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4. La communion dans la Bible

4.1. La communion dans l’Ancien Testament et la culture juive

4.2.3. La koinônia comme participation communautaire

Les mots du groupe koinos sont souvent utilisés pour exprimer l’idée de

participer avec des autres, prendre part ensemble, avoir communion à quelque chose avec quelqu’un. En effet, ce sens est le plus fréquent dans

l’ensemble du Nouveau Testament en général, et dans le corpus

paulinien en particulier. Il apparaît dans des contextes variés. Dans

plusieurs passages, il s’agit d’avoir part à la communion qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. En passant du langage de l’exégèse à celui de la théologie, on parlerait alors de la participation à la vie divine ou trinitaire. Cette koinônia est un lien vital en vertu duquel les fidèles deviennent participants (koinonoi) de la nature divine (2P 1, 4). Toute la première lettre de Saint Jean véhicule l’idée selon laquelle être chrétien signifie avoir communion avec Dieu le Père et son Fils Jésus–Christ (1Jn 1, 3). Il s’agit d’une relation de proximité qui commence dans ce

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Certains y voient une référence aux sophistes grecs qui enseignaient en échange de l’argent, ou encore à l’idéal grec de l’amitié fondée sur le principe d’échange et de réciprocité. Il paraît cependant plus probable que Paul se réfère directement au Christ et aux exigences de son évangile, sans avoir nécessairement dans l’esprit les règles et normes empruntées aux autres cultures ou religions.

monde pour s’achever dans le monde à venir (1Jn 3, 2). La communion des fidèles avec Dieu, dans le Christ, réalisée par la foi et l’amour (1Jn 4, 8. 16), est le fondement de la communion qui s’établit entre les frères au sein de la communauté de croyants (1Jn 1, 7+) ; elle est la motivation profonde de l’esprit de communion qui anime la vie de la communauté et qui s’exprime dans la charité fraternelle (1Jn 2, 10-11 ; 3, 10. 17)1. De nombreux textes de saint Paul s’entendent dans le même sens : la communion des chrétiens est fondée en Dieu, par le Christ, dans l’Esprit. C’est Dieu qui appelle les croyants à la communion avec son Fils Jésus–Christ (1Co 1, 9) et qui les fait entrer dans la communion du Saint Esprit (2Co 13, 13) qui vient de Dieu (1Co 2, 12). Ainsi, la

koinônia de vie qui s’accomplit à l’intérieur de la communauté de

fidèles est ancrée dans la koinônia qui existe à l’intérieur de Dieu. Et comme Dieu demeure unique en trois personnes, l’Eglise demeure unique dans la multitude de ses membres : le même Esprit est à l’origine de divers dons spirituels qui sert à l’édification de l’Eglise, l’unique Seigneur suscite la multiplicité des ministères, et le même Dieu opère

tout en tous (1Co 12, 6, cf. Ep 4, 4-6). Tout cela s’accomplit en vue du bien commun (1Co 12, 7) et réalise la communion entre les membres

nombreux de l’unique corps du Christ (1Co 12, 27). L’image du corps du Christ appliquée par Paul à l’Eglise véhicule un trait essentiel de son ecclésiologie : comme le corps humain ramène à l’unité la pluralité de ses membres, ainsi, le Christ – principe unificateur de son Eglise –, ramène tous les chrétiens à l’unité de son corps. Cette image est en accord parfait avec la théologie paulinienne de la koinônia : comme dans le corps humain tous les membres participent à la même vie naturelle, de même, dans l’Eglise tous les membres du corps du Christ participent à la même vie divine en vertu de la participation à l’unique Esprit.

Paul emploie quelquefois l’expression koinônia (tou ägiou) pneumatos (2Co 13, 13 ; Ph 2, 1), traduite en français par communion du Saint

Esprit. Différentes explications de cette formule ont été proposées, et

toutes sont possibles du point de vue de la critique littéraire. Sans se contredire, elles se complètent plutôt et éclairent divers aspects de la

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Outre le vocabulaire de la koinônia, Jean emploie d’autres termes pour décrire cette communion qui existe entre Dieu et le chrétien et entre les chrétiens. A titre d’exemple, nous pouvons évoquer l’image de la vigne et des sarments (15, 1-6) ou la prière de Jésus pour l’unité avant la passion et la mort (17 11, 20-26).

communion de l’Esprit Saint1. La première lecture possible est celle qui y voit une référence directe à la troisième personne divine. Là encore, deux possibilités d’interprétation existent. Dans le premier cas on peut lire la formule comme communion (participation) à l’Esprit Saint, et dans le second cas comme communion entre les chrétiens dans l’Eglise

réalisée par l’Esprit Saint. Dans ce cas-là, nous pensons instinctivement

aux différents dons de l’Esprit (1Co 12, 4-11) grâce auxquels l’Eglise est édifiée en tant que le corps du Christ (1Co 12, 7 ; Rm 12, 4-8). L’Esprit Saint s’y révèle comme l’Esprit de l’Eglise qui réalise la communion entre les membres du corps du Christ. Si nous optons pour la première variante – communion (participation) à l’Esprit Saint –, cela nous amène à penser surtout au baptême chrétien qui a le pouvoir efficace de donner le Saint Esprit au croyant (Ac 11, 16). Ainsi, la

koinônia des fidèles se révèle comme un effet de la grâce baptismale,

par laquelle tous les chrétiens ont été plongés dans l’unique Esprit (1Co 12, 11-13). Cet Esprit est celui du Christ mort et ressuscité pour nous (Rm 6, 3). Ceux qui ont reçu le baptême en son nom et qui lui appartiennent par la foi – qu’ils soient Juifs ou païens et quel que soit leur statut social – ne font qu’un en lui (Ga 3, 27). Par conséquent, avoir part à l’unique Esprit reçu par le baptême (conféré au nom du Christ, Ac 2, 38), fait entrer le croyant à la communion de l’unique Eglise du Christ.

Une troisième lecture, qui ne fait pas de référence directe à la personne de l’Esprit Saint, est possible. Certains estiment que dans les deux textes bibliques le contexte permet de traduire l’expression koinônia tou

pneumatos par communion d’esprit qui fait la référence à l’amour, à la

compassion et à l’accord des sentiments et des pensées entre les fidèles à l’intérieur de la communauté. Dans ce cas, l’accent est mis sur l’unanimité d’esprit et la vie de communion qui doivent caractériser les chrétiens dans leurs rapports réciproques. Sans nous croire compétents pour entrer dans un débat exégétique sur la critique de l’expression, nous pouvons pourtant affirmer avec certitude que les trois variantes restent en accord avec la foi de l’Eglise telle qu’elle se trouve exprimée dans l’ensemble des Ecritures et confirmée par la Tradition de l’Eglise. Si les deux premières insistent sur le caractère sacré de la koinônia

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REUMANN, J. « Koinônia in Scripture », in BEST, T. and GASSMANN, G. (eds), Op. cit., 46-47.

ecclésiale qui est une participation à la koinônia divine elle-même réalisée par l’Esprit Saint, la troisième souligne l’importance des exigences éthiques pour l’édification et le maintien de cette koinônia entre les membres de l’Eglise qui ont été abreuvés du même Esprit. Dans le contexte de la vie de la communauté chrétienne, la koinônia prend le caractère d’une motivation intérieure profonde qui inspire aux fidèles la charité, la fraternité, l’attitude de partage, l’hospitalité, l’harmonie, la paix, la justice l’égalité, etc. La koinônia implique une façon de vivre et de se comporter, enracinée dans la participation de tous les membres de la communauté à l’unique Esprit qui est à la fois et inséparablement l’Esprit de Dieu et du Christ et l’Esprit de l’Eglise. Cette vie de communion à laquelle les chrétiens sont appelés dans le Christ ne se limite pas à la participation commune aux différents dons de l’Esprit et aux bénédictions spirituelles. Ceux qui forment ensemble l’unique Eglise sont appelés à prendre part les uns avec les autres aux souffrances dont souffre le corps du Christ dans le monde. Paul utilise le langage de la koinônia pour parler de la participation commune des fidèles aux souffrances du Christ (Ph 3, 10). Il s’agit des souffrances qu’endurent les membres de l’Eglise dans le monde à cause du Christ et de son évangile. Pour ceux qui appartiennent au Christ et s’adonnent à répandre son message du salut à travers le monde, des épreuves et des tribulations peuvent venir. Pourtant, les chrétiens qui demeurent unis au Christ par la foi sont déjà consolés, au sein même des souffrances, et appelés à communiquer cette consolation aux autres qui souffrent aussi à cause du Christ (2Co 1, 4-7 ; 7, 4). Les chrétiens doivent être en communion les uns avec les autres dans les joies aussi bien que dans les souffrances. Le contexte est clairement ecclésiologique. Pour Paul, il ne s’agit pas d’une éthique individualiste d’imitation qui viserait la perfection personnelle du fidèle par une sorte de reproduction de la vie du Christ dans sa propre vie. S’il se réjouit de ses souffrances d’apôtre, c’est parce qu’elles sont endurées pour l’Eglise du Christ (Col 1, 24)1.

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Nous ne voulons pas entrer ici dans la discussion exégétique et théologique sur la prétention de Paul à compléter dans sa chair ce qui manque aux tribulations du Christ. Signalons simplement que toute son œuvre témoigne, sans équivoque, de sa conviction inébranlable selon laquelle le Christ, crucifié dans sa chair pour nos péchés, est le Sauveur unique et universel dont le sacrifice a été parfait (Col 1, 19-20. 22 ; 2, 9-10. 13- 14 ; 3, 1). Ce que Paul doit compléter, ce ne sont pas les souffrances rédemptrices du Christ pour l’Eglise, mais son ministère d’apôtre qu’il appelle les tribulations du Christ en ma chair… pour l’Eglise. Quelle que soit l’interprétation que l’ont puisse donner aux

Dans l’esprit de Paul, chaque fidèle doit prendre sa part aux épreuves de l’Eglise dans le monde. Cette solidarité dans les souffrances donne aux fidèles le droit de prendre part ensemble à la consolation que le Christ accordera, en temps voulu, à son Eglise (2Co 1, 3-7). La consolation définitive sera eschatologique : ceux qui prennent part aujourd’hui aux souffrances du Christ dans l’Eglise, auront le privilège de partager sa future Gloire (Ph 3, 10-11). La loi de communion s’étend ainsi de la participation aux afflictions du temps présent, jusqu’à la participation à la résurrection à la fin des temps et à la gloire éternelle : ni dans la souffrance, ni dans le salut, le chrétien n’est isolé des autres, mais tout est vécu en communion avec les autres, c’est–à–dire en Eglise.

Cette dimension communautaire de l’Eglise se manifeste aussi dans l’association des chrétiens dans la mission d’évangélisation du monde. Dans certains passages du Nouveau Testament, le vocabulaire de

koinônia est utilisé dans le sens de partenariat entre des personnes qui

accomplissent ensemble cette tâche. Ainsi, Tite est l’associé et

coopérateur de Paul auprès des Corinthiens, dans la mission de leur

enseigner l’évangile du Christ (2Co 8, 23), de même, il est considéré par l’apôtre comme son véritable enfant dans la foi qui leur est commune (Tit 1, 4).

La koinônia de l’Eglise se manifeste d’une manière particulièrement forte et visible dans la communauté chrétienne rassemblée autour d’une même table pour prendre part ensemble au repas du Seigneur. L’eucharistie se trouve au cœur même de la vie de communion de la communauté chrétienne. Dans la Première lettre de Paul aux Corinthiens – le plus ancien écrit néotestamentaire où nous rencontrons le vocabulaire de la koinônia – le contexte est explicitement eucharistique. Paul parle ici de la communion au corps et au sang du Christ qui se réalise à travers le partage commun du même pain et la participation commune à la même coupe de bénédiction :

La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas participation/communion (koinônia) au sang du Christ ? Le pain que

souffrances de Paul en tant qu’apôtre, quatre choses sont clairement affirmées dans ses lettres : 1) le Christ est l’unique Sauveur, 2) les souffrances de Paul sont une

participation aux souffrances du Christ – aspect christologique, 3) elles sont endurées pour le bien de l’Eglise – aspect ecclésiologique, 4) elles donnent l’espérance de la résurrection – aspect eschatologique.

nous rompons n’est-il pas participation/communion (koinônia) au corps du Christ ? (1Co 10, 16)1.

Le fait de consommer le pain et le vin, offerts par le Seigneur comme son corps et son sang dans le repas eucharistique, confère aux participants la communion avec le Christ. Cette communion avec le Seigneur ressuscité, à laquelle les croyants participent ensemble au cours d’une célébration commune, est le fondement et la source de la communion entre eux au sein de la communauté. Dans toute la lettre, Paul condamne avec vigueur les divisions survenues dans la communauté de Corinthe, et qui se sont manifestées lors de la célébration du repas du Seigneur : il les juge contraires à l’esprit eucharistique. En effet, tous ceux qui participent à l’unique pain ne forment qu’un seul corps et doivent le manifester par leur vie car l’eucharistie non seulement réalise la communion mais aussi l’exige (1Co 10, 17 ; cf. 12, 12+). Dans un argument rhétorique, Paul passe de la christologie à l’ecclésiologie. La situation de conflits internes qui déchirent la communauté de Corinthe nous éclaire sur la visée pédagogique de son enseignement : encourager l’esprit communionnel parmi les chrétiens dont la synaxe eucharistique est à la fois une source et une expression. L’unité de l’Eglise est son souci principal. Cette unité doit être préservée avec zèle car elle est de caractère sacré en raison de son enracinement dans la participation commune des fidèles au corps et au sang du Christ. Dans l’esprit de Paul, l’Eglise dans son être le plus profond, est eucharistique et la communion entre les chrétiens ne peut pas exister sans être ancrée dans la célébration du repas du Seigneur : la communauté devient l’Eglise précisément par la participation de tous les membres à l’unique eucharistie qui les unit dans le Christ. Le passage de 1Co 10, 16-17 mis en rapport avec d’autres passages de Paul sur l’unité du corps du Christ (1Co 12, 12+ ; Rm 12, 4-5+ ; Ep 4, 3-6 ; Ga 3, 28 ;

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Il est possible que ces formules ne soient pas entièrement de Paul. Certains exégètes estiment qu’elles ont été élaborées par les chrétiens de Corinthe, eux-mêmes essayant d’expliquer la signification du repas du Seigneur dans des termes de leur propre culture. Quel que soit l’auteur originel des expressions koinônia estin tou aimatos tou Christou et koinonia tou somatos tou Christou, le fait que Paul les introduit dans son

enseignement sur l’eucharistie manifeste qu’il juge le vocabulaire de la koinônia comme étant en accord avec sa théologie du corps du Christ (HÄUSER, G., Communion with Christ and Christian Community in 1 Corinthians : A study of Paul’s Concept of Koinonia, Durham, 1992).

Col 3, 11+) et sur l’eucharistie (1Co 11, 23-26+) révèle clairement le caractère eucharistique de l’Eglise1.

Cette dimension eucharistique de la communion ecclésiale lui confère un caractère de double exclusivité : d’une part, le repas eucharistique ne peut être partagé que par ceux qui appartiennent au Christ et font partie de son Eglise ; d’autre part, ceux qui participent à la table du Seigneur ne peuvent pas participer à la table des idoles pour ne pas avoir part avec eux (1Co 10, 18-21). Paul déduit cette exclusivité de la foi que la participation au repas du Seigneur confère de la communion avec lui. Cette foi est ancrée dans la promesse du Christ selon laquelle ceux qui partagent le pain et le vin pendant le repas du Seigneur participent à son corps et à son sang, c’est–à–dire à sa vie. Paul associe cette foi à la théologie vétérotestamentaire du repas sacrificiel par lequel les participants entraient en communion avec l’autel – symbole de la présence divine. Cela le conduit à opposer le repas du Seigneur aux repas sacrés païens qui suivaient les sacrifices offerts aux divinités. En effet, comme il n’y a pas d’entente entre le Christ et Béliar, il ne peut y avoir d’association entre fidèle et infidèle (2Co 6, 14-16) ; comme il n’y a pas d’accord entre le temple de Dieu et les idoles, de même il n’y a pas d’association entre les disciples du Christ qui sont le temple de Dieu

vivant et les infidèles que ces premiers doivent fuir (2Co 6, 14-17). Ces infidèles, ce sont surtout les membres de la communauté chrétienne qui

trahissent l’Eglise en participant à des repas sacrés offerts à des dieux étrangers (1Co 8, 10). Agissant ainsi, ils pèchent contre leurs frères dans l’Eglise et contre le Christ (v. 11). Mais les adeptes des autres religions qui offrent des sacrifices à des démons et participent à des repas sacrés qui les mettent en communion avec des idoles étrangères appartiennent aussi à cette catégorie – aucune communion n’est possible entre ceux

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Les passage ici mentionnés – avec, au cœur 1Co 10, 16-17 – constituent la base néotestamentaire fondamentale de l’ecclésiologie eucharistique remise en valeur au 20ème siècle dans le dialogue œcuménique, grâce surtout aux théologiens orthodoxes. Voir à ce sujet, CLEMENT, O., « L’ecclésiologie orthodoxe comme ecclésiologie de communion », Contacts 61 (1968), 10-36 ; ZIZIOULAS, J., « L’Eucharistie : quelques aspects bibliques », dans Zizioulas, J. & Tillard, J.M.R., & Von Allmen, J.J.,

L’Eucharistie, col. Eglises en dialogues 12, Mame, 1970 ; AFANASSIEFF, N., L’Eglise du Saint Esprit, col. Cogitatio Fidei 83, Paris, 1975 ; SCHMEMANN, A., L’eucharistie, sacrement du Royaume, col. L’Echelle de Jacob, Paris, 1985 ; cf. McPARTLAN, P., Sacrament of salvation. An Introduction to Eucharistic Ecclesiology, Edinburgh, T&T Clark, 1995.

qui célèbrent le repas du Seigneur et ceux qui immolent aux idoles. Comme il n’y a pas de communion entre la lumière et les ténèbres (2Co 6, 14), de même les enfants de la Lumière ne peuvent pas avoir communion avec les enfants des ténèbres, pour ne pas se rendre

coupables de leur péché (Ep 5, 11)1. Pour Paul, c’est surtout

l’eucharistie qui interdit aux chrétiens d’établir la communion avec les incroyants.

D’une manière générale, dans le langage des premiers chrétiens, l’usage du vocabulaire de koinônia se limite aux chrétiens et éventuellement à ceux qui sont l’objet de leur mission d’évangélisation2. Il ne s’applique jamais aux relations entre les chrétiens et les non chrétiens, qu’ils soient Juifs ou païens. Cette exclusivité d’usage est une autre indication que, pour l’Eglise primitive, il n’y a pas de communion entre ceux qui sont dans le Christ et ceux qui sont en dehors de lui, entre ceux qui croient en lui et ceux qui ne le reconnaissent pas comme le Messie envoyé par Dieu pour le salut du monde3. Certes, les uns et les autres vivent côte à côte mais ils appartiennent à deux communautés distinctes : le monde et l’Eglise4.

Chez Paul, le contexte général dans lequel apparaît le vocabulaire de la koinônia est celui du salut par et dans le Christ. Il conçoit ce salut comme une koinônia : pour Paul, être sauvé, c’est avoir part à la vie éternelle avec le Christ, entrer en communion avec lui, faire communauté en lui. Certes, cela ne sera pleinement réalisé qu’à la fin

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Le dualisme lumière – ténèbres est fréquent dans le Nouveau Testament. Il symbolise deux mondes qui s’opposent, l’un s’efforçant de vaincre l’autre (Lc 22, 53 ; Jn 13, 27- 30). Le premier, c’est le monde des disciples du Christ qui vivent suivant sa lumière, le second, c’est le monde des adversaires du Christ sous la domination de Satan – prince des ténèbres (2Co 6, 14 ; Col, 1, 12-13). Face au Christ – Lumière du monde (Jn 8, 12), personne ne peut rester indifférent, chacun doit se prononcer pour ou contre (Jn 3, 19- 21 ; 9, 39). Il n’est pas possible d’être à la fois dans la lumière et dans les ténèbres. L’opposition entre la lumière et les ténèbres est une autre façon de souligner le caractère exclusif de la communauté chrétienne.

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Sauf quelques rares exceptions où le terme koinônia possède un sens négatif de condamnation ou d’interdiction. Matthieu met dans la bouche de Jésus la condamnation de ceux qui communient au même péché (Mt 23, 30) ; d’autres textes appellent les chrétiens à éviter les pécheurs pour ne pas avoir de communion avec leur péché (2Jn 11 ; 1Tm 5, 22).

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REUMANN, J. Op. cit., 48. 4

Plus tard Augustin développera magistralement cette distinction dans son célèbre De Civitate.

des temps, lorsque le Seigneur reviendra dans sa gloire et nous amènera