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La koinônia comme mise en commun des ressources matérielles et

4. La communion dans la Bible

4.1. La communion dans l’Ancien Testament et la culture juive

4.2.2. La koinônia comme mise en commun des ressources matérielles et

Parmi différents sens du terme koinônia dans le Nouveau Testament, nous trouvons celui de donner une part, faire part, mettre en commun. L’idée centrale exprimée par divers passages contenant le vocabulaire de la koinônia dans cette acception, est celle du partage qui réalise et manifeste la communion de foi et d’amour entre les chrétiens.

Dans le contexte de la collecte de Paul pour les chrétiens de Jérusalem (Ac 2, 42-47 ; 2Co 8, 4), il s’agit du partage des ressources matérielles avec les pauvres membres de l’Eglise. Mais il ne faut pas y voir un altruisme de type humaniste basé sur l’amour purement naturel de la personne humaine. La vraie motivation de la collecte est proprement religieuse : ce geste doit manifester la communion de foi, de cœur et de vie entre ceux qui partagent la même foi en Christ. Pour Paul, il s’agit de se conformer aux exigences de la foi en mettant en pratique les appels du Christ à la charité et la fraternité qui doivent caractériser les disciples. A regarder de plus près les motivations de la collecte à laquelle Paul tient autant, on se rend compte que l’aspect spirituel prime sur l’aspect matériel : mettre une part de ses ressources matérielles à la disposition des frères qui sont dans le besoin soude la communion spirituelle entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Donner, ne se limite pas à faire un don matériel mais crée une situation de communion spirituelle entre les donateurs et les receveurs – par delà le don, celui qui donne participe à celui qui reçoit et celui qui reçoit à celui qui donne. Le fait que la collecte soit organisée parmi les chrétiens venant du paganisme et destinée à la communauté de Jérusalem acquiert une importance particulière. Pour Paul, les païens qui participent aux bénédictions spirituelles accordées originellement aux fils d’Israël, sont moralement obligés de partager avec les pauvres frères de Jérusalem leurs ressources matérielles (Rm 15, 26- 27). Il y a ici l’idée d’une nécessaire réciprocité dans le partage, et qui constitue un trait essentiel de la koinônia chrétienne : dans l’Eglise du Christ, personne ne doit abuser personne mais chacun est appelé à partager avec les autres les biens dont il dispose ; que ces biens soient matériels ou spirituels. Le fait que des païens pourvoient aux besoins vitaux des Juifs constitue

pour Paul le cœur du projet et la raison de sa grande détermination personnelle pour le mener à sa fin (Ga 2, 10). La collecte doit manifester l’unité de la communion ecclésiale à travers le monde ; unité constituée des communautés locales dont les unes sont formées des Juifs et les autres des païens. Paul agit au nom de la conviction (qui n’était pas évidente à l’époque même parmi certains chrétiens) selon laquelle la communion chrétienne transcende toutes les frontières : géographiques, nationales, sociales, culturelle, etc. La collecte devient alors une expression concrète de la réconciliation universelle et définitive entre les différentes fractions de l’humanité que le Christ a initiée sur la croix en détruisant le mur de haine qui les séparait, et les réunissant dans l’unité de son corps (Ep 2, 14. 16).

A cet aspect de partage avec ses différentes dimensions symboliques, s’ajoute un autre, celui de l’imitation du Christ qui permet au fidèle d’entrer en communion avec lui. Faire don d’une partie de ses biens pour secourir des frères dans le besoin rend le chrétien semblable au Christ qui, de riche qu’il était s’est fait pauvre pour vous enrichir de sa

pauvreté (2Co 8, 4-9). La communion acquise ainsi n’est donc pas

uniquement celle avec les autres chrétiens, mais aussi, à travers eux, celle avec le Seigneur lui-même. Se déposséder de quelque chose à cause de la foi en Christ et de l’amour du prochain qui s’enracine dans cette foi, est un don de soi qui fait participer le fidèle au sacrifice du Christ sur la croix. Dans l’épître aux Hébreux, le partage de biens matériels est inséré dans un contexte cultuel qui lui confère une valeur spécifique d’offrande spirituelle agréable à Dieu (He 13, 16).

Donner une part se réfère aussi bien à une contribution pécuniaire qu’à

la prédication de la parole et l’enseignement de la foi. Paul parle de la communion qui existe entre les fidèles qui pourvoient à ses besoins matériels, et lui-même qui pourvoit à leurs besoins spirituels par son ministère d’apôtre. Avec reconnaissance, il évoque le geste des Philippiens qui l’ont soutenu financièrement dès le début de son ministère d’apôtre notamment lorsqu’il séjournait à Thessalonique dans le cadre de son premier voyage missionnaire (Ph 4, 15-16). De nouveau, ce n’est pas l’aspect matériel qui est le plus important pour Paul. Lorsqu’il exprime sa gratitude envers ses bienfaiteurs, il tient à préciser qu’il ne recherche pas les dons (v. 17), car il est habitué à vivre aussi bien dans l’abondance que dans le dénuement (v. 12). Ce qui importe pour lui, c’est la communion spirituelle qui se noue à travers le don matériel ; pour cette raison, il loue les Philippiens qui ont bien fait de

prendre part à son épreuve (v. 14). S’identifiant aux besoins de Paul, ils ont montré leur sens d’empathie et leur solidarité enracinée dans la foi en Christ. De cette foi, ils sont bénéficiaires grâce à l’évangile qui leur a été transmis par des apôtres, il est donc naturel que ces derniers bénéficient à leur tour de leur soutient matériel nécessaire pour la continuation de la mission. En s’adressant aux Galates, il demande que

le disciple fasse part de toute sorte de biens à celui qui lui enseigne la parole (Ga 6, 6)1. D’une manière générale, les apôtres qui font part des biens spirituels aux membres de la communauté par leur ministère ont le droit de vivre des biens matériels que la communauté met à leur disposition (1Co 9, 1-14). Cette règle fait écho à la recommandation donnée par Jésus lui-même à ses apôtres au moment de leur envoi en mission, recommandation selon laquelle l’ouvrier qui prêche la Bonne Nouvelle au nom du Christ mérite sa nourriture (Mt 10, 10 ; Lc 10, 7 ; cf. 1Tm 5, 18).

L’Eglise du Christ est une communion d’échanges entre les membres : on n’y donne pas sans recevoir mais on ne reçoit pas non plus sans vouloir partager avec les autres ce que l’on a soi-même.