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CHAPITRE I : DU GESTE AU RITE

II.1. L’encens en contexte égyptien, oriental et biblique

Nous analysons dans les lignes qui suivent la question de l’usage de l’encens en Égypte, en Orient et dans la Bible. D’abord, du côté de l’Afrique nous avons le cas de l’Egypte. En effet, l’Antiquité considérait les Égyptiens

174 Scholies d’Eschine, I Contre Timarque, 23, éd. Dindorf, p. 258.

175 SCHEID J., Quand faire, c’est croire. Les rites sacrificiels des Romains, Paris, Flammarion,

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comme de grands parfumeurs, des maîtres dans la préparation et l’emploi de l’encens. Sa fabrication réalisée dans le strict secret suivait un rite sacré. Ils employaient l’encens comme substance constitutive de la composition du kyphi que les spécialistes décrivent ainsi176 : « Le plus célèbre des encens

égyptiens est le Kyphi. La combustion des différentes variétés d'encens formait une partie importante des rites, car chaque ingrédient était doté de propriétés magiques et mystiques bien spécifiques. Lors de l'adoration du dieu soleil Râ, les Égyptiens brûlaient trois fois l'encens en son honneur tout au long de la journée »177. Ils l’utilisaient dans le culte à leurs divinités et dans les

rites funéraires. C’est ainsi que dans le culte d’Isis, l’encens, associé à la myrrhe et à d’autres parfums, était placé dans la carcasse du bœuf qui lui était offert. En tant que substance du sacrifice rituel, l’encens participe ainsi au culte rendu à la divinité.

En outre, chez les Babyloniens, l’usage de l’encens était régulier. En effet, les offrandes d’encens intervenaient dans le culte rendu aux dieux, dans les prières, les incantations, les rites funéraires. Il servait également à faire des fumigations pour la table des dieux, pour les lieux susceptibles d’être habités par leur présence, pour les habitations privées et pour les personnes.

Du côté de l’Assyrie, l’encens était d’usage fréquent. Nous prenons appui sur les témoignages bibliques de l’usage de l’encens en Assyrie. En effet, le judaïsme biblique atteste l’usage abondant de l’encens dans le culte au Baal assyrien178. On l’offrait en sacrifice aux dieux, au soleil, à la lune, aux étoiles.

176 Extrait du site de l’École lyonnaise des plantes médicinales, 1994. Le kyphi est un parfum

sous forme solide de l’Egypte antique. C’est une forme d’encens sacré que les Egyptiens brûlaient en l’honneur du dieu Rê qu’ils vénéraient. Ils croyaient également que chaque ingrédient composant le kyphi (entre dix et cinquante ingrédients) avait des propriétés magiques. On y trouve entre autres du miel, de la cannelle, de la myrrhe ou du bois de santal, http://antahkarana.forumzen.com/t410-l-encens.

177 http://antahkarana.forumzen.com/t410-l-encens. Extrait : École lyonnaise des plantes

médicinales, 1994.

178 Vulgate, 3 R 11, 7-10 : « Fecitque Salomon quod non placuerat coram Domino, et non

adimplevit ut sequeretur Dominum sicut David pater ejus. Tunc aedificavit Salomon fanum Chamos, idolo Moab, in monte qui est contra Jerusalem, et Moloch idolo filiorum Ammon. Atque in hunc modum fecit universis uxoribus suis alienigenis, quae adolebant thura, et immolabant diis suis. Igitur iratus est Dominus Salomoni, quod aversa esset mens ejus a Domino Deo Israel, qui apparuerat ei secundo, et praeceperat de verbo hoc ne sequeretur deos alienos, et non custodivit quae mandavit ei Dominus.» ; Jr 7, 8-9 : «Ecce vos confiditis

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Le dieu assyrien Baal est présenté comme un grand consommateur d’encens. L’Ancien Testament témoigne de la colère du Dieu d’Israël contre son peuple parce qu’il s’est détourné de Lui en offrant désormais de l’encens au profit de Baal. C’est alors que le Seigneur parla aux fils d’Israël : « Je prononcerai mes jugements contre eux, à cause de toute leur méchanceté, parce qu'ils m'ont abandonné et ont offert de l'encens (libaverunt) à d'autres dieux, et parce qu'ils se sont prosternés devant l'ouvrage de leurs mains » (Jérémie 1,16)179.

À la lumière des cultes orientaux, nous découvrons que l’encens est bien présent dans la culture et la spiritualité des peuples. La fumée de l’encens était riche en symbolisme dans le double culte rendu aux divinités et aux morts. Elle emportait au ciel les paroles de la prière ; offerte pour un défunt, elle emportait son âme au ciel. La fumée de l’encens était aussi un moyen sûr pour s’accorder la faveur des dieux qui appréciaient l’odeur agréable et irrésistible de l’encens.

Quel témoignage l’Ancien et le Nouveau Testaments apportent-ils sur l’usage de l’encens dans le culte divin tel qu’il se déploie dans le judaïsme et le christianisme ? D’entrée de jeu, il est important de souligner que la Bible ne mentionne aucun contexte où l’encens sert au culte des morts. L’encens est un bien qui relève du droit exclusif de Dieu. Il sert à la prière et à la purification en cas d’offense, mais aucun texte ne dit qu’il est utilisé lors des funérailles. Le judaïsme de l’Ancien Testament présente YHWH comme un Dieu qui apprécie beaucoup l'encens. Une des références est celle du livre de l’Exode où Dieu s’adresse à son peuple par Moïse :

Et le Seigneur dit à Moïse : ‘Procure-toi des essences parfumées : storax, ambre, galbanum parfumé, encens pur (tus lucidissimum), en parties égales. Tu en feras un parfum mélangé… et le parfum que tu feras, vous n’utiliserez pas sa recette à votre usage ; tu le tiendras pour consacré au Seigneur. Celui

vobis in sermonibus mendacii, qui non proderunt vobis: furari, occidere, adulterari, jurare mendaciter, libare Baalim, et ire post deos alienos quos ignoratis » ; Jr 11,13 ; Jr 19,13 ; Jr 22, 29 ; Ez 8,11 : « Et septuaginta viri de senioribus domus Israel: et Jezonias, filius Saphan, stabat in medio eorum stantium ante picturas: et unusquisque habebat thuribulum in manu sua, et vapor nebulae de thure consurgebat» ; Os 2,13 : « Et visitabo super eam dies Baalim, quibus accendebat incensum, et ornabatur in aure sua, et monili suo ».

179 Vulgate, Jeremias: « Et loquar judicia mea cum eis super omnem malitiam eorum qui

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qui en fera une imitation pour jouir de son odeur sera retranché de sa parenté 180.

Nous remarquons que l’encens est brûlé avec d’autres arômes en hommage à la divinité qui avertit contre toute usurpation.

L’encens et la myrrhe représentent les richesses et les parfums traditionnels de l’Arabie. L’attente messianique juive espérait pour le roi attendu l’hommage et les offrandes de toutes les nations : « Un afflux de chameaux te couvrira, de tout jeunes chameaux de Madiân et d’Eifa ; tous les gens de Saba viendront, ils apporteront de l’or et de l’encens (tus), ils se feront des messages des louanges du Seigneur » (Esaïe 60, 6)181. Dans le

judaïsme, le sacrifice d’encens était l’une des fonctions sacerdotales. En effet, le prêtre, au Yom Kippour (la plus solennelle des fêtes religieuses juives) entre dans le Saint des Saints pour offrir de l’encens à YHWH dont la présence est marquée et symbolisée par l’Arche de l’alliance (Lv 16, 11-16).

Le Nouveau Testament, dans la continuité de l'Ancien Testament, atteste l'utilisation de l'encens. Celui-ci fait en effet partie des cadeaux que les trois rois mages d’Orient apportent en offrande à Jésus à sa naissance, dans la cité de David à Bethléem182. L’encens dans l’épisode des rois mages, selon la

lecture traditionnelle, symbolise la divinité de Jésus. Il est aussi le symbole de la prière. Il fait également partie des parfums qui sont offerts à Dieu dans une vision du livre de l’Apocalypse : « Un ange vint se placer près de l’autel. Il portait un encensoir d’or (turibulum aureum), et il lui fut donné des parfums en grand nombre, pour les offrir avec les prières de tous les saints sur l’autel d’or

180 Vulgate, Exodus 30, 34-35: « Dixitque Dominus ad Mosen sume tibi aromata stacten et

onycha galbanen boni odoris et tus lucidissimum aequalis ponderis erunt Omnia faciesque thymiama conpositum opere unguentarii mixtum diligenter et purum et sanctificatione dignissimum cumque in tenuissimum pulverem universa contuderis pones ex eo coram testimonio tabernaculi in quo loco apparebo tibi sanctum sanctorum erit vobis thymiama talem conpositionem non facietis in usus vestros quia sanctum est Domino homo quicumque fecerit simile ut odore illius perfruatur peribit de populis suis».

181 Vulgate, Isaiah 60, 6: «Nundatio camelorum operiet te dromedariae Madian et Efa omnes

de Saba venient aurum et tus deferentes et laudem Domino adnuntiantes».

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qui est devant le trône. Et, de la main de l’ange, la fumée des parfums monta devant Dieu, avec les prières des saints »183.

Finalement, l’encens dans la Bible sert le culte rendu à Dieu, le seul qui soit digne de recevoir des offrandes d’encens. Après avoir porté notre attention sur l’encens en Egypte, en Orient et dans la Bible, nous nous intéressons aux témoignages des auteurs païens de la littérature latine.