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II. L’économie des proximités comme clé de lecture de la gouvernance territoriale

1. Fondements théoriques de l’économie des proximités

1.3. La recherche d’ajustements : l’adoption de formes variées de proximité

Si les approches interactionniste et institutionnaliste constituent aujourd’hui encore les approches de référence de l’économie des proximités, d’autres auteurs ont proposé une approche dissidente, mettant en relief des formes nouvelles de proximité. Proximités sociale, cognitive, ou encore socio-économique constituent ainsi autant de nuances, parfois subtiles, les distinguant des approches dominantes des proximités.

x R. Boschma : Une approche de la proximité en cinq proximités Dans ses travaux, R. Boschma (2004) propose de fonder son analyse de la proximité en se fondant sur cinq formes de proximités. Ainsi, au-delà de la proximité géographique qui fait consensus sur laquelle nous ne reviendrons pas, l’auteur fonde ses travaux sur l’analyse des proximités organisationnelle, institutionnelle, cognitive et sociale.

L’approche de R. Boschma de la proximité organisationnelle rejoint celle retenue au cœur de l’approche institutionnaliste. Celui-ci entend en effet la proximité organisationnelle comme « une sorte de véhicule permettant le transfert et l’échange d’informations et de connaissances dans un monde

plein d’incertitudes ». Toutefois, afin d’opérer une distinction avec la proximité cognitive, la

proximité organisationnelle vise exclusivement les relations se développant au sein d’une ou entre plusieurs organisations.

La deuxième forme de proximité retenue est la proximité sociale. Cette forme de proximité fait tout particulièrement référence aux travaux de K. Polanyi (1983) et M. Granovetter (1985) mettant l’accent sur le fait que les relations économiques sont toujours, avec quelques

nuances, encastrées dans des réseaux de relations personnelles (Laville, 2008). K. Polanyi entend ainsi l’encastrement comme « l’inscription de l’économie […] dans des règles sociales, culturelles

et politiques qui régissent certaines formes de production et de circulation des biens et services » (Laville, op.

cit.). La figure ci-dessous permet d’illustrer les effets de l’encastrement sur la performance d’une entreprise, et en particulier sur sa capacité à innover. Ainsi, proposant une approche allant à l’encontre du modèle néo-classique, le modèle d’Uzzi illustre que la dimension sociale des relations économiques a une influence positive sur les réalisations d’une entreprise, mais uniquement jusqu’à un certain seuil. Au-delà, l’encastrement pouvant conduire à une paralysie de l’entreprise.

Figure 12, Relation entre le degré d'encastrement et les performances d'une entreprise en matière d’innovation (Boschma, 2004)

En s’affranchissant des contours stricts de la firme, les relations entre les acteurs pourront être qualifiées d’ « encastrées » lorsqu’ « elles impliquent une confiance fondée sur l’amitié, les liens

familiaux et l’expérience » (Boschma, 2004). Jusqu’à atteindre un point de rupture,

l’apprentissage interactif sera alors stimulé par cette forme de proximité.

La troisième forme de proximité que retient R. Boschma dans son analyse est la proximité institutionnelle. Cette proximité projette l’analyse au niveau macro. En effet, les institutions ici visées renvoient au « cadre institutionnel et politique ». Une distinction s’opère donc entre d’une part les normes, les valeurs édictées au niveau macro (au niveau supra local), et leur intégration dans les rapports, notamment économiques, au niveau micro, renvoyant alors à questionner la proximité organisationnelle. La proximité institutionnelle ainsi définie se rapproche donc de la notion de proximité institutionnelle éloignée mentionnée par J-P. Gilly et Y. Lung (Gilly et Lung, 2005). Pour autant, ces derniers demeurent relativement évasifs quant à la définition des contours de cette forme de proximité. La proximité institutionnelle éloignée est ainsi appréhendée comme le développement de compromis « verticaux » entre acteurs supra-locaux et locaux.

Ainsi, la proximité institutionnelle renvoie, dans cette approche, à des contraintes externes au milieu local venant s’imposer aux acteurs locaux. Elle est alors définie au regard de deux caractéristiques :

Ͳ Un cadre institutionnel fort, s’appuyant à la fois sur des lois et règlements applicables et cohérents et sur un gouvernement actif, renvoyant alors à la notion d’encastrement politique(Zukin et Di Maggio, 1990) ;

Ͳ Une structure culturelle forte avec une langue et des habitudes communes (cf la notion d’encastrement culturel (Zukin et Di Maggio, 1990)).

La quatrième forme de proximité retenue par R. Boschma est la proximité cognitive. Celle-ci est cependant mentionnée par différents auteurs afin de questionner les coordinations qui se nouent entre acteurs. Cette dimension de la proximité apparaît essentielle, le partage de représentations étant décrit comme« une condition à toute coordination » (Talbot, 2010). Cette dimension cognitive prend tout particulièrement corps au travers de l’approche interactionniste qui place au cœur de son analyse les interactions entre les individus, alors appréhendées comme des champs mutuels d’influence (Le Breton, 2004).

Pouvant être définie comme se rapportant « aux connaissances et aux compétences que possèdent les

acteurs, les entreprises ou les organisations et qu’ils ont acquis en se frottant à des technologies et à des marchés particuliers » (Boschma, 2004), la proximité cognitive est dans certaines approches entendue

comme englobant l’ensemble des relations informelles se nouant entre les agents (Marcelpoil et Langlois, 2006). O. Bouba-Olga et M. Grossetti entendent quant à eux la proximité cognitive comme une des deux formes de la proximité de ressources. Pour la qualifier, les auteurs font alors écho à « tout ce qui se passe dans la tête des gens et qui se manifeste par des actions ou

des discours » (Bouba-Olga et Grossetti, 2008). Par le croisement des différentes approches, questionner

la proximité cognitive revient à questionner les « représentations collectives partagées par les acteurs et

orientant l’action collective » (Moquay et al., 2001).

x La recherche d’ajustements au sein de la proximité : la proximité

socio-économique d’O. Bouba-Olga et M. Grossetti

Dans leur approche de la proximité, O. Bouba-Olga et M. Grossetti proposent de distinguer la proximité spatiale (s’apparentant à la proximité géographique) et la proximité socio- économique. Se rapprochant de la notion de proximité organisée, cette dernière vise alors à mettre en évidence les relations qu’entretiennent entre eux deux individus. Afin d’affiner la démarche, ceux-ci proposent de diviser en deux cette proximité organisée. Pour cela, ils proposent de distinguer la proximité de ressources de la proximité de coordination (Figure 13).

Figure 13, Typologie des formes de proximité, Source (Bouba-Olga et Grossetti, 2008)

La proximité de ressources se fonde sur la similarité, dans le cas où les individus ont des caractéristiques semblables, ou la complémentarité. Cette conception se rapproche donc, bien que les auteurs s’en défendent, des logiques d’appartenance et de similitude retenues par J-P. Gilly et A. Torre. La proximité de coordination se divise également en deux formes de proximité. La première prend la forme d’une proximité relationnelle, où les échanges entre les différents acteurs au sein des réseaux sociaux impactent les coordinations d’acteurs. Cependant, les auteurs retiennent également une proximité de médiation, visant à traduire les relations intermédiées (par le biais d’annuaires, de petites annonces ou autres, permettant alors d’offrir un même niveau d’information à n’importe que acteur qui prendrait la peine de mobiliser ces supports) qui servent également de support de coordination aux différents acteurs.

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