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CHAPITRE III. LA COURONNE MORTUAIRE

III.1. La couronne dans la Loi des Douze Tables

La Loi des Douze Tables date approximativement de 451 à 449 av. J.-C. Elle est la première disposition de droit privé connue de la Rome impériale et républicaine, qui nous est parvenue par bribes. La matière de la couronne y est abordée à la Table X. La couronne participe de la vie sociale dans l’Empire ; elle sert à honorer et à récompenser les citoyens qui s’illustrent dans

234 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XXI, V, 1. « Inde illa XII Tabularum : ‘Quis coronam

parit ipse pecuniaeve ejus, virtutis suae ergo duitor ei’ ». Texte établi, traduit et commenté par Jacques André, Paris, Les Belles Lettres, 1969.

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le domaine social, politique ou militaire, par exemple. C’est ainsi que les couronnes aiguisaient la convoitise des citoyens qui n’hésitaient pas à descendre dans le cirque pour combattre lors des jeux consulaires et à y envoyer aussi leurs esclaves. Cet état de fait conduisit à la formulation d’un décret de La Loi des Douze Tables :

Que celui qui, s’étant signalé à la guerre, a mérité une couronne pour récompense de sa valeur, ou qui, dans les combats sacrés et les jeux publics, a été couronné vainqueur, soit qu’il ait été vainqueur en personne, soit que ses chevaux ou ses esclaves lui aient obtenu la victoire, ait le droit après sa mort, ou même son père, de porter cette couronne tant que le cadavre est gardé à la maison, et lorsqu’il sera conduit avec pompe au Forum, afin que dans les obsèques, il jouisse des honneurs qu’il a mérités de son vivant235.

La Loi stipulait que le front du vainqueur, dans une course à pied, au pugilat ou dans une lutte corps à corps, dans une guerre, reçoive une couronne triomphale ou civique. Ces couronnes honorifiques poussaient les citoyens à la quête de la splendeur et de la puissance, et constituaient pour la République, dans la mesure où les jeux préparaient aux activités militaires, une assurance sur laquelle elle pouvait compter pour défaire l’ennemi en temps de guerre. Les ambitions de Rome de dominer l’univers trouvaient leur justification dans cette ferveur collective autour des couronnes.

Quant à ce qui touche aux funérailles, la Loi des Douze Tables prescrivait que l’on puisse déposer sur la tête du défunt des couronnes qui lui avaient été décernées durant sa vie, dans les jeux publics, en raison de sa valeur ou de sa richesse ayant servi pour une grande cause de la République : « De là

235BOUCHAUD M.-A, Commentaire sur La Loi des Douze Tables, Imprimerie de la

République, Paris, 1803, p. 293-294. Malgré l’ancienneté du commentaire, nous avons préféré le citer, ayant trouvé que c’était le seul qui fasse une compilation conséquente pour notre matière. Car, nous savons que la Loi des Douze Tables ne nous est connue que par des citations éparses d’auteurs tels que Cicéron et Pline l’Ancien. Nous trouvons le contenu de cette citation chez Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XXI, V : « Namque ad certamina in circum per ludos et ipsi descendebant et servos suos equos que mittebant. Inde illa XII tabularum lex : quis coronam parit ipse pecuniave eius, virtutis suae ergo duitor ei ». L’expression « pecuniaue ejus », «virtutis suae » a été sans doute mal comprise par Pline qui pensait qu’il s’agissait d’une couronne gagnée aux jeux par les esclaves ou les chevaux du vainqueur. Il est très probablement question d’une récompense décernée à un citoyen pour le remercier de l’argent donné à l’occasion d’une famine ou d’une calamité ayant été délétère au peuple. Selon la tradition, La Loi des Douze Tables (Lex duodecim tabularum ou Tuodecim

Tabulae) gravée sur douze tables d’airain est le premier corpus de lois romaines écrites par

des décemvirs. Cette première codification par les dix membres de la commission (les décemvirs) devait servir la vie de la cité et la justice entre plébéiens et patriciens.

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cette loi des XII Tables : ‘Si quelqu’un gagne une couronne par lui-même ou par son argent, qu’elle lui soit donnée pour mérite’ »236. En revanche, la Loi

des Douze Tables condamnait le luxe des funérailles, comme Cicéron

l’atteste : « Pas d’aspersion coûteuse, ni de couronnes longues ni d’encensoirs » 237. En dehors de ces restrictions légales qui excluent le faste,

le couronnement était donc autorisé non seulement pendant que le corps était exposé dans la maison sur un lit de parade, mais aussi le jour des obsèques lorsqu’il était porté, à travers la ville, au bûcher ou au tombeau. Durant l’exposition du cadavre, les proches parents entouraient le mort de fleurs comme le symbole de la fragilité de la vie humaine, et les amis y déposaient aussi des fleurs et des couronnes. En plus d’interdire les longae coronae, la Loi interdisait les aspersions (sumtuosa respersio), les fumigations par l’encens ou par la myrrhe, utilisées lors des funérailles, qui amplifiaient le faste de la célébration. Si la première disposition légale de la Rome républicaine admettait la couronne dans son usage social et funéraire, elle l’a cependant codifié, dans le souci de la sobriété. Nous prenons en considération dans les lignes qui suivent les renseignements de Pline l’Ancien et de Virgile sur la couronne.