs complexe, où la destination est rarement pilotée par un seul acteur ou firme. Au contraire, le rôle d’inflexion dans les trajectoires touristiques des différentes parties prenantes est reconnu, et les analyses intègrent ainsi désormais les résidents ou les touristes. Ces acteurs vont dès lors pouvoir être assimilés à une communauté, mais demeurent néanmoins concurrentiels en poursuivant des intérêts divers (Inskeep, 1991) :

« There is a multi-actors complexity in a destination, ie destinations are rarely run by one single actor situation and firm rarely develop in isolation. […] Various actors may have diverse interests and sometimes also have different perceptions of reality, depending on their point of reference »(Nordin et Svensson, 2007);

Ͳ Ces acteurs constituant le socle de la destination ne sont pas indépendants, mais entretiennent au contraire des relations d’interdépendance se traduisant par exemple par un développement de l’échange d’informations ;

x Du management à la gouvernance des destinations touristiques Menées à compter des années 2000, les premières analyses du management de la destination ont privilégié une analyse de type « top-down ». Le gouvernement apparaissait dans ce contexte comme l’organe central de la destination touristique, assurant entre autres la fourniture d’infrastructures ainsi que les opérations de management. Charge à lui de piloter ce développement de la destination, via notamment l’adoption de politiques industrielles dédiées à la fourniture d’infrastructures, le marketing ou la promotion (Ruhanen et al., 2010; Zhang et Zhu, 2014).

Peu à peu, cette vision centralisée et descendante a cédé sa place à une approche de type « bottom-up » où les collectivités et les entreprises locales furent encouragées à prendre

davantage de responsabilités dans la gestion des affaires touristiques (Ruhanen et al., 2010; Zhang et Zhu, 2014). On découvre alors la « destination governance », et la corrélation performances de la destination – structures de gouvernance commence à être interrogée. En dépit de cette évolution dans les approches de la gouvernance touristique ainsi retenues, aucune des deux approches n’a finalement été préférée à l’autre. Bien au contraire, l’hétérogénéité des acteurs composant la destination conduit à préserver la dualité de cette approche :

“The concept of governance applied to tourist destinations consists of setting and developing rules and mechanisms for a policy, as well as business strategies, by involving all the institutions and individuals. Tourist destination territories are similar to areas or regions that have firms as their main service suppliers, but they also have political bodies involved, such as municipalities or district governments” (Beritelli et al., 2007)

Les destinations touristiques se caractérisent ainsi par un subtil mélange de relations formelles et informelles entre acteurs économiques et acteurs politiques. En effet, si l’organisation de la destination touristique peut être rapprochée de celle de la firme (Flagestad et Hope, 2001), l’articulation de différentes échelles intervient ici comme facteur complexifiant. Le développement de la destination devient ainsi le fait du secteur privé comme du secteur public. Ce dernier prend ainsi essentiellement corps au travers du rôle actif des autorités locales comme supra-locales pour accompagner la création d’équipements ou d’infrastructures. En effet, la destination pouvant être lue comme un regroupement d’acteurs concurrentiels mais néanmoins interdépendants peut conduire à faire appel au cadre théorique de la gouvernance d’entreprise. Cependant, le rôle des acteurs publics dans le développement de la destination, et notamment celui des acteurs supra-locaux, ne peut être négligé. Aussi, interroger la gouvernance de la destination par cette porte d’entrée conduirait à retenir le cadre théorique retenu par les sciences politiques. Dès lors, comment procéder pour analyser de manière globale les imbrications entre acteurs publics et privés, entre échelles locales et supra-locales ? La question est donc posée, et la richesse des approches retenues dans les différentes études de la gouvernance de la destination n’est pas pour nous aider davantage. Ainsi, pour l’heure, cette question demeure irrésolue, et la mobilisation par les chercheurs des deux approches précédemment décrites tout comme leur distinction subsiste. Cela nous confirme alors dans notre choix de recourir à la gouvernance territoriale pour questionner l’organisation des stations de sports d’hiver.

En effet, destinations touristiques à part entière, les stations de sports d’hiver n’ont pas échappé à cet engouement pour la gouvernance. Cependant au-delà de l’effet de mode, les analyses de la gouvernance ont toutes posé comme question sous-jacente celle de la performance des stations questionnées. Le rapport de l'Observatoire du Dialogue et de l'Intelligence Sociale (ODIS) intitulé « Gouvernance, lien social et performance : une vision du monde » (Chantaraud, 2012) a ainsi permis de mettre en évidence la corrélation existant entre l’existence d’un lien social au sein d’un Etat et sa performance. Dès lors, il apparaissait que les territoires qui réussissent le mieux, à la fois en termes de lien social et de performance,

sont ceux où l'information circule facilement, où le débat public est plus dynamique et plus accessible qu'ailleurs et se déroule en toute transparence sur les sujets stratégiques, et où chacun s'implique (plus qu'ailleurs) dans la construction de l'avenir du collectif. Aussi, « la clé

d’un bon positionnement, tant en termes de lien social que de performance, semble résider dans le mode de gouvernance » (Chantaraud, op. cit.). Appliqué à l’entreprise, ce raisonnement a permis de

mettre en lumière le fait que de meilleures pratiques de management, centrées sur le partage d’informations notamment sont fortement corrélées à la réalisation de performances supérieures de l’entreprise en termes de productivité, de rentabilité (Bloom et Van Reenen, 2006).

L’analyse de la gouvernance en stations de sports d’hiver n’a de manière générale pas abouti à l’identification de « bons » ou de « mauvais » modes de gouvernance. Bien davantage, les analyses ont permis de mettre en lumière deux modes principaux de gouvernance : les

corporate et community models.

Ces différents travaux venant questionner la gouvernance dans les destinations touristiques permettent de mettre en lumière un second aspect de cette notion de gouvernance. Au-delà de constituer un processus exogène (confer les dispositifs d’accompagnement public mis en place par l’acteur supra-local), la gouvernance renvoie au développement de relations entre les différents acteurs locaux, parties prenantes à l’activité ou populations locales. En cela, nous proposons de retenir une seconde sous-hypothèse de recherche : la mise en œuvre de la diversification repose sur l’activation de processus endogènes.

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