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7. La septième Assemblée mondiale du Conseil Œcuménique

7.4. Une étude orthodoxe sur l’unité

Dans le sillage des préparatifs de l’Assemblée, un colloque orthodoxe – réunissant une trentaine de théologiens orthodoxes et orientaux non chalcédoniens –, s’est tenu sur l’île de la Crète du 25 novembre au 4 décembre 19893. Son but était d’apporter à l’Assemblée la vision et les perspectives orthodoxes sur le thème général et les sous thèmes prévus. En saluant le thème de l’Assemblée, le colloque a rappelé que la théologie occidentale présentait souvent des tendances christomonistes, et que la personne et l’œuvre de l’Esprit-Saint dans l’Eglise n’ont pas toujours été assez développées4. Du point de vue orthodoxe, la question de la koinônia ecclésiale envisagée dans une perspective pneumatologique doit tenir comte de quelques remarques préliminaires. Tout d’abord, toute théologie de l’Esprit Saint doit être placée dans le contexte d’une théologie trinitaire, car tout ce qu’accomplit l’Esprit reste en relation intrinsèque avec ce que font le Père et le Fils5. Dans les

1

Canberra. Guide, 22-23. 2

Canberra. Dossier, 64. 3

« Réflexions orthodoxes sur le thème de l’Assemblée», dans CASTRO, E. Op. cit., 115-131.

4

Ibid., 115. 5

écrits des Pères, notamment orientaux, la pneumatologie reste toujours étroitement liée à la théologie trinitaire. De même, la pneumatologie ne peut jamais être séparée de la christologie, car l’Esprit Saint œuvre avec le Christ et c’est lui qui le désigne comme Sauveur1. Pour développer une théologie œcuménique équilibrée, une juste synthèse entre la christologie et la pneumatologie est donc indispensable. La sotériologie orthodoxe est profondément marquée par l’idée de theosis – déification qui signifie à la fois la sanctification et la glorification. La theosis du fidèle s’accomplit par la force de l’Esprit Saint. C’est pourquoi, toute la tradition orthodoxe insiste sur l’importance de l’invocation de l’Esprit dans la prière – epiclesis2.

Toute la théologie orthodoxe est centrée sur la notion de koinônia, autant dans sa référence à Dieu que dans sa référence à l’Eglise. La Trinité est une communion de vie et d’amour entre Père, Fils et Esprit. L’Esprit-Saint est un Esprit de communion (cf. 2Co 13, 13) et il est l’Esprit de l’Eglise qui permet à ses membres de transcender leurs individualismes diviseurs et de créer ensemble une véritable communauté de frères et de sœurs dans le Christ. Cet Esprit de l’Eglise est l’Esprit du Christ (cf. Rm 8, 9-11) qui façonne la communauté ecclésiale en corps du Christ. Invoqué dans une prière épiclétique sur le pain et le vin et sur l’assemblée lors de la synaxe eucharistique, l’Esprit transforme ces éléments de la création en corps et sang du Seigneur, en même temps qu’il transforme aussi les participants individuels en corps du Christ – Eglise3.

Regardée à la lumière de ces principes, la réflexion œcuménique sur l’unité visible des chrétiens et sur ses formes possibles prend des dimensions particulières.

L’Esprit Saint est celui qui réalise l’unité de la communion ecclésiale. Selon un ancien hymne orthodoxe de la fête de la Pentecôte, lorsque le Très-Haut envoya les langues de feu, il nous a appelés à l’unité. C’est pourquoi, d’une seule voix, louons l’Esprit très Saint4. Dans l’Eglise, le Saint Esprit nous est donné pour restaurer notre relation avec Dieu et les uns avec les autres ; relation qui a été altérée par le péché. En participant à la vie et à la pratique de l’Eglise, les chrétiens se libèrent de leur esprit

1 Ibid., 116. 2 Ibid., 117. 3 Ibid., 117-118. 4 Ibid., 123.

de division découlant du péché et reçoivent le don de l’Esprit de communion qui les unit les uns aux autres dans le corps du Christ. Malheureusement, à l’intérieur même de la communauté chrétienne, le péché de divisions n’est pas encore surmonté. Le mouvement œcuménique se présente comme un signe de l’Esprit d’unité qui conduira un jour les Eglises à l’unité ecclésiale pleine et visible. Cette unité sera celle d’une communauté eucharistique réconciliée et apte à rassembler autour de la même table tous ceux qui invoquent le saint nom du Dieu trinitaire et qui appellent le Christ leur Seigneur1.

Les potentialités de cette unité nous ont été données lors de notre baptême chrétien par lequel nous avons reçu l’Esprit de koinônia. La grâce baptismale est une grâce de réconciliation : elle efface le péché qui divise et reconstitue notre communion originelle avec Dieu, avec le prochain et avec la création tout entière. Être baptisé, c’est recevoir l’Esprit Saint grâce auquel nous pouvons construire une koinônia à partir des charismes particuliers que chacun a reçus du même Esprit pour le bien de tous (1Co 12, 4+)2. C’est en coopérant avec l’Esprit de notre baptême que nous pourrons restaurer la plénitude visible de notre

koinônia dans l’Eglise. Conscients que cette unité à laquelle aspirent les

chrétiens ne peut être le résultat des efforts humains – aussi importants et nécessaires qu’ils soient –, les fidèles orthodoxes invoquent dans une humble et confiante épiclèse que l’Esprit fasse advenir l’unité là où Dieu la veut, quand il la veut et selon la forme qu’il veut3. L’unité pleine et parfaite est celle du Royaume de Dieu qui ne pourra se réaliser définitivement qu’à l’avènement ultime du Christ que nous attendons dans la foi. Malgré les forces démoniaques de division qui continuent à nous défier à l’intérieur même de la communauté chrétienne, les chrétiens croient que dans l’Eglise nous goûtons déjà les prémices de cette unité eschatologique.

1 Ibid., 124. 2 Ibid., 125. 3 Ibid., 126.