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CHAPITRE I : DU GESTE AU RITE

I.5. La deploratio ou les lamentations funèbres

La deploratio s’exprimait par des pleurs, des cris et des lamentations en circonstance de deuil. Ces lamentations funèbres pourraient avoir plusieurs interprétations134. Elles seraient d’abord l’expression de la douleur profonde,

du déchirement que provoque la disparition de l’être cher. Elles seraient ensuite liées à la phobie des défunts qu’il faut savoir apprivoiser en leur prouvant le désarroi et la tristesse que provoque leur disparition physique. Ces lamentations pourraient encore signifier la volonté de retenir l’entité invisible que représente l’âme, avant la sépulture du corps ou avant la crémation.

La mort d’un proche provoque une douleur pour les vivants qui l’expriment au travers des émotions dont les larmes sont les témoins visibles. L’ampleur de la douleur est aussi fonction de l’âge et des circonstances de la mort. Païens et chrétiens partageaient les mêmes expressions du deuil, comme le fait de pleurer les morts. Les pleurs provoqués par la mort d’un être cher peuvent être naturels ou ritualisés. Le planctus ritualisé est du ressort des pleureuses professionnelles (praeficae), dont la fonction est d’émettre des cris et des lamentations qui manifestent la douleur que provoque la mort. Ces professionnelles du funus étaient employées par des familles riches dont elles percevaient une rémunération de circonstance. Lorsque le cortège funèbre avance vers le lieu de la sépulture, les joueurs de flûtes (tibicines) et de trompettes (tubicines), ainsi que les pleureuses donnent le ton de la circonstance. Elles étaient choisies pour la qualité de leur voix135. Les

pleureuses en particulier manifestaient des signes de grand désespoir en se

134 PRIEUR J., La mort dans l’Antiquité romaine, Ouest-France, 1986, p. 18.

135 Varron, De Vita Populi Romani lib. IV : « Ibi a muliere, quae optuma voce esset, perquam

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frappant la poitrine, en s’arrachant les cheveux, en fondant en larmes et en poussant des cris aigus. A propos des praeficae, Francesca Prescendi, dans son article sur le deuil à Rome, écrit ceci : « Elles se mettaient alors à la tête (praeficere) du groupe des servantes afin de leur montrer comment se lamenter136. Les rares informations que l’on rencontre semblent indiquer que

ces femmes étaient payées pour réciter des chants funèbres137. Ces chants,

les neniae, devaient être des lamentations topiques, non personnalisées, qui étaient rythmées au son d’instruments musicaux »138. La place des pleureuses

professionnelles dans les funérailles à Rome montre l’imbrication du privé et du public dans le deuil familial. La deploratio passe de l’expression naturelle de la douleur que provoque la mort d’un proche au rite des lamentations organisé et ordonné. Comme le souligne Prescendi « la ritualisation de la lamentation s’affirme comme un moyen de canaliser l’émotion et de l’empêcher de se transformer en état mental durable ». C’est alors une forme de thérapie choisie pour ceux qui traversent le deuil.

La deploratio qu’elle soit naturelle ou ritualisée, suscite plutôt des réticences de la part des auteurs chrétiens. Les chrétiens du temps de Cyprien avaient aussi coutume d’exprimer par des attitudes extérieures la souffrance et la tristesse qui caractérisaient le départ d’un être cher conformément aux traditions issues du paganisme de leur environnement. En effet, Cyprien, dans ses traités De lapsis 139 et De mortalitate, évoque les manifestations

136 Varron, De lingua latina 7, 70 : « <Praefica> dicta, ut Aurelius scribit mulier ab luco quae

conduceretur, quae ante domum mortui laudis eius caneret […] Claudius scribit : « quae praeficeretur ancillis, quemadmodum lamentarentur, praefica est dicta ». « On appelle praefica, comme l’écrit Aurelius, la femme qu’on prenait à solde du bois [de Libitina], qui devant la maison du mort chantait les louanges de celui-ci. […] Claudius écrit : “La praefica est appelée ainsi parce qu’elle est à la tête du groupe des servantes auxquelles elle apprend comment se lamenter” ». Traduction de Francesca Prescendi.

137 Sénèque, Lettre à Lucilius XXII: « Mercede quae conductae flent alieno in funere, praeficae

multo et capillos scindunt et clamant magis ». « Payées pour le faire, les praeficae pleurent lors des funérailles d’autrui, s’arrachent les cheveux et crient abondamment ». Traduction de Francesca Prescendi.

138 PRESCENDI F., « Le deuil à Rome : mise en scène d’une émotion », in Revue de l’histoire

des religions. La mort et l’émotion. Attitudes antiques, Armand Colli, 2008, p. 301.

139 Cyprien de Carthage, Ceux qui sont tombés (De lapsis). Texte critique du CCL 3 (M.

Bévenot), introduction par Graeme Clarke et Michel Poirier, traduction par Michel Poirier, Apparats, notes et index par Graeme Clarke, Août 2012.

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extérieures du deuil chez les chrétiens, qu’il dénonce et désapprouve. Dans le

De lapsis, Cyprien traite de tous ceux qui sont tombés (lapsi) en consentant

aux sacrifices païens sous l’empereur Dèce en 250, pour échapper aux persécutions. Cyprien exige de la part des lapsi une prise de conscience de leur faute et l’acceptation d’une réelle pénitence par la prière, le jeûne et l’aumône. C’est cette situation de reniement qui pousse Cyprien à reprocher aux « apostats d’avoir moins de peine pour la mort de leur âme que pour le décès de leurs proches »140. La comparaison dont se sert Cyprien est

pédagogique. Même si elle renseigne en passant sur le deuil, elle vise avant tout, au moyen d’un rapprochement saisissant, le retour dans l’Église catholique de ceux qui ont renié la foi. Elle voudrait sauver de la mort éternelle ceux qui ont quitté, à ses yeux, le droit chemin pour leur perdition. C’est dans cette logique également que s’inscrit la lettre de Cyprien à une chrétienne ayant apostasié pendant la persécution de Dèce :

Si tu avais perdu parmi tes proches quelque être cher victime de sa condition mortelle, tu gémirais (ingemisceres) et pleurerais (fleres) dans l’affliction : par ton visage sans apprêt, tes vêtements de deuil, tes cheveux dénoués, ta physionomie embrumée, ta tête baissée, tu montrerais les signes du chagrin141.

Bien que le témoignage de Cyprien vise en réalité la conversion des lapsi et de la chrétienne dévoyée, il nous livre des indices assez précis sur les manifestations extérieures du deuil dans le contexte païen et chrétien de son temps. Le planctus contenu dans les reproches de Cyprien se traduit par les pleurs et les gémissements, la négligence du physique, la déconfiture du visage comme manifestations extérieures du deuil. Cyprien tient à indiquer aux chrétiens que de telles attitudes ne conviennent pas à leur nouvelle identité chrétienne.

Enfin, dans le De mortalitate écrit en 252 pendant la peste, Cyprien exhorte les chrétiens à donner une sépulture à tous sans exception. Il s’exprime sur

140 SAXER V., Morts, martyrs, reliques, p. 89.

141 Cyprien, Ceux qui sont tombés 30 : « Si quem de tuis carum mortalitatis exitu perdidisses,

ingemesceres dolenter et fleres : facie inculta, ueste mutata, neglecto capillo, uultu nubilo, ore deiecto indicia maeroris ostenderes ».

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l’attitude convenable en contexte de deuil. Dans un premier temps, Cyprien évoque le sort heureux des martyrs dont la sortie de ce monde ne doit pas être cause de tristesse et de lamentations :

Ces couronnes célestes des martyrs, cette gloire spirituelle des confesseurs, ces vertus de tout premier ordre des frères demeurés fidèles, un seul sujet d’affliction les assombrit : l’Ennemi dans sa violence nous a arraché une part de notre chair, et l’a jetée à bas en jonchant le sol de ses ravages 142.

Cyprien montre de la constance à réconforter les chrétiens persécutés qui enregistrent des morts dans leur rang. Il fait valoir l’argument de la gloire dont les martyrs et les confesseurs bénéficient. Leur mort glorieuse ne doit donc pas pas être source d’affliction, même s’il s’attriste de la barbarie avec laquelle leurs vies ont été arrachées à l’existence présente d’une part, du manque du respect de leurs corps d’autre part.

Dans un deuxième temps, Cyprien fait allusion à la mort de tout chrétien qu’il place dans une perspective sotériologique. Il invite à l’attitude qui convient pour un chrétien en pareille circonstance en ces termes :

Nos frères ne doivent pas être pleurés quand l’appel du Seigneur les a libérés du siècle. Nous savons, en effet, qu’ils ne sont pas perdus, mais partis (non

amitti sed praemitti), en nous laissant ils nous précèdent. Comme les autres

qui partent en voyage ou prennent la mer, ils peuvent nous donner du regret, ils ne doivent pas causer notre deuil (desiderari eos debere non plangi). Aussi n’avons-nous pas à prendre ici des vêtements noirs143, alors qu’eux là-bas ont

142 Idem, Ceux qui sont tombés 4: « Has martyrum coelestes coronas, has confessorum

glorias spiritales, has stantium fratrum maximas eximiasque uirtutes moestitia una contristat: quod avulsam nostrorum viscerum partem violentus inimicus populationis suae strage dejecit».

143 Si Cyprien nous fournit une information imprécise sur la couleur vestimentaire des vivants,

pendant la période du deuil, il est en revanche silencieux sur les vêtements des morts. À ce sujet, au IVe siècle, dans le contexte de la polémique avec les païens, Lactance nous livre un

indice précieux. Nous le trouvons dans les Institutions divines II, 4, où il s’en prend au paganisme et à son culte rendu aux idoles: « Quis usus est pretiosorum munerum nihil sentientibus? an ille qui mortuis? Pari enim ratione defunctorum corpora, odoribus ac pretiosis uestibus illita et conuoluta, humi condunt, qua deos honorant, qui neque cum fierent, sentiebant, neque cum coluntur, sciunt; nec enim sensum consecratione sumpserunt» «Les honneurs que l'on rend aux dieux sont semblables aux devoirs que l'on rend aux morts. On embaume les corps et on leur met de riches habits, avant de les enfermer dans les tombeaux. On pare de même les dieux qui n'ont aucun sentiment de ce que l'on prétend figurer pour les honorer».

Ce qui nous interpelle dans ce passage des Institutions, à visée apologétique, est la mention pretiosis vestibus. Les corpora defunctorum sont vêtus d’habits précieux qui pourraient être soit de grand prix, soit somptueux. L’accent est mis sur la qualité des vêtements des morts, sans toutefois aucune mention de couleur. La liberté d’habiller le mort appartiendrait aux membres de la famille ou des proches, excepté le cas d’un éventuel testament vestimentaire

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déjà revêtu des robes blanches. Ne donnons pas l’occasion aux reproches justifiés et légitimes des païens, à savoir que nous pleurons comme disparus et perdus ceux que nous disons vivre auprès de Dieu144.

Nous constatons l’insistance de Cyprien sur le fait qu’il ne convient pas de pleurer les morts. Ils ont été appelés par le Seigneur de la vie. La mort paraît donc comme une réponse à l’appel du Seigneur. Il n’occulte pas la douleur que provoque la mort des êtres chers, mais il invite à garder au cœur l’espérance et la certitude qu’ils vivent désormais dans la paix de Dieu. De plus, le fait de pleurer et de se lamentater est pour Cyprien un mauvais témoignage rendu par les chrétiens qui donnent ainsi aux païens l’occasion de se moquer de ceux qui croient à la résurrection des morts.

Toujours dans le De mortalitate, Cyprien, en désavouant les manifestations extérieures du deuil, adresse des conseils aux vivants destinés à mourir. La douleur intérieure liée à la mort des proches ne doit pas être l’occasion de grandes lamentations, d’exhiber des signes extérieurs tels que la négligence quant aux soins à donner au corps ainsi que le port de vêtements noirs. Quant aux vêtements de deuil, les atrae vestes, ils pourraient renvoyer aux coutumes funéraires juives attestées dans l’Ancien Testament : « Mets des habits de deuil »145.

Ce désaveu des pleurs et des lamentations propres à la deploratio est motivé par la vision de Cyprien sur la mort comme une libération, un chemin transitoire, un voyage vers une destination que les chrétiens connaissent. Ils

qui les obligerait. Nous pouvons donc, en recoupant les informations de Cyprien et de Lactance, conclure que les vivants et les morts ne s’habillaient pas de la même façon, dans les funérailles. Pendant que les morts portent des vêtements précieux qui sont ceux des circonstances de joie ou de fête, selon Lactance, les vivants portent des vêtements sombres d’après Cyprien. N’y aurait-il dans ces cirsconstances, un renversement de comportement, dans la célébration de la mort? Cyprien, lorsqu’il exhorte les chrétiens à ne pas se vêtir d’habits funèbres comme le font les païens, veut éviter que leur attitude vestimentaire soit sujette aux moqueries des païens.

144 Cyprien, Sur la mort 20 : « Ut publice praedicarem fratres nostros non esse lugendos

accersitione dominica de saeculo liberatos, cum sciamus non amitti sed praemitti, recedentes praecedere, ut proficiscentes, ut nauigantes solent, desiderari eos debere, non plangi nec accipiendas esse hic atras uestes, quando illi ibi indumenta alba iam sumpserint, occasionem dandam non esse gentilibus, ut nos merito ac iure reprehendant, quod quos uiuere aput Deum ». Traduction de Philippe Ariès. Collection « Les Pères dans la foi », Paris, Desclée de Brouwer, 1980.

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vivent désormais auprès de Dieu, et cette conviction devrait être source de sérénité et non une raison d’agitations débordantes comme font les païens. Les morts eux-mêmes qui vivent désormais auprès de Dieu ne cautionneraient pas, d’après Cyprien, que les vivants pleurent à cause d’eux. Cyprien voudrait que les chrétiens vivent dans leur deuil cette espérance en Dieu. Ils pourraient ainsi chanter comme le psalmiste lorsque sa vie ressemblait à une descente dans la fosse : « Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie » (Ps 29, 12). Pour Cyprien, la mort n’est pas une fin, mais un commencement de la vie éternelle en Dieu. Cette espérance doit habiter le chrétien, changer son rapport à la mort. Par conséquent, la tristesse et l’angoisse devant la mort de ceux qui meurent dans le Seigneur, doivent être bannies. Ce désaveu des pleurs et des lamentations au moment de la perte d’un proche, dans le De Mortalitate de Cyprien, est aussi un topos du genre de la consolation d’inspiration philosophique telle que le stoïcisme.

La résurrection des morts et leur vie auprès de Dieu sont donc les piliers contre lesquels les chrétiens doivent s’adosser pour rester fermes, dignes et confiants. La mort du chrétien doit même être une raison de se réjouir, surtout celle des martyrs ou des confesseurs qui goûtent désormais la vraie vie, débarrassés définitivement des tracas et des soucis de la vie présente. Cyprien est persuadé que le véritable bonheur est hors du monde. En effet, commentant les paroles de Jésus à ses disciples qui leur dit : « Si vous m’aimez, vous vous réjouirez de ce que je vais vers le Père », Cyprien l’interprète comme une incitation à la joie plutôt qu’à l’affliction devant la mort des êtres chers146. Car comme l’affirme l’apôtre Paul, « pour moi, vivre c’est le

Christ, et mourir est un gain »147. L’affliction et les pleurs, dans la vision de

Cyprien, seraient-ils un manque de foi qui la discréditerait et trahirait l’espérance chrétienne en la résurrection ?

146 Cyprien, De mortalitate 7 : « Si me dilexissetis, gauderetis quoniam uado ad patrem ». 147 Ph 1, 21.

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Augustin de son côté, comme Cyprien auparavant, invite les chrétiens à ne pas pleurer leurs morts, puisqu’ils sont dans l’attente de la résurrection promise en Jésus-Christ le ressuscité. Il s’exprime ainsi dans le Sermon 361 :

Mais tu t’attristes de l’être très cher enseveli, parce que tu n’as pas entendu sa voix. Il vivait, il est mort ; il mangeait et il ne mange plus ; il sentait, et il ne sent plus. Il ne s’intéresse plus aux réjouissances et à la joie des vivants. Est-ce qu’en quelque manière tu pleurerais la semence tu laboures ?148.

Augustin sait que la mort provoque une rupture relationnelle. Il veut affermir son auditoire devant la réalité de la mort. Il l’invite plutôt à l’espérance lorsque la mort s’empare d’une personne aimée. Ainsi il recourt à la métaphore biblique du grain de blé enfoui qui doit passer par une forme de mort pour porter des grains (cf. Jn 12, 24). Le réconfort qu’Augustin veut donner fait également allusion à cette parole biblique selon laquelle « ceux qui sèment dans les larmes, moissonnent en chantant » (cf. Ps. 126, 5 ou 125, 5. La mort est certes une douleur, mais l’issue de la résurrection est source de joie immense. Elle est une privation du contact physique avec un être cher. Augustin lui-même, avant sa conversion, avait été fortement peiné suite à la mort d’un ami d’enfance, qu’il nous relate dans le quatrième chapitre des

Confessions. Augustin venait à peine de commencer à enseigner dans sa ville

natale de Thagaste. Il l’avait amèrement pleuré à cause du grand vide qu’avait créé le décès de cet ami si cher à sa vie. Augustin raconte son état d’âme absorbée par ce deuil :

Cette douleur enténébra mon cœur, et partout je ne voyais que mort. La patrie m’était un supplice, la maison paternelle un étrange tourment, tout ce que j’avais partagé avec lui s’était tourné sans lui en torture atroce. Mes yeux le réclamaient de tous côtés … Seules mes larmes m’étaient douces et avaient pris la place de mon ami dans les délices de mon âme149.

148 Augustin, Sermon 361: « Sed tristis factus es de sepulto charissimo tuo, quia non statim

audisti uocem eius. Viuebat, mortuus est: manducabat, iam non manducat: sentiebat, iam non sentit: non interest gaudiis et laetitiae uiuorum. Numquid plangeres semen, quando arares? ». Traduction personnelle.

149 Augustin, Les confessions IV, V, 9: «Quo dolore contenebratum est cor meum, et quid

aspiciebam mors erat. Et erat mihi patria supplicium et paterna domus mira Felicitas, et quidquid cum illo communicaveram, sine illo in cruciatum inmanem verteratexpetebant undique oculi mei…Solus fletus erat dulcis mihi et successerat amico meo in deliciis animi mei».

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Cette mort de son ami l’avait profondément troublé à tel point que sa vie ne semblait plus avoir aucune saveur. Ce qu’Augustin vivait dans la profondeur de son âme pourrait être rapproché de la passion amoureuse traduite par Alphonse de Lamartine (1790-1869) dans ses Méditations

poétiques. Il écrit en effet dans son poème intitulé L’isolement (1820), suite au

décès en 1816 de Julie Charles le grand amour de sa vie : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé »150. Malgré le trouble de l’absence, Augustin

reconnaît que les larmes151 ont été bienfaisantes pour lui dans la perte de son

ami. Elles ont été une sorte de thérapie pour son apaisement. A l’époque de la mort de son très cher ami, Augustin était toujours mondain. Il n’avait pas encore épousé la foi chrétienne et était loin de s’imaginer qu’il serait un jour l’évêque d’une Église africaine. Désormais confronté au deuil que vivent les chrétiens, Augustin tente de les persuader d’y faire face avec courage et espérance sans se lamenter. Il emprunte aux Écritures, la métaphore du blé enfoui en terre, signe d’espérance pour la moisson future. Cette métaphore renvoie naturellement à la parole de Jésus : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt il porte beaucoup de fruits » (Jn 12, 24). Il en va de même pour le chrétien dont le corps est enfoui dans la terre, dans l’espérance en la résurrection. Ceux qui vivent la foi, savent bien que la