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CHAPITRE I. LA TYPOLOGIE DES TOMBES

I.2. Les tombes souterraines en Afrique du Nord : les catacombes

L’existence de catacombes en Afrique chrétienne 313 a suscité des

controverses. Avant la découverte de celles de Sousse, les archéologues du XIXe siècle niaient leur existence. Les catacombes sont des galeries

souterraines à niveaux creusés dans le tuf, comme celles que nous trouvons à Rome où leur existence est fermement établie par l’archéologie. Elles sont construites le long des voies romaines de l’Appia, de la Labicana, de la Tiburtina, de l’Obtiens et de la Nomentana. Rappelons qu’au départ, dans les

311 SCHULNK H., « Sarkophage aus christlischen Necropolen in Karthago und Tarragona »,

Madrider Mitteilungen, 8, 1967, p. 230-238 ; RODA I., « Sarcofagi della bottega di Cartagine a

Tarraco », L’Africa romana, 7, 1989, p. 727-736.

312 DUVAL N., Op. cit., p. 195.

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catacombes romaines - les plus anciennes datant du 2e siècle - on déposait

païens et chrétiens sans distinction jusqu’à ce que les chrétiens eussent les leurs propres. Les plus célèbres des catacombes chrétiennes sont celles de saint Calixte314, de saint Sébastien315 et de sainte Priscille316. Les catacombes

africaines, même si elles diffèrent de celles de Rome en nombre et en célébrité, leur sont semblables par l’origine. En effet, toutes les deux ont été d’abord des cimetières d’inhumation païenne avant d’être des lieux de sépulture chrétienne. Les catacombes africaines de la période chrétienne nous sont connues grâce aux rapports de Leynaud, alors curé de Sousse, établis sur les fouilles des catacombes d’Hadrumète 317 . Elles se situent à

l’emplacement de l’actuelle ville de Sousse. Ces catacombes s’étendent sur une superficie de cinq kilomètres et regroupent autour de cent cinquante mille sépultures réparties sur deux cent quarante galeries qui ont servi entre le IIIe et

le IVe siècle. Noël Duval écrit ainsi : « Hadrumète présente la particularité de

posséder des catacombes où l’on a inhumé sans solution de continuité, aux

314 Les catacombes de saint Calixte possèdent le plus ancien cimetière et le mieux conservé

de la Via Appia. Elles apparurent dans la fin du deuxième siècle de notre ère. Elles prirent le nom de leur diacre Calixte qui fut désigné pour administrer le cimetière par le pape saint Zéphirin. Il est devenu pape à son tour et a agrandi le complexe funéraire. Seize papes romains y furent enterrés au troisième siècle (dans la crypte des papes). In http://www.rome- roma.net/catacombes-san-callisto-rome.php. WEBB M., The churches and catacombs of Early

Christian Rome : a comprehensive guide, Brighton, Sussex Academic Press, 2001.

315 Les catacombes de saint Sébastien sont sur quatre niveaux. Elles se trouvaient au départ

dans une dépression et étaient utilisées comme carrière de pouzzolane. Elles servaient bien avant comme lieu d’inhumation païenne avant de s’imposer comme nécropole chrétienne vers la fin du 2e siècle sous le patronage des saints Pierre et Paul. Les reliques des deux saints y

auraient été cachées, selon la tradition, avant l’édification des deux basiliques sur la colline du Vatican (la basilique saint Pierre) et sur la Via Ostiense (la basilique saint Paul). http://www.rome-roma.net/catacombes-de-saint-sebastien.php.

316 Les catacombes de Priscille (Priscilla) sont les mieux préservées de la vaste zone

d'inhumation qui était traversée par la Via Salaria. Le cœur de ces catacombes primitives, parmi les plus importantes et les plus anciennes de Rome, date de la fin du deuxième siècle de notre ère, comme en témoigne la présence de nombreuses inscriptions avec les noms de Pierre et de Paul. Son nom vient du fait que le fils de la propriétaire du terrain, une matrone romaine, aurait été l'hôte de Sainte Priscille. La partie la plus ancienne, appelée « chapelle grecque » en raison de deux inscriptions en lettres grecques peintes en rouge, servait à l'origine comme abri lors des chaleurs estivales. In http://www.rome-roma.net/catacombes-de- priscilla-rome.php.

317 LEYNAUD A.-F., Rapports sur les fouilles des catacombes d'Hadrumète. In : Comptes

rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 49e année, N. 5, 1905,

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IIIe et IVe siècles au moins, païens puis chrétiens »318. La découverte des

catacombes d’Hadrumète consacrait ainsi le vœu prophétique de Leynaud lors de ses investigations sur les vestiges chrétiens découverts à Sousse : « Un jour viendra peut-être où un heureux coup de pioche nous dévoilera d'autres vestiges de l'antique Hadrumète, et surtout l'emplacement de la nécropole chrétienne. Nous espérons qu'il ne tardera pas trop à luire, grâce à l'activité

des membres de la Société Archéologique de Sousse »319. Leynaud est ainsi

le témoin privilégié et le rapporteur dont la description est indispensable pour une découverte et une connaissance scientifique des catacombes de l’Afrique chrétienne. Il fournit un rapport circonstancié des fouilles sur les catacombes africaines, avec des détails précieux, établissant même un lien comparatif avec celles de Rome : « Je tiens pourtant, dit-il, à faire remarquer la ressemblance frappante des catacombes d'Hadrumète avec celles de Rome : ce sont bien les mêmes galeries taillées dans le tuf, généralement longues, étroites et peu élevées ; les plus larges atteignent 2 mètres, les plus étroites 0m 70 seulement; les plus hautes ne devaient pas dépasser 2 m 50 ; ce sont les mêmes loculi étages dans les parois verticales, le plus souvent sur trois rangées, et fermés ordinairement par trois grandes tuiles ; ce sont les mêmes petites niches où l'on plaçait les lampes en terre destinées à jeter quelques lueurs dans l'obscurité ; ce sont les inscriptions des plus anciennes catacombes romaines, peintes en noir sur la tuile, ou simplement tracées à la pointe sur la chaux, rarement gravées sur le marbre, courtes, humbles, ne contenant que la date, le nom du défunt, quelquefois les mots IN PACE320 ».

Un tel rapprochement avec les catacombes romaines a l’avantage de donner du crédit à celles d’Afrique et d’ôter tout doute à ceux qui nieraient l’existence de telles nécropoles. Ces nécropoles africaines présentent des

318 DUVAL N., « Les nécropoles chrétiennes d’Afrique du Nord », in Monuments funéraires.

Institutions autochtones en Afrique du Nord antique et médiévale, Éditions du Comité des

travaux historiques et scientifiques (CTHS), 1995, p. 192. LEYNAUD A.-F., Les catacombes

africaines, 2e éd., Alger, 1922.

319 LEYNAUD A.-F., Les catacombes africaines, 2e éd., Alger, 1922.

320 LEYNAUD A.-F. Rapports sur les fouilles des catacombes d'Hadrumète. In: Comptes

rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 49e année, N. 5, 1905. pp. 507-508.

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caractéristiques similaires à celles de Rome, du point de vue architectural et paléographique. Nous retenons ici les principaux éléments donnés par les descriptions d’Augustin-Fernand Leynaud, confirmés par Noël Duval. Elles sont taillées dans le tuf, dotées de niches avec des lampes à huile pour éclairer ce labyrinthe funéraire. Nous y trouvons des épitaphes et des gravures en marbre très rares, avec les symboles du poisson pour signifier l’Eucharistie, de la colombe pour matérialiser le requies in pace, du Bon Pasteur qui représente Jésus sauveur et l’âme du défunt sauvée, du monogramme du Christ pour signifier que le défunt était chrétien et de l’orante figurant l’âme qui est accueillie dans la paix de Dieu. Tous ces symboles permettent d’établir sans nul doute la présence chrétienne dans ces catacombes de l’Afrique chrétienne. Les tombes, à l’intérieur de ces catacombes, étaient recouvertes de tuiles ou de dalles de marbre. Chaque corps était soigneusement enveloppé dans un linceul et déposé à même le sol, dans la tombe. Nous n’avons aucune donnée sur les fossoyeurs préposés aux sépultures. Étaient- ils un collège assigné à cette tâche ? Dépourvu d’informations sur les acteurs de la construction de ces catacombes, nous pouvons au minimum émettre deux hypothèses sur leurs excavations. Elles pourraient relever soit de fossoyeurs africains formés à la technique romaine de construction de pareils monuments funéraires, soit de fossoyeurs romains d’Afrique, de Rome ou d’ailleurs, spécialisés dans la construction de ces genres de lieux de sépulture souterrains. Cette architecture funéraire nécessitait un minimum de technique et de savoir-faire. L’archéologie funéraire ne nous a pas révélé l’existence de fresques dans les catacombes de l’Afrique du Nord chrétienne. Après avoir précisé les données archéologiques sur la typologie des tombes, nous analysons les formes de sépulture à partir des informations que nous donne la littérature païenne.

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