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HAPITRE RRAINS

II. La diversité des politiques d’accompagnement aux stations

1. Contenu des politiques d’accompagnement : un reflet de l’hétérogénéité des contextes territoriaux ?

2.2. De la station au(x) territoire(s) de projet

Généralisées à la France entière (Figure 37), les politiques d’accompagnement soulignent toutes aujourd’hui la nécessité de repenser le développement touristique à une échelle territoriale et ainsi de dépasser la stricte échelle « station », qui avait pourtant monopolisé l’attention des décideurs publics au cours des premières définitions d’un accompagnement public dédié.

x D’une station porte d’entrée…

A l’image de certaines politiques s’apparentant davantage à des politiques de guichet qu’à des politiques de projet, l’échelle territoriale ne va pas systématiquement constituer le support des activités de valorisation. Bien que l’échelle territoriale tende à être la nouvelle échelle valorisée, certaines politiques demeurent mises en œuvre à destination exclusive des stations. Les sports d’hiver constituent dans le Jura une activité économique d’importance relativement limitée. Par là-même, leur développement n’aura concerné que peu de sites, confirmant leur marginalité dans le modèle économique jurassien. Cette marginalité est telle que les acteurs supra-locaux s’interrogent aujourd’hui sur la pérennisation du soutien à la modernisation des domaines skiables apporté ces dernières années. Ici, ce furent véritablement les stations qui bénéficièrent des crédits publics, sans que celles-ci ne soient contraintes pour cela à un regroupement ou à un élargissement territorial.

Finalement, soutien dédié aux stations et politique de guichet semblent aller de pair : dans les Vosges comme le Jura, les réflexions pour mettre en place une politique à l’échelle d’un territoire n’en sont qu’à leurs prémices. L’action demeure pour l’heure ciblée sur les stations, véritables moteurs économiques en quête de modernisation et de fiabilisation.

x …à la valorisation du territoire

Pionnières dans l’accompagnement des stations, les Alpes s’illustrent également par la recherche d’une dynamique territoriale à donner à son accompagnement aux stations. Cependant, la définition d’un territoire de projet associant stations et territoires d’ancrage n’en reste pas moins confrontée à la nécessité de parvenir à définir un « territoire pertinent et cohérent ». En effet, tout autant les contrats de stations durables que les conventions espaces valléens vont mettre en avant cet élément, sans toutefois apporter de définition univoque.

« [Cette politique d’intervention] aura principalement pour objectifs opérationnels [d’]

enrichir en continu et de renforcer en ingénierie la gouvernance des stations, notamment en […] promouvant une approche sur un territoire pertinent, valléen notamment […] » (Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d'Azur, 2006).

« Les stations de moyenne montagne seront accompagnées en ce sens dans la définition d’un véritable projet global et transversal de développement reposant sur les principes suivants :

- un projet de stations durables prioritairement pluri stations, construit en relation avec un territoire local et les territoires voisins […].

Un comité d’avis analysera les candidatures sur la base des principaux critères suivants :

- la pertinence du périmètre global du projet, et le caractère intercommunal intégrant plusieurs stations de moyenne montagne » (Conseil Régional Rhône-Alpes, 2007).

La dimension territoriale, si elle est portée en lumière, ne sera toutefois pas suffisante. En effet, une dynamique regroupant l’ensemble des acteurs et des composantes du territoire sera en outre exigée. Cette exigence particulière s’illustre particulièrement avec l’exemple des stations de Belledonne, lesquelles se sont vues refuser la contractualisation au vu de leur projet de territoire car trop assimilé à un agrégat de projets individuels.

Dans les Pyrénées, la recherche d’un lien entre la station et son territoire est plus ancienne que dans les Alpes et remonte aux années 2000. Définis comme « s’inscrivant dans des territoires

touristiques, situés en zone de massif, organisés autour de thématiques touristiques fortes ou de sites d’accueil (stations) mettant en exergue des activités ou des produits identitaires du territoire :

Ͳ Les sports d’hiver

Ͳ Le tourisme vert, estival ou patrimonial,

Ͳ Le thermalisme/thermoludisme » (Commisariat du massif des Pyrénées, 2007),

ces pôles cherchent à mettre en relief la nécessité de prendre en considération le territoire touristique support de ces stations, dans l’objectif final d’affirmer les liens entre stations et vallées, légitimes pour bénéficier des retombées indirectes générées par les stations. La logique de développement ainsi recherchée est donc conjointe et partagée « entre la station qui

est la locomotive et qui tire la vallée, d’une certaine manière » (P_suploc_3).

Les sept pôles touristiques issus de la première génération de politique dédiée, implantés exclusivement en Région Midi-Pyrénées, se sont donc structurés autour des stations de ski, « en général une grosse, et éventuellement une petite », et ont eu pour objectif premier le confortement des domaines skiables des stations de ski. Au-delà, la définition du contrat de pôle touristique impliquait la définition d’un projet pour le territoire couvrant les six ans de la période de contractualisation, mobilisant largement les différents acteurs parties à la stratégie touristique. Cependant, si la réalisation des études et diagnostics préalables à la contractualisation a permis d’impulser une véritable dynamique locale, les contraintes administratives de mise en œuvre débouchant sur un délai de mise en œuvre de l’accompagnement n’ont finalement pas

véritablement permis de maintenir et développer cette dynamique locale. En effet, bien que l’approche permise par la définition des pôles touristiques se soit avérée extrêmement novatrice de par l’élargissement du regard de la station à un territoire en imposant pour cela une contractualisation avec les pôles touristiques concernés, la mise en œuvre de cet accompagnement public n’a sans doute pas répondu à toutes les attentes des initiateurs publics.

Structuré autour d’une station de ski, le pôle touristique s’est vu attribuer des financements dans l’objectif quasi exclusif d’améliorer la performance des domaines skiables et la fiabilisation de leur exploitation. Cela n’a alors que peu permis de développer une dynamique touristique territoriale. Au-delà, les appréhensions spécifiques de chaque collectivité locale ont parfois conduit à sensiblement modifier la vocation originelle des contrats de pôles touristiques. Ainsi, le Conseil général de Haute-Garonne souhaite accompagner ses stations selon des logiques discrétionnaires, logiques qui paraissent s’accommoder d’une absence de définition d’un projet local. Les pôles touristiques haut-garonnais ont alors été incités, lors de la phase d’élaboration du projet de territoire, à conserver des intitulés d’axes de développement généraux, lesquels, avec la mise en œuvre du contrat, tendent à quelque peu faire office de fourre-tout, ne restreignant ainsi aucun projet au regard de sa non-conformité avec le projet de territoire tel que défini. De la même manière, le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques est propriétaire des remontées mécaniques et délègue l’exploitation de ces équipements à un établissement public créé à ces fins. Dans ce contexte où le département encourage la modernisation des domaines skiables en conservant la fonction d’investissement auprès des domaines skiables, celui-ci n’incite que très peu à élargir la logique de développement à l’échelle des contours du pôle touristique. Dès lors, la logique partenariale de territoire est bien davantage appréhendée comme une porte ouverte à des financements croisés. Les motivations et objectifs spécifiques poursuivis par les différents niveaux de collectivités locales ne permettent donc pas toujours de relayer voire de donner un second souffle à cette politique des « pôles touristiques » qui fut pourtant particulièrement novatrice dans les territoires de montagne. Dans le même temps, la grande latitude laissée aux territoires, dans le strict respect d’une logique de bottom-up, tant sur le périmètre du pôle touristique (intercommunalité ?), sur les structures porteuses du projet (communauté de communes, parc naturel régional, syndicat mixte ?), sur le fait de dédier ou non un chargé de mission à l’animation du contrat, sur la composition des comités techniques et des comités de pilotage associant ou non des acteurs socioprofessionnels… peut contribuer à expliquer la différence de « réussite » de ces différents pôles touristiques.

Au-delà des plus stricts aspects organisationnels des territoires, les enjeux économiques liés à l’exploitation des stations impactent lourdement les processus de coopération potentiels. Certains territoires, à l’image du pôle touristique de la Haute-Vallée d’Aure, illustrent bien les difficultés récurrentes auxquelles les territoires sont confrontés. En effet, si la concurrence et l’absence de coopération liée sont particulièrement nettes lorsque la situation hivernale des stations de Piau-Engaly et de Saint-Lary-Soulan est évoquée, les prémices d’un territoire de projet et d’une coopération locale, semblent en revanche se constituer peu à peu autour d’enjeux moins concurrentiels, via un syndicat intercommunal à vocation unique ayant pour

mission la gestion de la réserve naturelle, très touristique, du Néouvielle. La définition d’un projet touristique de territoire apparaît donc, malgré les volontés et interventions des acteurs publics mettant en œuvre une politique particulière, comme une action nécessitant de la part des acteurs locaux une appropriation particulière. De plus, au-delà de la stricte mobilisation des acteurs lors de la rédaction du projet de territoire, c’est bien davantage la capacité à maintenir cette mobilisation et cette dynamique territoriale qui s’érige en véritable enjeu local. Dans le Massif Central enfin, les pôles de nature, se définissant comme « un espace récréatif et un

lieu de vie ouvert à tous, résidents, visiteurs et touristes :

- pour la pratique de loisirs sportifs de nature ; - avec des services et des prestations associés ;

- dans une ambiance dynamique, récréative, de détente, de bien-être et de convivialité » (Ficonseils et Récréativ'Impulsion, 2010),

visent avant tout à provoquer une rencontre des visiteurs sur le cœur de pôle et organiser les flux découlant de cette concentration mais également des pratiques itinérantes, dans l’objectif d’irriguer et d’animer l’ensemble du territoire. Politique en cours de mise en œuvre, les pôles constitueront des structures d’échelles variables, fonction :

Ͳ du porteur du projet initial (assise territoriale de l’acteur à la source du projet de pôle touristique),

Ͳ de l’assise financière (renvoyant à la satisfaction des coûts de fonctionnements du projet),

Ͳ du potentiel économique : le pôle touristique ayant vocation à dynamiser les activités économiques dans son périmètre, la bonne échelle devra nécessairement veiller à ce que ces flux impactent un nombre de prestataires le plus important qu’il soit, sans pour autant aboutir à une dilution des impacts,

Ͳ des limites administratives, qui nécessairement ne pourront s’aligner sur les contours des territoires de projet.

Si ces critères sont posés, il est toutefois précisé qu’ils ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une systématisation : « L’argent public se fait rare, arrêtons le saupoudrage. Ok, on peut avoir des

idées, mais laissons quand même aux territoires le choix de se structurer » (MC_suploc_6).

Les stratégies retenues par les acteurs supra-locaux varient donc d’un territoire à l’autre, et contribuent à faire peser plus ou moins de contraintes sur les territoires bénéficiaires. Ce sont ces contraintes que nous proposons ici de d’analyser avec davantage de précisions, en se focalisant pour cela sur la situation de nos trois territoires d’étude.

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