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CHAPITRE I : DU GESTE AU RITE

II. 2. L’encens dans la littérature latine

Nous abordons la question de l’encens dans une double perspective qui prend en compte l’histoire de son usage d’une part, son emploi funéraire d’autre part. Dans la littérature latine, nous trouvons la première attestation historique de l’encens dans un récit de Tite-Live. L’année de référence est celle de 246 avant J.-C., au moment où le peuple romain subissait la guerre étrusque. Alors que Volumnius exerçait déjà un mandat consulaire, deux autres consuls lui furent adjoints, Quintus Fabius et Publius Decius. Ce triumvirat avait la responsabilité de mener la guerre pour la victoire et la paix romaines. Tite-Live atteste pour cette époque ce qui suit : « Cette année-là, il y eut beaucoup de prodiges ; pour en détourner les effets, le sénat ordonna deux jours de prière ; le trésor fournit le vin et l’encens. Un grand nombre d’hommes et de femmes allèrent supplier les dieux »184.

Le contexte de l’usage de l’encens dans ce passage de Tite-Live est purement cultuel, sans aucun lien possible avec des funérailles. Il est en effet brûlé en l’honneur des dieux pour conjurer le mauvais sort d’une défaite militaire, pour attirer au peuple romain les grâces protectrices des divinités du panthéon. Les libations de vin et la fumée de l’encens participent à la prière de

183 Apocalypse 8, 3-4 : « Et alius angelus venit et stetit ante altare habens turibulum aureum,

et data sunt illi incensa multa, ut daret orationibus sanctorum super altare aureum, quod est ante thronum. Et ascendit fumus incensorum de orationibus sanctorum de manu angeli coram Deo » (Novum Testamentum, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 2001, p. 647).

184Tite-Live, Histoire romaine, Livre X, 23, 1 : « Eo anno prodigia multa fuerunt, quorum

averruncandorum causa supplications in biduum senates decrivit ; publice vinum ac tus praebitum ; supplicantum iere frequentes viri feminaeque ».

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supplication aux dieux dont on cherche la bienveillance dans une situation de désespoir185.

Une deuxième mention nous vient de Pline l’Ancien qui fait une description assez circonstanciée de l’encens. D’après lui, l’origine de l’encens est l’Arabie : « L’encens ne se trouve nulle part qu’en Arabie, et encore pas dans toute l’Arabie »186. Il affirme que les premiers qui ont fait le commerce de

l’encens sont les Minéens : « Ces forêts (à encens) confinent aux Minéens, autre tribu, que les caravances d’encens traversent sur une seule piste. Ce sont eux qui les premiers, ont fait le commerce de l’encens, et qui le pratiquent encore le plus activement : aussi appelle-t-on aussi l’encens minéen. Ce sont les seuls Arabes qui voient l’encens, et encore ne le voient-ils pas tous »187.

De plus, selon Pline, quelques familles possèdent le monopole de l’exploitation de l’encens et de sa commercialisation ; c’est ainsi que leurs membres sont dits sacrés. L’encens est entouré de mystère, ce qui fait qu’au « moment de l’incision ou de la récolte, ils s’interdisent, comme une souillure, tout contact avec les femmes ou avec les morts, ce qui augmente la valeur religieuse de la denrée »188. La récolte de l’encens semble être soumise à un

rituel, à une forme d’éthique que les exploitants sacrés doivent respecter. Pline l’Ancien écrit également que les Grecs donnent une description très variable de l’encens : « Pour les uns la feuille est celle du poirier, plus petite seulement et d’un vert herbacé ; pour d’autres, l’arbre ressemble au lentisque dont la feuille serait roussâtre ; pour certains, c’est un térébinthe, et le roi Antigone, à qui on en apporta un pied, en jugea ainsi. Le roi Juba, dans son ouvrage dédié au fils d’Auguste, Caïus César, que passionnait tout ce qui touche à l’Arabie,

185 FÉVRIER C., « Supplicare deis. La supplication expiatoire à Rome », in Recherche sur les

rhétoriques religieuses n° 10, Turnhout, Brepols, 2009.

186 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XII, XXX, 52: « Tura praeter Arabiam nullis, ac ne

Arabiae quIdem, universae ».

187 Ibid., Livre XII, XXX, 54 : « Attingunt et Minaei, pagus alius, per quos evheitur uno tramite

angusto. Hi primi commercium turis facere maximeque exercent, a quibus et Minaeum dictum est. Nec praeterea Arabum alii turis arborem vident, ac ne horum quIdem, omnes ».

188 Ibid., Livre XII, XXX, 54 : « Nec ullo congressu feminarum funerumque, cum inciddant eas

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rapporte que la tige en est tortueuse »189. L’encens est ainsi entouré d’un peu

de mystère qui grandit sa préciosité. La description de Pline prend en compte la localisation de l’arbre, le rite qui préside à son incision et à sa récolte, les familles qui sont les dépositaires traditionnels du rite et les périodes d’incision. Enfin, Pline l’Ancien mentionne l’usage relativement tardif de l’encens dans les sacrifices aux divinités. Il affirme que, pendant la guerre de Troie (entre le XIIIe et le XIIe av. J.-C.), on ne connaissait pas encore l’encens dans les

sacrifices aux dieux : « Ainsi furent inventés les parfums… Au temps de la guerre de Troie, ils n’existaient pas encore, et l’encens ne s’employait pas encore dans les sacrifices. On ne savait encore que brûler des rameaux d’arbres indigènes, cèdre et citre, dont les volutes de fumée, dans le sacrifice, répandaient un relent plutôt qu’une senteur »190. On brûlait plutôt, à cette

époque de l’histoire romaine, des herbes sauvages provenant de la sabine (herbae Sabinae) et du laurier.

Arnobe de Sicca en Numidie, auteur chrétien de l’Afrique du Nord, confirme le témoignage de Pline l’Ancien, quand il atteste l’absence d’usage de l’encens par les premiers rois Romulus et Numa. C’est la raison qui nous pousse à faire valoir ici son témoignage comme argument d’appui à celui de Pline l’Ancien, bien qu’il ne fasse pas partie des auteurs païens. Il est issu du paganisme dont il devient un farouche opposant après sa conversion entre 295 et 296. Nous trouvons la mention de l’encens dans son Contre les gentils, daté entre 300 et 311, et qui est une véritable apologie du christianisme contre le paganisme. Arnobe écrit :

En effet, l’encens n’était connu ni aux temps héroïques, tel qu’on croit et qu’on rapporte qu’ils ont été, comme le prouvent les auteurs antiques, où l’on en trouve aucune mention dans leurs livres; ni en Étrurie, origine et mère de la

189 Ibid., Livre XII, XXXI, 56: « Alii folio piri, minore dumtaxat et herbidi coloris, prodidere, alii

lentisco similem subrutilo filio, quidam terebinthum esse, et hoc visum Antigono regi allato frutice. Iuba rex, iis voluminibus quae scripsit ad C. Caesarem Augusti filium ardentem fama Arabiae, tradit contorti esse caudicis ». Texte établi, traduit et commenté par Guy Serbat, Paris, Les Belles Lettres, 1972.

190 Ibid., Livre XIII, 1-2 : « Ita reperta sunt unguenta… Iliacis temporibus non erant, nec ture

supplicabatur : cedri tantum et citri, suorum fruticum, et in sacris fumo convolutum nidorem verius quam odorem noverant ». Texte établi et traduit par A. Ernout, Paris, Belles Lettres, 1956.

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superstition, qui ne l’a pas connu ou n’en a pas entendu parler, comme le prouvent les rites de leurs lieux sacrés; ni à Albe durant les quatre cents années où elle fut florissante, et où personne ne s’en servit lors d’une cérémonie; ni au temps de Romulus lui-même, ou de Numa, pourtant expert dans l’art d’inventer des pratiques religieuses, qui ne connurent pas son existence ni ne firent naître son utilisation, comme le montre le gâteau sacré avec lequel on avait coutume d’accomplir les fonctions sacrificielles d’usage191.

Arnobe fait référence à une fausse croyance, selon lui, transmise de génération en génération, sur l’usage très ancien de l’encens dans l’histoire de Rome. Il rattache l’origine de cet anachronisme qu’il qualifie de superstition (superstitio), à l’Étrurie. Il prend appui sur les auteurs antiques qui ne font pas mention d’un usage très ancien de l’encens à Rome, dans des cérémonies dont il ne précise pas la nature. S’agirait-il des sacrifices d’encens dans le culte en l’honneur des divinités, au cours des cérémonies civiles et religieuses ? Sur les auteurs antiques auxquels il fait allusion, il ne précise pas leur identité. Nous ne savons pas non plus, d’après Arnobe, la période de l’histoire romaine où on a commencé à se servir de l’encens. Arnobe devenu chrétien mène un combat contre le paganisme. C’est dans cette ligne de combat qu’il tourne en dérision les sacrifices offerts aux dieux. Parmi les offrandes faites à la divinité figure l’encens (tus) dont l’absence, dans la conception païenne, rendait imparfait le sacrifice, comme si la divinité dépendait de l’offrande des sacrifices d’encens. Selon le témoignage d’Arnobe, dans le paganisme, la bienveillance des dieux, le bien qu’ils accomplissent pour les humains sont conditionnés par l’offrande de l’encens et d’autres substances comme le vin et de la farine salée :

Personne, dit-on, n’adresse de prières aux dieux tutélaires, et c’est pour cela qu’ils manquent, chacun pour sa part, à leurs tâches coutumières et à leur devoir d’assistance. Ainsi, à moins qu’on ne leur offre de l’encens et de la farine salée, les dieux ne peuvent faire du bien, et à moins de voir leurs petits autels barbouillés du sang du bétail, ils se démettent de leur patronage et le rejettent ? Pourtant, je croyais, moi, naguère, que les générosités des

191Arnobe, Contre les Gentils, Livre VII, 26, 4 : «Nam neque temporibus, quemadmodum

creditur et perhibetur, heroicis quidnam esset thus scitum est, scriptoribus ut comprobatur a priscis, quorum in libris posita nulla eius mentio repperitur, neque genetrix et mater superstitionis Etruria opinionem eius novit aut famam, sacellorum ut indicant ritus, neque quadringentis annis quibus Albana res viguit in usum cuiquam venit, sacra cum res fieret, neque ipse Romulus aut religionibus artifex in comminiscendis Numa aut esse scivit aut nasci, ut pium far monstrat, quo peragi mos fuit sacrificiorum sollemnium munia ». Texte établi et traduit par Bernard Fragu, Paris, Les Belles Lettres, 2010.

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puissantes divinités étaient spontanées, et que d’elles-mêmes, elles laissaient couler à flots des dons inattendus de leur bienveillance192.

Le sacrifice d’encens est une nécessité dans le culte rendu aux divinités et un gage de faveurs pour les humains. Arnobe tient à démontrer l’inutilité des sacrifices offerts aux divinités païennes parmi lesquels figure le sacrifice d’encens : « Ou bien l’encens est offert et, en collant il périt sur les braises, ou bien c’est une victime vivante que l’on offre, et son sang est léché par les chiens, ou encore si quelque viande a été placée sur les autels, elle est brûlée pour la même raison et, détruite, elle tombe en cendres »193. Arnobe dans sa

logique argumentative raille les païens qui pensent pouvoir obtenir les largesses de la divinité en la conditionnant par leurs riches offrandes d’aliments et d’encens. Un tel agir divin qui récompense en fonction de l’opulence du don, créerait une injustice contre ceux qui sacrifient de façon modique un peu d’encens (tus exiguum), en dépit de la pureté de leurs cœurs194. En partant de l’histoire de l’encens qui n’existait pas aux origines de

Rome, il veut démontrer que l’encens est inutile dans les rites sacrificiels aux dieux195. Si l’encens n’a pas été indispensable durant toutes les périodes qui

ont marqué l’histoire de Rome, comment pourrait-il alors subitement devenir nécessaire aux sacrifices pour envahir les sanctuaires ? Selon lui, l’encens n’est rien d’autre qu’une « gomme qui s’écoule d’écorces comme celles de

192 Arnobe, Contre les Gentils, Livre III, 24, 1 : « Tutelatoribus, inquit, supplicat diis nemo, et

idcirco singuli familiaribus officiis atque auxiliis desunt. Nisi enim tura et salsas accipiant fruges, benefacere dii nequeunt, et nisi pecorum sanguine delibutas suas conspexerint arulas, suos deserunt atque abiciunt praesidatus ? Nisi enim tura et salsas accipiant fruges, benefacere dii nequeunt, et nisi pecorum sanguine delibutas suas conspexerint arulas, suos deserunt atque abiciunt praesidatus? Atquin ego rebar paulo ante, spontaneas esse numinum benignitates ultro que ab his fluere inexpectata benivolentiae munera ».

193 Ibid., Livre VII, 3, 7 : « Aut enim thus datur et liquefactum carbonibus disperit, aut animalis

est hostia et ab canibus abligurritur sanguis, aut si aliquod viscus aris fuerit traditum, ratione ardescit pari et dissolutum in cinerem labitur ; Idem, Livre VI, 1, 2.

194 Ibid., Livre VII, 12, 5 « Si ex duobus facientibus res sacras nocens unus et locuples, alter

angusto lare sed innocentia fuerit et probitate laudabilis, centum ille | caedat boves totIdem, que cum agniculis suis matres, thus pauper exiguum et odoris alicuius unam concremet glebulam: nonne erit consequens ut debeat credi, si modo nihil numina nisi praemiis antecedentibus praestant, ut favorem suum commodent locupleti, avertant a pauperculo lumina, quem restrictum non animus sed familiaris rei necessitas fecit?» .

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l’amandier, du cerisier, et se solidifie en formant des gouttes »196. Si les

narines des dieux ne peuvent se passer de l’odeur de l’encens, c’est une preuve qu’ils sont des mortels, donc qu’ils ne peuvent prétendre au statut divin. En résumé, Arnobe ne témoigne pas de l’encens comme élément rituel dans le contexte funéraire. Il en parle dans le but de tourner en dérision le paganisme et son culte des divinités. C’est ainsi qu’il nous donne des informations sur l’encens dans le culte rendu aux divinités dans le paganisme.

Mais des attestations sur l’usage de l’encens en contexte funéraire nous proviennent de Virgile, de Martial et d’Apulée.

D’abord, l’encens chez Virgile est en lien avec les funérailles de Misène qu’il décrit. Nous avons déjà commenté une partie du paragraphe197 que nous

citons partiellement, considérant ici la partie qui concerne l’usage de l’encens.

L’amas des offrandes, encens, chair des victimes, l’huile répndue, les cratères, tout est brûlé. Après que les cendres se furent affaissées, la flamme alanguie, ils ont lavé dans le vin les restes et l’avide poussière ; Corynée, recueillant les os, les enferme dans une urne de bronze198.

Le bûcher est apprêté pour la crémation du corps de Misène. Le foyer reçoit des aliments sacrés utilisés lors de funérailles et l’encens.

Autre témoignage, celui de Martial (40-104) qui, dans ses Épigrammes, écrit au sujet de la mort de Varus :

Varus, toi qui portas avec tant de distinction le sarment du centurion à travers les villes d'Égypte, qui commandas si honorablement à cent guerriers ; toi dont les peuples de l'Ausonie se promettaient en vain le retour, ton ombre repose étrangère aujourd'hui sur la terre où régna Lagus. Il ne m'a pas été permis d'arroser de mes larmes tes froides reliques, ni de jeter de l'encens (tura) sur

196 Ibid., Livre VII, 27, 6 : « Sed tamen, o pietas ! Quantus iste est honor aut qualis, qui ex ligni

sudore conficitur et resina ex arboris conparatur ? Nam ne forte ignoretis, quid aut unde sit thus istud : viscum est ex corticibus profluens ita ut ex amygdalo, ceraso, lacrimabili destillatione coalescens ».

197 Supra, p. 62-64.

198 Virgile, L’Énéide VI, 224-228: «Congesta cremantur turea dona, dapes, fuso crateres oliuo.

Postquam conlapsi cineres et flamma quieuit reliquias uino et bibulam lauere fauillam, ossaque lecta cado texit Corynaeus aeno ». Texte établi par Jacques Perret, Paris, Les Belles, 2007, p. 50.

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ton bûcher funèbre ; mais je puis immortaliser ton nom par des vers qui ne périront point. Nil perfide, peux-tu nous enlever aussi cette consolation199 ?

L’encens est un élément qui participe de la crémation de Publius Quintilius Varus, né vers 46 avant Jésus-Christ, général de l’armée romaine chargé par Auguste d’organiser la Germanie sous domination romaine, sur la rive droite du Rhin. Martial se fait le chantre de la valeur militaire de Varus qui se suicida au moyen de sa propre épée suite à la défaite cuisante des trois légions à la tête desquelles il marchait, à la bataille de Teutoburg, vers l’an 9 après Jésus- Christ. Vaincu par les troupes d’Arminius le régent germain, Varus mort fut alors mutilé, et sa tête parvint à l’empereur Auguste qui se serait écrié, à la nouvelle du désastre militaire, dans des propos restés fameux : « Varus, Varus, legiones redde », c’est-à-dire, « Varus, Varus, rends-moi mes légions ». Ce personnage historique dont Martial fait l’éloge n’eut pas l’honneur de funérailles dont il mentionne certains éléments : les larmes des pleurs et le bûcher de l’incinération sur lequel on faisait brûler de l’encens.

Enfin, au début de notre ère, Apulée témoigne de l’usage de l’encens dans les cérémonies funéraires. Il atteste en effet que l’encens était utilisé avec d’autres arômes tels que le cannelier et la myrrhe, dans un contexte funéraire, médicinal et sacrificiel. Dans son œuvre intitulée, l’Apologie, il écrit : « Voit-on pour cela qu’en toute chose on aille soupçonner le pire ? Croire, par exemple, que l’on ne puisse, sans que ce soit pour les funérailles, acheter de l’encens (tus), de la cannelle, de la myrrhe ou d’autres parfums analogues, qu’on emploie tout aussi bien pour des usages médicaux ou pour des sacrifices ? »200. L’encens dont parle Apulée est utilisé dans diverses circonstances. Il

est employé dans les sacrifices et les libations aux dieux, dans les soins médicinaux et dans les funérailles. Si nous connaissons les contextes de

199 Martial, Épigrammes X, XXVI: « Vare, Paraetonias Latia modo uite per urbes / Nobilis et

centum dux memorande uiris, / At nunc Ausonio frustra promisse Quirino, / Hospita Lagei litoris umbra iaces. Spargere non licuit frigentia fletibus ora, / Pinguia nec maestis addere tura rogis. Sed datur aeterno uicturum carmine nomen: Numquid et hoc, fallax Nile, negare potes?»

200 Apulée, Apologie, 32, 4 : « Nec tamen omnia idcirco ad nequiorem suspicionem trahuntur,

ut si tus et casiam et myrram ceteros que id genus odores funeri tantum emptos arbitreris, cum et medicamento parentur et sacrificio ». Texte établi et traduit par Paul Valette, Paris, Les Belles Lettres, 1924, p. 40.

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l’usage de l’encens, nous ignorons si des paroles ou des gestes rituels présidaient à son utilisation.

En résumé, Virgile et Martial attestent avec précision de l’usage de l’encens en rapport avec le rite de la crémation. Apulée, quant à lui, affirme de l’usage de l’encens dans les funérailles. Cela ne suffit pas pour déduire de son utilisation pour la crémation.

Ces témoignages littéraires issus du paganisme démontrent la présence de l'encens dans le culte funéraire et dans le culte rendu aux dieux. Nous pouvons dire que les libations d’encens aux dieux participent à la relation entre l’offrant et la divinité, le premier étant soumis au second dont il attend des faveurs. Il est difficile de dégager clairement la finalité de l’utilisation de l’encens dans le culte païen aux morts. L’encens est-il utilisé pour assainir l’atmosphère dans le contexte funéraire, lorsqu’il est brûlé à proximité du corps ? Quelle finalité remplit-il en cas de crémation ? Il est difficile d’y répondre exactement. En revanche, nous pouvons affirmer que l’usage funéraire est de l’ordre du rite.

En conclusion, nous pouvons dégager la vision commune que partagent le paganisme et le monothéisme biblique : l’encens est un parfum que la divinité aime et dont elle réclame les sacrifices et les fumées aux mortels. La vie des humains dépend de leur fidélité à brûler l’encens à la divinité qui, en retour, leur assure le bonheur. Alors que l’encens est employé dans le paganisme pour les funérailles, il est en revanche le monopole exclusif de la divinité dans la Bible.

Le christianisme en Afrique du Nord se déploie dans un environnement où