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CHAPITRE I. LA TYPOLOGIE DES TOMBES

I. 1. Les tombes de surface

Nous nous appuyons ici sur les œuvres de Noël Duval concernant les nécropoles chrétiennes de l’Afrique du Nord. Cette approche nous est rendue possible par l’archéologie dont les découvertes nous permettent une vue d’ensemble sur les lieux de sépulture des corps dans les nécropoles chrétiennes de l’Afrique du Nord du IIe au IVe siècle. Grâce aux fouilles

archéologiques sur des sites au Maroc (Volubilis), en Algérie (Tipasa et Timbad, Cherchel), en Tunisie (Bulla Regia, Carthage, Thuburbo, Dougga, Mactar, Haïdra, Sbeitla) et en Tripolitaine (Sabraptha et Leptis), des tombes ont été mises à jour. Quelques défauts liés aux sites méritent mention. Il s’agit d’une part du manque de plans topographiques détaillés pour faciliter les localisations et les fouilles, et d’autre part de la difficulté à distinguer les tombes chrétiennes des tombes païennes. Notre objectif est de mettre en lumière les types de tombes qui ont servi à ensevelir les corps par inhumation ou les restes après crémation. Il est important de signaler que les nécropoles chrétiennes se sont regroupées massivement autour des centres où le culte rendu aux martyrs était bien développé. C’est l’inhumation auprès de saints corps, avec tout l’essor cultuel, particulièrement marqué durant la période d’Augustin, que nous analyserons plus tard299. Noël Duval écrit à ce sujet ce

qui suit : « Ce phénomène est particulièrement frappant à Tipasa où un cimetière fouillé par Baradez puis Lancel, à l’ouest-sud-ouest, le long de la route de Césarée (Cherchel) est resté essentiellement païen, tandis que deux zones le long de la mer, qui étaient aussi des nécropoles traditionnelles (depuis l’époque punique, au moins pour l’est), ont concentré le gros des inhumations chrétiennes : la plus spectaculaire est le champ des sarcophages s’étalant entre le rempart et le promontoire nord-est, né de l’inhumation de la

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sainte locale Salsa. Mais de l’autre côté, vers l’ouest où les fouilles ont été moins étendues, on constate dans l’état actuel des découvertes, au moins deux regroupements de tombes chrétiennes : l’un près des remparts, où un grand mausolée rond contenant des sarcophages pourrait être antérieur à l’époque chrétienne, mais présente aussi quelque lien avec la cathédrale proche (à l’intérieur des murs), et un autre plus loin autour d’un lieu d’inhumations de martyrs (de la persécution de Dioclétien ?) constitué par une

area, avec des lits de repas funéraires placés sous des portiques, qui aurait

attiré à son tour la nécropole des évêques de Tipasa, dont les dépouilles ont été transférées ensuite dans la chapelle voisine construite par l’évêque Alexandre (fin du IVe siècle) »300.

Dans un premier temps, Duval mentionne la proximité de tombes païennes

et chrétiennes dans les nécropoles vers la fin du IVe siècle. Païens et chrétiens

partagent les mêmes nécropoles sans que cela empêche des regroupements spécifiques en fonction de l’identité dans des areae communes.

De plus, le culte rendu aux martyrs a exercé une grande attraction de sorte que leurs tombes sont devenues des pôles d’inhumation avec la dévotion et les rites tels que les repas funéraires bien attestés. L’aura des martyrs de la foi était telle qu’elle provoqua un engouement chez les chrétiens de l’Afrique qui tenaient coûte que coûte à placer leurs morts à proximité des tombes martyriales. C’est ce que l’on a appelé l’inhumation ad sanctos, thème qu’a traité Yvette Duval dans les chrétientés orientales et occidentales301. Ce

phénomène n’est donc pas spécifique à l’Afrique, puisque nous le rencontrons aussi dans les Églises d’Orient et d’Occident.

Enfin, il y a ce lien qui se crée et qui devient même vital entre la nécropole et l’église. Il devient même difficile de savoir si la nécropole tient son existence

300 DUVAL N., « Les nécropoles chrétiennes d’Afrique du Nord » in Monuments funéraires.

Institutions autochtones en Afrique du Nord antique et médiévale, Éditions du CTHS, 1995, p.

193-194.

301 DUVAL Y., Auprès des saints corps et âme: L'inhumation "ad sanctos" dans la chrétienté

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de l’église ou inversement, ou si l’église n’exerce pas comme une sorte d’attraction sainte sur la nécropole. Il est très certain que nécropole et église se sont influencées mutuellement par le culte ou la dévotion funéraire. L’exemple d’Haïdra302, une ville située à l’ouest de la Tunisie, et que

mentionne Noël Duval est éclairant : « Le culte rendu à d’autres martyrs locaux a provoqué la construction d’une importante église, doublée d’une area close dans laquelle on a enterré pendant plusieurs siècles, mais cette église n’a pas modifié sensiblement l’usage de la nécropole environnante et n’a pas interdit qu’on enterre aussi dans les églises urbaines »303. L’inhumation en cette

période n’était pas exclusive dans les milieux chrétiens quoique les premiers écrivains africains y aient montré leur refus de la crémation comme nous le verrons plus loin304.

Quels types de tombes abritaient les corps dans les cimetières chrétiens ? La typologie des tombes que nous examinons prend appui sur le travail d’énumération sobre et précis qu’a réalisé Noël Duval qui fait état de sept types de sépulcres 305 . Il s’agit précisément, selon sa recension, de

sarcophages de pierre306, monolithes ou en plusieurs morceaux, de coffres ou

« tentes » de tuiles307, de tombes en amphores308, de coffres de pierre309, de

caveaux maçonnés310 et de sépultures en pleine terre ou en cercueil. Nous

302 Haïdra fut jadis une garnison de la troisième légion romaine (1er siècle avant J.-C)

d’Auguste à Vespasien. A partir du IIIe siècle de notre ère, elle est devenue une ville

épiscopale.

303 DUVAL N., « Les nécropoles chrétiennes d’Afrique du Nord » in Monuments funéraires.

Institutions autochtones en Afrique du Nord antique et médiévale, Éditions du CTHS, 1995, p.

194.

304 Infra, p. 170-189.

305 DUVAL N., Ibid., p. 195. Nous y trouvons la description précise de chaque type de tombe,

avec éventuellement les localités l’ayant abritée comme Tipasa, Sbeitla, Haïdra, Carthage.

306 On en trouve à Tipasa, à Sbeitla, à Haïdra, à Carthage.

307 Les régions de Gafsa et de Sbeitla ainsi qu’en Numidie centrale.

308 Leur nombre est considérable et elles sont répandues dans toute l’Afrique du Nord,

particulièrement les tombes en amphores pour enfants.

309 Ces tombes sont les plus ordinaires dans le sous-sol des églises, à défaut des

sarcophages. D’ordinaire, on ne les trouve pas dans les nécropoles. Elles sont localisées dans la basse vallée de la Medjerda comme à Cincari.

310 Les régions de Tipasa, Cincari et Carthage les abritent ; elles y sont recouvertes d’enduits

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nous focaliserons brièvement sur les sarcophages disséminés sur toute l’étendue du territoire africain. En ce qui concerne les sarcophages de pierre, il est indéniable qu’en plus de son génie propre qu’elle a déployé pour leur construction, l’Afrique a été aussi importatrice de sarcophages en marbre de type romain311. Le sarcophage est une demeure à fosse taillée dans le roc. Ce

type de sépulture est surtout réservé à des personnages ayant joui d’un statut social honorable. Son architecture est simple, sans fioriture, et « la forme extérieure est généralement rectangulaire et le couvercle est le plus souvent plat quand le sarcophage est enterré, avec quelques exemples de couvertures en pâtière (pente légère) et sommairement décorées (par exemple à Carthage dans la fouille du lycée) ou pour les nécropoles à l’air libre comme à Tipasa (où l’on connaît aussi deux ou trois cas de décor sur la cuve, en général sur un petit côté) »312. Seule l’archéologie nous fournit des données sur la typologie

des tombes en Afrique du Nord. Aucune description littéraire de tombe ne se trouve chez les auteurs chrétiens ou sur la typologie des tombes ayant abrité des corps ou des restes. À la suite de cette présentation succincte sur la typologie des tombes en Afrique chrétienne, nous nous intéressons aux catacombes dans l’Afrique chrétienne.