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Thème particulier : Esprit d’unité, réconcilie ton peuple

7. La septième Assemblée mondiale du Conseil Œcuménique

7.3. Thème particulier : Esprit d’unité, réconcilie ton peuple

C’est la Section III de l’Assemblée – Esprit d’unité réconcilie ton

peuple – qui a été chargée de réfléchir, dans une perspective

pneumatologique, sur la question de l’unité visible et de ses possibilités actuelles. Plusieurs études préparatoires, représentant différentes traditions chrétiennes, ont été réalisées autour de ce sujet4.

1 Ibid., 42. 2 Ibid., 43. 3 Ibid., 44. 4

« Esprit d’unité, réconcilie ton peuple. Guide pour l’étude du thème », dans Canberra. Guide, 19-27 ; Thème, sous thèmes et grandes questions de la Septième Assemblée du

Comme le remarque le Guide officiel, l’Eglise est une koinônia dans l’Esprit1. Cet Esprit est l’Esprit Saint que Dieu a donné aux membres de l’Eglise (cf. 1Jn 4, 13) et qui fait d’eux ses enfants (cf. Rm 8, 16). En tant que koinônia dans l’Esprit, l’Eglise est avant tout un édifice spirituel (cf. Ep 2, 19), et une communauté de foi qui offre des sacrifices spirituels agréables à Dieu (cf. 1P 2, 5). Animé par l’Esprit d’amour, elle se présente dans le monde comme une koinônia fraternelle qui garde l’unité par le lien de la paix (cf. Ep 4, 3). Elle devient ainsi, pour les fidèles et pour le monde, un signe de communion à laquelle Dieu appelle tous les chrétiens et tous les hommes en son Fils. Dans la force de l’Esprit Saint, l’Eglise est capable de transcender toutes les différences entre les humains, pour en faire une véritable communion de foi, d’amour et de vie en Christ2.

Cet Esprit crée l’unité des fidèles à l’intérieur de l’Eglise, non pas par la suppression des variétés, mais par leur réconciliation. Animés par la foi en Christ et par l’amour du prochain, les chrétiens sont capables de transcender leurs différences de race, de langue, de sexe, d’âge, de rang social, etc., et d’utiliser la pluralité de leurs dons particuliers de l’Esprit pour la construction de la communauté ecclésiale qui est leur bien commun. En effet, comme le rappelle saint Paul, dans la communauté chrétienne, il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni

homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus–Christ (Ga 3, 28)3. Mais cet un est en même temps

multiple. La recherche de l’unité de l’Eglise n’est pas une quête

d’uniformité car l’Esprit permet aux chrétiens de se reconnaître unis à travers leurs particularités. L’Esprit crée l’unité dans la diversité4. La prise de conscience de la diversité de contextes socio–culturels, dans lesquels vivent les chrétiens, a permis aux Eglises de reconnaître que la foi chrétienne – étant un message universel adressé à toute l’humanité –

Conseil Œcuménique des Eglises. Dossier à l’usage des sections, Genève, WCC, 1990, 54-80 (cité désormais Canberra. Dossier) ; TILLARD, J.M.R., « Esprit, réconciliation, Eglise » et « Réflexions orthodoxes sur le thème de l’Assemblée. Rapport du colloque tenu en Crète du 25 novembre au 4 décembre 1989 », ces deux dernières études se trouvent dans CASTRO, E. (éd.), Le vent de l’Esprit. Réflexions sur le Thème de Canberra, Genève, WCC, 1990, respectivement : 85-101 et 115-131.

1 Canberra. Guide, 19. 2 Canberra. Dossier, 54. 3 Canberra. Guide, 19-21. 4 Canberra. Dossier, 57.

peut s’exprimer à travers une grande variété de formes sans que son contenu en soit aliéné1.

L’unité se présente comme un premier fruit de l’Esprit. La première communauté de chrétiens en est un exemple parlant. Après avoir reçu le don d’Esprit Saint au jour de la Pentecôte (cf. Ac 2, 1+), les fidèles se tenaient ensemble, ils n’avaient qu’un seul cœur et une seule âme et mettaient tout en commun (cf. Ac 2, 44, cf. 4, 32). Leur communion avec Dieu et les uns avec les autres était fondée sur l’eucharistie et la foi et maintenue par un ministère ecclésial généralement reconnu2. Dans le même chapitre des Actes des Apôtres et qui nous décrit l’événement de la Pentecôte, nous lisons aussi que les chrétiens se montraient assidus à

l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (Ac 2, 42). Cette koinônia de la première

communauté chrétienne est pour les chrétiens divisés d’aujourd’hui un défi qu’ils essayent de relever ensemble à l’intérieur du mouvement œcuménique.

La question à laquelle l’Assemblée a voulu apporter une réponse était celle de savoir comment notre vie dans l’Esprit – telle que nous l’expérimentons dans nos communautés respectives et à l’intérieur du mouvement œcuménique – peut être approfondie et améliorée pour rendre notre communion spirituelle plus intense et plus visible à l’extérieur. Pour cela, une véritable réconciliation avec Dieu et les uns avec les autres dans la grande famille des chrétiens est indispensable. La vraie réconciliation aboutit à la communauté3. La seule réconciliation capable de conduire tous les chrétiens à une véritable koinônia dans l’Esprit n’est pas celle qui oublie les divisions, mais celle qui commence par la conversion et la repentance à l’intérieur de chaque Eglise, et qui passe par un examen courageux et franc des sources mêmes de nos partages. L’Esprit Saint n’est jamais complice d’une réconciliation bon

marché mais exige une douloureuse conversion, un renouveau qui

coûte4. L’Eglise sera véritablement et visiblement réconciliée lorsque tous les chrétiens professeront la même foi, vivront en communion sacramentelle, témoigneront et serviront ensemble dans le monde5. Les

1 Ibid., 62. 2 Ibid., 55. 3 Canberra. Dossier, 57. 4 Ibid., 60. 5 Ibid., 58.

Eglises qui ne connaissent pas encore la pleine communion sacramentelle, notamment eucharistique, ne peuvent pas non plus prétendre posséder la plénitude de koinônia de l’Esprit Saint. La communion eucharistique présuppose la réconciliation et l’unité entre ceux qui se rassemblent autour de la même table du Seigneur1. Les divisions qui séparent aujourd’hui les chrétiens et les empêchent de communier à la même table eucharistique ne sont pas uniquement d’ordre doctrinal. Comme au temps de l’apôtre Paul (1Co 11, 17+), elles

sont aussi d’ordre social2. Le rétablissement de la communion

eucharistique exige donc que les Eglises s’investissent pour surmonter les injustices sociales qui persistent encore dans chacune d’elles et entre elles.

La réconciliation visible des chrétiens dans une seule Eglise est indispensable pour pouvoir témoigner d’une manière crédible de l’amour réconciliateur de Dieu pour tous les hommes et pour être un moteur du changement social dans le monde. En tant que signe et instrument de réconciliation, l’Eglise est déjà, dans le monde actuel, un avant-goût et une préfiguration du règne de Dieu à venir. Elle anticipe – à un degré encore imparfait mais réel – la koinônia eschatologique du monde à venir définitivement réconcilié avec Dieu3. Cependant, aussi longtemps que les chrétiens vivront dans des communautés séparées les unes des autres, cet aspect sera obscurci et leur témoignage diminué. La koinônia en l’Esprit-Saint se joue sur deux niveaux différents de la réalité de l’Eglise. Premièrement, elle concerne toute communauté particulière dans sa vie interne. Deuxièmement, elle se réfère à l’Eglise dans sa dimension universelle. Lorsque nous parlons de la communion entre différentes communautés locales de traditions spirituelles, théologiques et culturelles diverses, nous sommes aussi en présence de différentes ecclésiologies de type confessionnel et qui se distinguent, parfois considérablement, dans leurs visions de l’Eglise, de sa nature, de son rapport au monde et de son rôle dans le dessein de Dieu. Cette dispersion ecclésiologique constitue un obstacle majeur à la progression d’un œcuménisme cohérent et efficace. C’est pourquoi l’élaboration d’une ecclésiologie œcuménique de base s’est présentée aux délégués des Eglises rassemblés à Canberra, comme une des tâches les plus

1 Ibid., 58. 2 Ibid., 60. 3 Ibid., 54-55.

nécessaires mais aussi les plus difficiles à laquelle devaient faire face ensemble les Eglises. Mettre l’accent sur la pneumatologie pourrait aider les Eglises à réconcilier leurs doctrines respectives. La réflexion ecclésiologique commune devrait partir de la conception de l’Eglise comme communauté de gens rassemblés dans l’Esprit1.

Vu que la koinônia chrétienne ne saurait être séparée de la communion humaine à laquelle Dieu appelle tous les hommes, les inégalités sociales et économiques qui divisent l’humanité pèsent aussi sur les Eglises et empêchent souvent l’unité des chrétiens. Au nom de l’œcuménisme, les Eglises doivent s’engager solidairement pour un monde juste et équitable selon l’Esprit du Christ2. La réconciliation des Eglises avec le monde doit commencer par la reconnaissance de leur part de responsabilité dans les divisions entre les peuples, les races, les classes sociales, les sexes, etc. A travers toute l’histoire du christianisme, des Eglises se sont, à plusieurs reprises, rendues coupables d’implications politiques inappropriées qui ont contribué à créer ou à entretenir des séparations au sein de la famille humaine3.

Investie de la force de l’Esprit, l’Eglise est envoyée dans le monde pour y accomplir une mission de réconciliation. Celle-ci trouve son fondement théologique dans la participation (koinônia) de Dieu à la vie des hommes par l’Incarnation du Christ, et dans son œuvre de salut accomplie en faveur de toute l’humanité. Envoyée par le Christ pour perpétuer sa mission, l’Eglise exerce, au nom du Christ et sur son commandement, un ministère de réconciliation au sein du monde (2 Co 5, 18+)4. Le but de ce ministère est de rassembler tous les hommes dans une communauté de justice, d’amour et de partage, dans laquelle toute personne est traitée à pied d’égalité et considérée comme un frère ou une sœur dans la commune humanité5. Les Eglises sont appelées à s’engager avec tous les hommes de bonne volonté, quelles que soient leurs convictions religieuses ou idéologiques, pour la construction d’une communauté humaine universellement réconciliée. A la base de cet engagement commun pour un monde meilleur et plus juste, se trouve notre condition humaine unique, la vie dans le même monde et la

1 Canberra. Dossier, 60. 2 Canberra. Guide, 21-22 3 Canberra. Dossier, 56-57. 4 Canberra. Dossier, 54. 5 Ibid., 61.

vocation de tous les êtres humains à se servir les uns les autres. Dans cette perspective, toutes les ressources dont jouissent les Eglises – matérielles, culturelles, théologiques, humaines, etc. – doivent être utilisées pour l’enrichissement de toute la famille humaine. Ainsi, l’Eglise manifestera au monde le caractère universel de sa mission de réconciliation et d’unité1.

Cependant, cela pose aux Eglises la question ambivalente de leur identité spécifique chrétienne et de leur distinction par rapport au monde. En effet, pour sa cohésion et son unité, toute communauté a besoin d’une identité, de convictions partagées et d’objectifs communs2. Tout en vivant dans le monde, les chrétiens ont pourtant la conscience de ne pas être de ce monde et de constituer, au sein de l’humanité, une communauté distincte et originale. Dans un monde pluraliste, à l’époque de la mondialisation, leur défi consiste à affirmer, avec conviction, leur identité chrétienne, en la vivant comme un schéma ouvert aux inspirations nouvelles de l’Esprit-Saint dans un monde en mouvement.