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II. L’économie des proximités comme clé de lecture de la gouvernance territoriale

1. Fondements théoriques de l’économie des proximités

1.1. La proximité géographique comme forme originelle de proximité

La proximité géographique renvoie, dans son acception la plus simple, au « nombre de kilomètres

qui séparent deux entités » (Torre et Beuret, 2012). Cette forme de proximité, la plus intuitive

lorsque l’on évoque la question de la proximité entre acteurs n’est pour autant pas limitée à cette acception physique de la géographie. Différents éléments doivent en effet être pris en compte, venant relativiser l’éloignement « à vol d’oiseau ».

Premier facteur de relativité, les caractéristiques morphologiques des espaces concernés. Comme le font remarquer A. Torre et J-E. Beuret (Torre et Beuret, 2012), il n’est pas équivalent de relier deux points sur une surface plane ou en escaladant une montagne. Questionner la proximité géographique au sien d’un espace donné trouve tout son sens quand elle a pour but de rendre compte de l’aisance de rencontres entre les différents acteurs. Pour que ces rencontres puissent être concrétisées, la présence d’infrastructures de transport et de communication apparait comme un préalable indispensable. Cependant, au-delà de la seule existence de ces infrastructures, c’est bien leur nature qui peut apparaître comme un facteur discriminant. De fait, si la qualité médiocre d’infrastructures routières ou ferroviaires complexifiera surement les relations entre les acteurs, l’implantation d’une ligne de Train à Grande Vitesse (TGV) permettra de relier deux points en un temps limité mais en contrepartie pourra générer ségrégation entre les habitants, les tarifs de celui-ci ne permettant pas à une partie de la population de faire du TGV un moyen de transport régulier. La proximité géographique apparait donc ici relative à la richesse des individus. Enfin, la proximité géographique va être relative car « la distance qui sépare des individus, des organisations ou

des villes est aussi une représentation, un jugement conduisant à se situer de façon binaire « près de » ou « loin de » » (Talbot, 2008). L’éloignement renvoie donc à la perception qu’en ont les acteurs,

perception susceptible de varier en fonction de l’âge, du sexe, de la catégorie socioprofessionnelle, du groupe social ou encore de la densité de population.

Le seuil de proximité géographique ne peut être fixé a priori, et varie en fonction des situations (Rallet, 2002). A. Rallet propose ainsi de considérer comme proches deux unités, qu’elles soient acteurs ou organisation44, en mesure de « se rencontrer et échanger à moindre coût

et/ou rapidement ». A. Torre et A. Rallet (Rallet et Torre, 1998) considèrent ainsi que deux

personnes seront proches si elles sont en capacité de se rencontrer physiquement chaque jour. Si cette contrainte de rencontre physique quotidienne se justifiait il y a quelques années,

44 L’organisation est ici entendue comme « tout ensemble structuré de relations, sans préjuger de la forme de la structure » (Rallet et Torre, 2004).

le développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) vient bouleverser les habitudes de relation. Désormais, il ne semble plus nécessaire d’être physiquement présent pour agir. Les interactions, multiples et instantanées permettent un développement des relations entre les individus, ainsi que l’apparition sur la scène économique du don d’ubiquité (Torre, 2009). Cependant, à ce premier scénario permettant d’envisager, par le développement des nouvelles technologies, de se soustraire aux contraintes de la proximité géographique peut être proposé un scénario inverse. V. Lethiais et al. (2003) envisagent ainsi un renforcement des phénomènes de concentration géographique, « en raison

de l’importance des coûts fixes, des indivisibilités et des externalités que génèrent les infrastructures et les biens et services de l’économie du numérique ».

En questionnant l’opportunité ou non d’une proximité physique entre les acteurs, la proximité géographique est véritablement envisagée au regard des effets positifs qu’elle peut générer. Cette acception de la proximité géographique découle ainsi des travaux réalisés sur les districts industriels ou les SPL. Cependant, cette vision ne peut être envisagée de manière uniforme, et la proximité géographique peut alors également celle-ci peut également générer des effets négatifs. Cette approche est relativement nouvelle, et conduit à relire le rôle de la proximité géographique, en distinguant deux situations.

D’une part, la proximité géographique peut être recherchée par des acteurs qui vont ainsi chercher à se rapprocher d’autres acteurs ou de ressources spécifiques, pouvant être naturelles ou artificielles. Cette demande de co-location peut être satisfaite par un changement de localisation pérenne ou par d’autres formes de mobilité plus temporaires, à caractère professionnel ou de loisir. D’autre part, cette proximité géographique peut également être subie par les acteurs, qui ne sont pas en mesure de changer de localisation et sont alors contraints de supporter les effets parfois négatifs de cette concentration forcée (Caron et Torre, 2006; Rallet et Torre, 2004; Torre, 2009). Ceci se vérifie particulièrement si on n’appréhende pas uniquement la proximité comme l’éloignement entre deux ou plusieurs personnes physiques / acteurs économiques. Cette lecture, apparue comme trop restrictive néglige la prise en compte de la proximité à un objet ou à un lieu, pourtant essentielle (Torre, 2009). Ainsi, dans le cas d’un voisinage avec une industrie polluante, l’habitant n’étant pas en mesure de changer de localisation va donc subir cette proximité géographique. Ce constat ouvre donc la porte à une lecture renouvelée de la proximité géographique : si de nombreux travaux ont lu la proximité géographique au travers de ses effets positifs, d’autres ont en revanche permis de mettre en lumière les aspects conflictuels de cette proximité (Torre et Caron, 2005). A. Torre et A. Caron proposent ainsi de questionner les différents conflits d’usage ou de voisinage pouvant découler du partage d’un même espace géographique. Ainsi, dans ce cadre d’analyse, le conflit n’est pas l’unique résultante de rapports humains, mais trouve bien ses fondements dans la proximité d’une aire urbaine ou d’une infrastructure polluante, industrielle ou agricole. Aussi, les auteurs relèvent trois types particuliers d’interférence :

Ͳ La première d’entre elles, la superposition, fait état d’une situation dans laquelle « un ou

Ainsi, cette situation se retrouve particulièrement, mais non exclusivement, en zone de montagne, lorsque sur un même espace tentent de s’organiser des activités touristiques (itinéraires de randonnée pédestre, cycliste ou équestre) et agricoles (pastoralisme).

Ͳ Le deuxième cas de figure vise davantage les situations où les différents agents ne parviennent pas à s’entendre quant à la délimitation de leurs territoires d’activité. Ici, c’est donc la contigüité qui pose un certain nombre de difficultés.

Ͳ Enfin, les conflits de voisinage traduisent la situation où des agents subissent leur proximité à diverses infrastructures polluantes, par le biais des pentes de terrain, des écoulements d’eaux ou des courants d’air.

Ainsi, si la proximité géographique ne traduit « qu’une » localisation des acteurs dans un espace géographique (Pecqueur et Zimmermann, 2005), et en dépit de sa dimension conflictuelle, elle apparaît bien comme un préalable au développement d’autres formes de proximité (Bertand, Moquay, 2001). J-P. Gilly et Y. Lung (2005) considèrent ainsi que la proximité géographique est dominée par la proximité organisée, laquelle prend en considération l’organisation humaine ainsi que le contexte institutionnel. Il apparaît donc que la proximité géographique, si elle ne peut être négligée, n’est pour autant pas suffisante. D’autres dimensions liées aux acteurs et aux relations qu’ils entretiennent doivent également être prises en compte.

Les approches « interactionniste » et « institutionnaliste » apparaissent comme les deux approches principales de la proximité, ayant permis de clarifier et d’ordonner la richesse des premières approches de la proximité. Cette phase de « resserrement » (Bouba-Olga et Grossetti, 2008) précède cependant une nouvelle phase de recherches, visant à approfondir, dans une logique de segmentation verticale, les différentes formes de la proximité. Plusieurs « sous-divisions » des proximités organisées et organisationnelles sont donc illustrées.

1.2. Les approches interactionniste et institutionnaliste comme piliers de

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