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4. La quatrième Assemblée mondiale du Conseil Œcuménique

4.2. La catholicité selon Upsal

Dans le Rapport d’Upsal, l’unité des chrétiens dans l’Eglise est mise dans la perspective de l’unité des hommes dans le monde. Le Christ veut que partout dans le monde son Eglise préfigure une communauté humaine renouvelée et vivant selon son évangile dans la force de son Esprit. Les chrétiens sont appelés à manifester leur unité en Christ en formant une vraie communauté (full fellowship), à travers les différences de races, de classes, d’âges, de professions, d’opinions, etc3. Un commencement de semblable communauté (community) apparaît déjà entre les chrétiens dans le COE et d’autres structures œcuméniques, dont certaines sont à portée locale ou régionale, tandis que d’autres sont à portée mondiale. L’approfondissement et l’élargissement continuels de cette communauté doivent orienter tous les efforts œcuméniques des Eglises4.

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Sur le processus de préparation du document voir le commentaire de J. Weller, dans Upsal. Rapport, pp. 17-19.

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Même dans cette section, sans doute la plus théologique de toutes, plusieurs ont estimé que les Eglises devraient renoncer à la préoccupation trop exclusive de régler leurs différents doctrinaux et se soucier davantage de rechercher leur unité dans la solidarité avec les forces de la vie moderne, comme la lutte pour l’égalité raciale, le

développement, la paix (WENGER, A., Op. cit., 85). 3

Message de la quatrième Assemblée du Conseil Œcuménique des Eglises dans Upsal. Rapport, n°1, p.1.

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Les quatre notes de l’Eglise – unité, sainteté, catholicité et apostolicité – sont citées comme les marques essentielles de la communion ecclésiale, autant dans la dimension locale, que dans la dimension universelle1. Elles sont des dons que Dieu répand sur l’Eglise par l’Esprit Saint. Même si leur présence dans la communauté universelle des chrétiens est obscurcie par les divisions et les péchés des hommes, tous les membres de l’Eglise participent à son unité, à sa sainteté, à sa catholicité et à son apostolicité. Ces notes assurent déjà une unité intérieure de l’Eglise, que les communautés chrétiennes encore divisées sont appelées à manifester à l’extérieur par différentes formes de la vie communautaire. Elles constituent le fondement d’une unité organique et vivante en Christ par le Saint Esprit, sous la paternité universelle de Dieu, et à laquelle les chrétiens sont appelés dans l’Eglise une et unie2.

A partir de l’affirmation de la présence et de l’action de l’Esprit Saint dans l’Eglise, l’Assemblée d’Upsal a proposé une conception dynamique de la catholicité dans ses deux dimensions : locale et universelle. C’est, en effet, l’Esprit Saint qui répand l’Eglise dans l’univers et qui maintient en communion toutes ses parties. La catholicité n’est pas une simple dimension extérieure de l’unité, mais une qualité intérieure de toute l’Eglise et de toute communauté d’Eglise3. Elle exprime l’intégrité et la totalité de l’unité des croyants qui n’ont qu’un cœur et qu’une âme dans le Christ (cf. Ac 4, 32 ; Ph 2, 1-12). Cette catholicité que l’Eglise possède déjà ad intra, les chrétiens sont appelés à l’exprimer ad extra dans une communion de vie qui implique la célébration commune du culte, le témoignage unanime devant le monde et l’engagement commun en faveur de l’humanité4. Ainsi, tout en étant catholique dans la profondeur de son être, l’Eglise

1 Upsal. Rapport, n°5, p. 10. 2 Ibid., n°6, p.10. 3 Ibid., n°7, pp. 10-11. 4

Ibid., n°9, p. 11. Au cours des discussions sur la nature de la catholicité, les intervenants orthodoxes ont souligné qu’elle était un attribut essentiel et inaltérable de l’Eglise, tandis que, certains théologiens protestants l’envisagaient surtout comme quelque chose à acquérir à force des efforts œcuméniques. Les discussions ont conduit à la conclusion selon laquelle il fallait éviter une fausse dichotomie entre la catholicité au sens qualitatif (invisible) et catholicité au sens quantitatif (visible). Dans une vision totale, la catholicité doit être envisagée à la fois comme une marque essentielle de l’Eglise et un défi que les Eglises doivent relever en recherchant la plénitude de leur communion visible (Voir commentaire de J. WELLER dans Upsal. Rapport, pp. 17-19).

doit continuellement redevenir catholique dans sa vie de tous les jours. Elle devient catholique non pas dans le sens que la catholicité soit une qualité qui lui manquerait à présent et qu’elle devrait acquérir dans l’avenir, mais dans le sens qu’elle doit la rendre de plus en plus manifeste en unissant toujours davantage les chrétiens dans une même foi, dans l’adoration, l’amour et le service du Christ pour le monde1. Comprise ainsi, la catholicité possède deux dimensions : une verticale et une horizontale ; elle est en même temps une propriété et une vocation de l’Eglise2.

La catholicité ne s’oppose pas à la légitime diversité au sein de la communion ecclésiale3. En tant que don de l’Esprit Saint la catholicité est de caractère dynamique : elle implique une variété de charismes personnels, de formulations doctrinales, de formes liturgiques, d’activités apostoliques et pastorales, etc. Le Nouveau Testament et l’histoire de l’Eglise en témoignent abondamment. A chacun, pourtant, les dons de l’Esprit sont donnés en vue du bien commun (cf. 1Co 12, 7) et ils doivent être utilisés non pas de manière à obscurcir, mais, au contraire, de manière à manifester la catholicité de la communion ecclésiale. C’est pourquoi, la catholicité est existentiellement liée à la sainteté de vie des chrétiens et de leurs Eglises ; la sainteté étant l’un des signes primordiaux de l’authenticité évangélique de l’Eglise catholique4. La catholicité est étroitement liée à la continuité de l’Eglise à travers les âges5. Pour cette raison, elle ne peut jamais être séparée de son apostolicité6. Ainsi, la catholicité suppose à la fois la continuité avec la communauté apostolique et le renouveau continuel de l’Eglise par la force de l’Esprit, dans les conditions changeantes du monde et à travers l’histoire7. Pour faire partie de l’Eglise catholique répandue dans l’univers, chaque communauté locale doit aussi être apostolique dans sa foi, ses sacrements, son ministère, son engagement diaconal en faveur des hommes, son témoignage devant le monde et sa mission d’évangélisation8. L’apostolicité ainsi comprise signifie à la fois la

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Ibid., n° 7, p. 11 ; cf. Upsal. Rapport, p. 5. 2 Upsal. Rapport, p. 3. 3 Ibid., nos12-13, pp. 12-13. 4 Ibid., pp. 4-5. 5 Upsal. Rapport, n°14, p. 13. 6 Ibid., p. 4. 7 Ibid., n°15, p. 14. 8 Ibid., n°14, p. 13.

fidélité de chaque communauté particulière à l’Eglise fondée par le Christ sur le fondement des apôtres, et sa fidélité à l’homme et à ses préoccupations actuelles dans un monde en constante évolution ; la Tradition et l’actualité doivent perpétuellement être mises en harmonie dans la vie ecclésiale1.

Une telle conception dynamique de la catholicité pose aux Eglises actuellement divisées le défi de chercher l’unité dans une commune profession de foi, dans la reconnaissance réciproque du baptême, dans la célébration commune de l’eucharistie et dans un ministère ecclésial

communément reconnu2. C’est en accroissant leur communion

ecclésiale dans ces domaines que les chrétiens prendront une conscience plus aiguë d’être déjà des membres du même et unique corps du Christ répandu dans l’univers3.

A la différence des discussions de Nouvelle Delhi et de Montréal qui se sont concentrées autour de la dimension locale de l’unité, l’Assemblée d’Upsal s’est surtout préoccupée de la communion ecclésiale dans sa dimension universelle. Pour arriver à la plénitude de la catholicité, il ne suffit pas de réaliser l’unité de tous les chrétiens en chaque lieu – ce qui a été postulé par l’Assemblée de la Nouvelle Delhi. L’Assemblée d’Upsal a intimement lié l’unité dans sa dimension locale avec l’unité dans sa dimension universelle, en incluant dans le Rapport sur la catholicité, un postulat de l’unité de tous les chrétiens en chaque lieu et en tous lieux4. Influencée par les recherches sur la conciliarité et les conciles œcuméniques que menait à l’époque la commission Foi & Constitution, l’Assemblée a envisagé l’Eglise dans sa dimension universelle comme une communion conciliaire des communautés locales. Cette idée l’a conduite à lancer l’idée d’un concile vraiment

universel avec la participation active de toutes les confessions et

dénominations5.

La nouvelle perspective universaliste s’accordait bien avec l’ouverture au monde postulée par l’Assemblée. Elle se référait à l’expérience commune des chrétiens qui, malgré leurs divisions ecclésiales, préservaient la conscience d’être incorporés au même corps du Christ et

1 Ibid., n°16, p. 14. 2 Ibid., n°17, p. 14. 3 Ibid., n°19, p. 15. 4 Ibid., n°18, p. 14. 5 Ibid., n°19, p. 15.

de former en lui les prémices de la nouvelle humanité pleinement réconciliée avec Dieu et en elle. C’est notamment dans une rencontre œcuménique comme une assemblée mondiale de chrétiens de diverses dénominations, que tous ressentaient profondément cette catholicité du corps du Christ dans lequel ils se reconnaissaient mutuellement membres d’un organisme vivant et universel. Replacée dans la perspective de l’unité universelle du genre humain, l’Eglise acquiert une valeur de signe prophétique dans et pour le monde et par lequel s’accomplit progressivement la récapitulation de l’humanité en Christ1. Elle apparaît ainsi comme la forme actuelle de cette nouvelle humanité unie au Christ par la foi et se nourrissant dans sa vie de communion de son eucharistie2.